La première journée du procès de l’assassinat de Samuel Paty, décapité par un islamiste radicalisé de 18 ans, a débuté lundi 4 novembre. Huit personnes comparaissent devant la cour d’assises spécialement composée pour avoir, à des degrés divers, participé à l’acte terroriste.
«Le corps de Samuel Paty a été retrouvé au sol, en longueur, côté impair [de la rue]. La tête, désolidarisée du corps, positionnée à la perpendiculaire sur la gauche.» A la lecture du rapport introductif, la salle d’audience retient son souffle. Seuls les cliquetis des claviers d’ordinateur des journalistes ponctuent les phrases du président de la cour d’assises spécialement composée de Paris, Franck Zientara. Le document, dont la présentation a duré près de trois heures, explore les dernières minutes de la vie de Samuel Paty, le calendrier de l’assaillant Abdoullakh Anzorov et de ses deux amis Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud les jours précédant l’attaque, ainsi que les échanges virtuels du terroriste avec la jihadosphère avant son passage à l’acte. Ce lundi 4 novembre, le procès des huit personnes jugées après l’assassinat de Samuel Paty s’est ouvert dans la salle des grands procès du palais de justice de Paris, où se sont tenus ceux des attentats de Nice et du 13 Novembre. En l’absence de l’auteur des faits, abattu par les forces de l’ordre.
Entre l’appel des accusés, des parties civiles puis des témoins et la lecture du rapport, la première journée est surtout consacrée aux formalités procédurales. Mais dans la salle d’audience de 750 m², rares sont les bancs à ne pas avoir trouvé preneurs. Neuf heures venaient à peine de sonner que deux tentaculaires files d’attente se déployaient sur l’île de la Cité. Laissant, sur le trottoir quadrillé par les policiers, la foule stupéfaite.
Riss et Coco absents du procès
A l’ouverture de l’audience, les deux têtes grisonnantes de Abdelhakim Sefrioui, connu des services de renseignement français pour ses discours radicaux depuis 1982, et de Brahim Chnina, le père de la collégienne qui a menti au sujet du cours de Samuel Paty, déclinent leur identité. Tous deux comparaissent pour association de malfaiteurs terroristes. Accusés d’avoir lancé la campagne de haine en ligne et livré le professeur d’histoire-géographie à la vindicte publique, ils encourent trente ans de réclusion criminelle. A quelques mètres d’eux dans le box en verre des accusés, Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud leur emboîtent le pas. Ils sont accusés d’avoir aidé le terroriste à s’armer et à avoir rendu l’acte d’Abdoullakh Anzorov possible. Jugés pour complicité d’assassinat terroriste, ils risquent la perpétuité. Yusuf Cinar, Ismaïl Gamaev, Louqmane Ingar et Priscilla Mangel, quatre membres de la jihadosphère, sont quant à eux accusés d’avoir galvanisé Abdoullakh Anzorov avant son passage à l’acte.
Pendant sept semaines de procès, près d’une centaine de témoins se succéderont à la barre. Telle une ombre, la fille de Brahim Chnina s’avance face à la cour. Ses yeux sont cernés et son regard absent. Elle sera entendue fin novembre dans le cadre du procès de son père. Le 8 décembre 2023, elle a été condamnée à dix-huit mois de sursis probatoire par le tribunal pour enfants de Paris pour dénonciation calomnieuse. Plusieurs enfants jugés dans le cadre de ce premier procès devront être entendus. Sauf qu’ils ne se sont pas signalés au greffe pour confirmer leur venue. «Pour deux enfants condamnés qui doivent rendre des comptes à la justice, je trouve extraordinaire qu’on n’ait pas de nouvelles d’eux, tempête Francis Szpiner, avocat du fils et de la compagne de Samuel Paty. Je note que la sanction pénale n’a pas eu d’effets concernant leur respect de la justice.» Parmi les autres noms attendus, Riss, dessinateur et directeur de la publication de Charlie Hebdo, et Coco, journaliste à Libération, ne s’exprimeront finalement pas.
«Les responsables sont là»
A chaque suspension d’audience, la guerre des perches et des caméras, parquées dans un coin de la salle des pas perdus, fait rage. Personne ne souhaite rater le ballet de robes noires qui s’extraient de la salle des grands procès. Il faut se frayer un chemin et tendre l’oreille pour entendre les prises de parole. «Les responsables sont là, reste à dégager leur degré d’implication et à obtenir des peines à la hauteur de ce qui s’est passé», souligne Virginie le Roy, avocate des parents de Samuel Paty et de sa sœur Gaëlle Paty. L’avocat d’Abdelhakim Sefrioui, Ouadie Elhamamouchi, soutient pour sa part que la vidéo de son client «n’a pas été visionnée par l’assaillant. Ce qu’on lui reproche, c’est davantage ses engagements politiques en tant que militant». Au terme d’une journée d’audience, loin des journalistes, Francis Szpiner détaille, presque à huis clos : «Sefrioui est un militant endurci, de longue date. Il sait que quand il accuse quelqu’un d’insulter le prophète, il lui met une cible dans le dos.» Les débats dureront jusqu’au 20 décembre.