Netanyahou consent à un début de «mea culpa»

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Le Premier ministre israélien a admis les « échecs » du gouvernement qu’il préside durant la période qui a précédé le déclenchement de la guerre dans la bande de Gaza le 7 octobre.

Benyamin Netanyahou s’est livré à un début de mea culpa. Pour la première fois, le Premier ministre israélien a admis des « échecs évidents, en premier lieu du gouvernement, dont la principale responsabilité est de protéger la population » israélienne.

Jusqu’à présent, le chef du gouvernement avait tendance à pointer du doigt le fiasco de l’armée, en particulier des services de renseignement militaires incapables de détecter les signes avant-coureurs de l’infiltration de 3.000 membres du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre.

Commission d’enquête

« Je pense que nous allons nous livrer à un examen approfondi lorsque la guerre sera achevée pour déterminer ce qui s’est passé, comment c’est arrivé et ce qui a permis qu’un tel événement se produise. Mais aujourd’hui, notre seul but est de parvenir à la victoire », a ajouté le Premier ministre jeudi soir dans le talk-show américain « Dr. Phil ». Pour faire toute la lumière sur le drame du 7 octobre, une commission d’enquête officielle devra être établie, a-t-il ajouté.

Si tel est le cas, Benyamin Netanyahou va devoir fourbir son argumentation et sa plaidoirie. Une bonne partie des commentateurs et l’opposition l’accusent d’avoir joué avec le feu en favorisant le Hamas au détriment de son grand rival, l’Autorité Palestinienne présidée par Mahmoud Abbas, qui contrôle une partie de la Cisjordanie. Pour le Premier ministre, la priorité des priorités aurait été de tuer dans l’oeuf toute tentative de créer un Etat palestinien.

Le Hamas financé pendant des années

Un tel scénario ne pouvait devenir réalité qu’avec l’Autorité palestinienne, soutenue pratiquement par l’ensemble de la communauté internationale favorable à la solution des deux Etats. Le Hamas, lui, n’était pas en mesure de jouer ce rôle, les islamistes se trouvant en bonne place sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis et d’une partie des pays de l’Union européenne. Autrement dit, le Hamas était devenu un moindre mal contre lequel l’armée israélienne menait de temps à autre des représailles à la suite de tirs de roquettes avant qu’une trêve mette provisoirement fin aux affrontements.

Résultat : Benyamin Netanyahou a permis au Qatar de financer le Hamas pendant des années. Il a en même temps déstabilisé l’Autorité palestinienne en gelant le transfert de fonds provenant des droits de douane et de la TVA prélevés par Israël, qui devaient lui revenir.

Deux poids, deux mesures

Ynet, le site d’informations israélien le plus populaire, a ainsi publié une lettre censée rester secrète de Netanyahou adressée au gouvernement qatari en 2018. Il demandait à l’émirat de verser 30 millions de dollars par mois au Hamas afin « d’affaiblir les motivations agressives du Hamas, de fournir une aide humanitaire à la population de la bande de Gaza et de préserver la stabilité régionale ».

Cette politique du deux poids deux mesures avait provoqué la démission d’Avigdor Liberman du ministère de la Défense en 2018. « D’une main on gèle les fonds de l’Autorité palestinienne accusée de financer le terrorisme, de l’autre on permet un flux de fonds pour les terroristes du Hamas à Gaza », avait-il expliqué.

Absence de stratégie

Les critiques envers Netanyahou ne portent pas seulement sur le passé. Les médias, une bonne partie du personnel politique, l’état-major et les Etats-Unis lui reprochent une absence de stratégie pour l’après-guerre. L’armée israélienne ne sait pas vraiment où elle va, faute d’objectifs à long terme. Pour le moment, Netanyahou refuse que l’Autorité palestinienne remplace le Hamas dans la bande de Gaza, sans offrir d’alternative pour autant.

Dans son interview jeudi, le Premier ministre s’est de nouveau contenté d’évoquer « un probable gouvernement civil palestinien composé de membres qui ne projettent pas la destruction d’Israël, avec l’aide des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite et d’autres pays qui aspirent à la stabilité et à la paix ».

Ce flou et la promesse d’une victoire « totale » qui semble lui échapper provoquent la déception des Israéliens. Selon un sondage vendredi, si des élections avaient lieu aujourd’hui, le parti de Benyamin Netanyahou subirait une lourde défaite.

Pascal Brunel (Correspondant à Tel-Aviv)

Source lesechos