Israël-Palestine : Mieux vaut une paix froide qu’une guerre chaude, par Frédéric Encel

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La complexité de la mise en œuvre de la solution à deux Etats – la seule admise par l’ONU – est réelle, mais pas insurmontable.

Les militants s’en donnent à cœur joie dans cette séquence proche-orientale tragiquement violente entamée avec le massacre du 7 octobre 2023 perpétré sur des civils en Israël par les assassins islamistes du Hamas. Universitaire spécialisé dans le conflit depuis plus de trente ans et humaniste assumé, l’auteur de ces lignes tient à rappeler les fondamentaux suivants dans la perspective d’un mieux pour les deux peuples.

1) Il existe bien une conscience nationale juive, le sionisme, et un peuple juif. Le contester est aussi absurde que nier le droit des Français, des Boliviens, des Togolais et des… Palestiniens à s’affirmer peuples. Tous les juifs n’ont certes pas fait le choix d’Israël, mais cet Etat abrite déjà plus de la moitié des juifs et demeure à la fois légal en droit international – doublement même, puisque fondé concomitamment à l’Etat de Palestine par l’ONU en 1947, puis reconnu par l’enceinte suprême un an et demi plus tard (en dépit du rejet politique et militaire arabe unanime) – et légitime moralement, tout peuple ayant droit à l’autodétermination (chap. I, art. 1, § 2 de la charte de l’ONU). S’il existe bien des implantations illégales en Cisjordanie, Israël en soi n’en incarne pas une, et les Israéliens ne partiront pas ; ceux qui prétendent le contraire s’aveuglent par ignorance des réalités ou par dogmatisme.

2) Il existe bien une conscience nationale palestinienne, et un peuple palestinien. Certes, la Palestine ne fut jamais un Etat dans l’Histoire, mais cette identité nationale s’est affûtée tout au long du XXe siècle, frottée au sionisme, mais aussi, alternativement, au rejet et à l’instrumentalisation des régimes arabes alentours et lointains. C’est si vrai que la part principale de l’Etat arabe de Palestine décidé lors du partage onusien de 1947, la Cisjordanie, fut occupée puis annexée par la Jordanie, tandis que l’Egypte occupait… la bande de Gaza. Ce n’est qu’en 1967, pendant la guerre des Six-Jours, qu’Israël s’en est emparé (sans les annexer, sauf Jérusalem-Est). Depuis, les accords Israël-OLP d’Oslo de 1993 ont réaffirmé le principe général onusien (résolution 242) de l’échange paix contre territoires. Tout comme les Israéliens, les Palestiniens ne partiront pas.

Pas d’alternative

3) Puisqu’il existe ainsi deux peuples côte à côte, la moins mauvaise des perspectives – et la seule admise par l’ONU – est celle des deux Etats. Sa complexité est réelle, non insurmontable cependant. Le Hamas la méprise ? A l’évidence, mais la destruction militaire de ce mouvement terroriste que même Yasser Arafat qualifiait de tel est imminente à Gaza. Le gouvernement israélien n’en veut pas ? Certes, mais 70 % des citoyens le considèrent comme ayant gravement échoué à empêcher le terrible pogrom du 7 octobre, et rejettent son aile extrémiste et irresponsable ; il est en sursis.

Quid ensuite des principales difficultés ? La disjonction spatiale (Cisjordanie et Gaza) ? D’autres Etats vivent cela sans problème, et une route autonome les a déjà reliés naguère (en 2000). Les implantations ? Par deux fois, en 1982 au Sinaï et en 2005 à… Gaza, les (pourtant) nationalistes Begin et Sharon en ont démantelé plusieurs dizaines, soutenus par l’opinion.

Les réfugiés ? L’Autorité palestinienne avait admis pendant le processus d’Oslo le principe de la reconnaissance du droit au retour sans son (impossible) application, moyennant soutiens compensatoires internationaux. L’eau ? On sait tout faire avec, y compris la dessaler et l’importer, et sa question est surtout technique. Les frontières ? Leur tracé épouserait les lignes d’armistice de 1949 (la « ligne verte ») avec des rectifications négociées offrant sécurité pour Israël et viabilité pour la Palestine, par ailleurs démilitarisée. Même sur Jérusalem des pourparlers avaient été engagés !

4) Quoi qu’il en soit, quelle serait l’alternative ? Le maintien du statu quo, avec son cortège d’insécurité chronique, de rancœur, d’instabilité et d’entrave au développement ? L’Etat unique, façon from the river to the sea, slogan inepte scandé par des incultes ou des antisémites, promesse de guerre civile et d’injuste privation d’indépendance pour les deux peuples, qui en rejettent d’ailleurs massivement l’idée ? Une confédération avec la Jordanie, avec pour inconvénient majeur le refus de la… Jordanie ? Rien de sérieux dans tout cela. Une vraie frontière étatique ne créerait peut-être pas la paix des cœurs, mais mieux vaut une paix froide qu’une guerre chaude.

Frédéric Encel

Source lexpress

1 Comment

  1. Qu’ils rendent aux israeliens, ceux qu’ils ont perdu de plus chers, après on parle protéique et 2 états. Pour l’instant Israël est embourbé pour avoir la sécurité dans leur pays, et n’arrive pas à trouver ses enfants volés .. il est au monde de s’impliquer au lieu de les condamner à tout bout de champs

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