Un exemplaire de la série « L’Empire des lumières » a été adjugé, mardi, après dix minutes de lutte entre enchérisseurs. C’est la première fois qu’une œuvre du peintre belge dépasse 100 millions de dollars. La vente témoigne de l’embellie dans les maisons d’enchères.
René Magritte (1898-1967) est entré dans le club très sélect des artistes dont une œuvre a dépassé 100 millions de dollars, rejoignant Picasso, Klimt, Basquiat et Léonard de Vinci. A New York, peu avant 20 heures, mardi 19 novembre, dans la salle des ventes de Christie’s, à côté du Rockefeller Center, un exemplaire de la série « L’Empire des lumières » du peintre belge a été adjugé pour 121 millions de dollars (114 millions d’euros), frais et taxes inclus, après dix minutes de lutte entre enchérisseurs. Cette toile est un jeu d’ombre et de lumière, qui représente l’image paradoxale d’une maison de nuit, seulement éclairée par un lampadaire, sous un ciel bleu de jour.
En ce centenaire de la publication du Manifeste du surréalisme d’André Breton, le surréalisme se vend bien. D’autres toiles de Magritte qui ne faisaient pas partie de la collection Ertegun ont trouvé preneur : un autre exemplaire de la série « L’Empire des lumières » pour 16 millions de dollars hors taxes et frais, une version de La Recherche de l’absolu pour 7 millions de dollars et la toile Les Chasseurs au bord de la nuit (1928), pour 8 millions, toutefois dans la fourchette basse de l’estimation.
« Les gens ont une meilleure connaissance du surréalisme ces derniers temps », a déclaré à l’agence Bloomberg la marchande d’art israélienne installée à Londres et à New York Daniella Luxembourg, dont la galerie organise une grande exposition Magritte au printemps 2025.
Une bonne nouvelle
Guillaume Cerutti, le directeur général de Christie’s, se réjouissait après la vente : « C’est un record absolu pour un Magritte. C’est 40 millions [de dollars] de plus qu’une vente semblable il y a quelques années. » En 2022, une version plus petite de « L’Empire des lumières » était partie pour 79 millions de dollars chez Sotheby’s à Londres. Le succès de la vente new-yorkaise n’a jamais été mis en doute : il était garanti par un tiers à hauteur de 95 millions de dollars, selon Bloomberg. Il n’empêche, le chiffre atteint est une bonne nouvelle.
Après une mauvaise année 2023, à la suite du dégonflement de la bulle financière post-Covid-19 puis de l’attaque du Hamas en Israël, les grandes maisons du secteur redoutaient un nouvel exercice maussade, avec des troubles postélectoraux pour les ventes traditionnelles d’automne situées si près de l’élection présidentielle américaine. Déjà, les ventes de Christie’s étaient tombées de 8,4 milliards de dollars en 2022 – une année marquée par la mise aux enchères de la collection exceptionnelle de Paul Allen, cofondateur de Microsoft – à 6,2 milliards en 2023. Au premier semestre 2024, elles étaient encore en baisse de 22 % par rapport à la même période de 2023, selon un communiqué de l’entreprise.
Le résultat incontesté du scrutin du 5 novembre a fait retomber la tension. « Les gens étaient rassurés de la stabilité, quel que soit le résultat des élections », poursuit Guillaume Cerutti. L’envolée de Wall Street, provoquée par l’élection de Donald Trump, ne peut qu’être bonne pour le marché de l’art. « Elle a eu un impact immédiat sur le marché, a déclaré au New York Times Brett Gorvy, fondateur de la galerie new-yorkaise Lévy Gorvy Dayan. La Bourse a enrichi les gens. Nous avons vu dans notre galerie, au lendemain des élections, des affaires se conclure avec des clients qui hésitaient auparavant. »
Un Monet chez Sotheby’s
La bonne tenue des enchères chez Sotheby’s, lundi 18 novembre, semble, elle aussi, confirmer l’embellie. La vente des vingt-cinq pièces de la collection de Sydell Miller, disparue en mars à l’âge de 86 ans et fondatrice d’un empire dans le monde de la beauté et de la coiffure, a rapporté 216 millions de dollars frais et taxes compris. Clou de la vente, un des « Nymphéas » de Claude Monet est parti pour 65,5 millions de dollars.
Lors de la vente de mardi soir chez Christie’s, l’une des attractions fut la toile monumentale d’Ed Ruscha représentant une station-service rouge sur ciel bleu. Elle reproduit une série de photographies banales prises par l’artiste américain né en 1937 alors qu’il conduisait sur la route 66 entre Los Angeles et sa ville natale d’Oklahoma City au début des années 1960. Sur la toile, Rusha a peint comme suspendu dans le ciel, un magazine déchiré, qui a donné le titre au tableau : Standard Station, Ten-Cent Western Being Torn in Half. L’œuvre est partie pour 68 millions de dollars frais compris, montant record pour cet artiste vivant, icône du pop art américain.