Portrait : Thierry Lhermitte, Science et vie senior

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Passage aux rayons X du prolifique acteur français, Thierry Lhermitte, qui est aussi un vulgarisateur scientifique passionné et efficace.

Il est capable d’expliquer les mécanismes à l’œuvre dans les anévrismes intracrâniens. D’employer à bon escient et sans bredouiller des termes comme «recherche vasculaire translationnelle» ou «mécanismes de réparation de la myéline», et d’en rendre accessibles les tenants et les aboutissants au plus néophyte des auditoires. Le tout, de cette voix suave à jamais associée à Pierre Mortez, tenant la permanence de SOS Détresse amitié dans Le Père Noël est une ordure, pièce ayant donné lieu à un film resté culte quarante-deux ans après sa sortie. On a d’ailleurs passé pratiquement tous nos réveillons avec lui, Thérèse et monsieur Preskovic. Bien qu’il ait tourné plus d’une centaine de films depuis, la confession le fait sourire. Thierry Lhermitte conserve une tendresse particulière pour cette œuvre phare de la troupe du Splendid : «On a tellement ri en l’écrivant. Il n’y a pas une réplique qui soit normale ! Je reste sur le cul que les gens comprennent cet humour barré encore aujourd’hui.»

Depuis près de vingt ans, l’acteur populaire des Bronzés, du Dîner de cons ou de Quai d’Orsay est aussi le parrain de la Fondation pour la recherche médicale (FRM), rôle qu’il endosse avec curiosité et dévouement, au point de sillonner la France pour se rendre dans des laboratoires de recherche, dont il vulgarise les travaux dans une chronique médicale mensuelle dans Grand bien vous fasse, sur France Inter. «Je suis heureux de rencontrer des gens fantastiques et d’apprendre des trucs qui me passionnent, et qui concernent 100% de l’humanité», résume-t-il. Ali Rebeihi, journaliste et présentateur de l’émission, le dit «très investi», loue sa «gentillesse, sa générosité et son absence totale de narcissisme. C’est tout sauf un engagement cosmétique : il y passe vraiment du temps. Il a un don de conteur, sans renier la partie scientifique». Elle est en quelque sorte inscrite dans ses gènes : petit-fils du professeur Jean Lhermitte, neurologue et psychiatre qui a donné son nom au «signe de Lhermitte», une sensation de décharge électrique évocatrice de la sclérose en plaques, il avait aussi un oncle, François, neurologue et chercheur, mort en 1998. Autant de raisons de passer Thierry Lhermitte aux rayons X.

La tête : bien faite et bien pleine

Il a accepté de prêter son encéphale à la science, en rejoignant une cohorte lancée par l’Inserm à Caen pour étudier la mémoire des acteurs, en leur faisant retenir et réciter des textes, tout en scrutant l’activité de leurs cerveaux via une IRM fonctionnelle. Objectif : déterminer «si les stratégies que mettent en œuvre les acteurs, qui sont des professionnels de la mémoire, peuvent servir pour aider les gens atteints d’Alzheimer». S’il dévore désormais des ouvrages scientifiques en assoiffé et se repaît de formules mathématiques (sa passion de toujours, avec l’informatique, lui qui a misé sur Internet avant tout le monde), Thierry Lhermitte fut longtemps un élève plutôt moyen: «A l’école, rien ne m’intéressait : ni la philo ni l’histoire… Rien. Ça me sidère, parce qu’aujourd’hui, tout m’intéresse.» En témoignent ses lectures éclectiques, du romancier chilien Luis Sepúlveda à la rabbine Delphine Horvilleur, en passant par Mathematica. Une aventure au cœur de nous-mêmes, de David Bessis. Père cadre, mère longtemps au foyer avant de devenir journaliste, aîné d’une fratrie de trois enfants, le comédien grandit dans la très chic banlieue parisienne de Neuilly-sur-Seine, dans «une famille bourgeoise», mais au «cadre assez lâche». Il n’a pas souvenir d’avoir nourri une vocation particulière, à part – et encore, mollement – les classiques de cet âge : vétérinaire, pompier, explorateur, «médecin sans frontière». La comédie lui tombe dessus par hasard, en rencontrant ses acolytes et futurs membres de la troupe du Splendid Christian Clavier, Michel Blanc et Gérard Jugnot, au lycée Pasteur de Neuilly : «On s’est trouvés, parce que c’était eux, parce que c’était nous. S’ils avaient fait autre chose, je les aurais sans doute suivis.» Ensemble, ils fréquentent le club théâtre du lycée, écrivent leurs premières pièces, et suivent après le bac les cours d’art dramatique de Tsilla Chelton, feu l’inénarrable Tatie Danielle. Bilan des courses : inscrit en sciences éco à Nanterre, «pour la carte d’étudiant», Thierry Lhermitte n’y mettra pas les pieds.

Le cœur : fidèle

Dans une comédie dispensable en salles cette semaine, l’éternel Popeye des Bronzés campe, à 71 ans, un play-boy instable, jamais casé, pas hostile au polyamour et renouant quarante ans plus tard avec une ancienne conquête (Sabine Azéma), suscitant l’ire du mari actuel (André Dussollier). On observe que le rôle semble bien loin de sa sage vie maritale : père de trois enfants, plusieurs fois grand-père, il vit depuis plus de quarante-cinq ans avec la même femme. Il dit en blaguant : «Souvent, j’ai des rôles aux antipodes de ma vie personnelle. Elle n’est pas passionnante.» Fidèle en amour, il l’est aussi en amitié. Il continue de fréquenter, autant que faire se peut, la bande du Splendid : «Mais jamais tous ensemble : synchroniser les agendas d’autant de gens, ça marche pas.» Côté politique, il s’applique à voter «à 100% des élections». Son cœur ne penche ni d’un côté ni de l’autre : il se dit «plutôt au centre, tendance gauche ou droite, selon les circonstances», mais situe ses derniers votes d’adhésion pour Mitterrand et pour Chirac. On glapit et fait remarquer que ça date un peu : «C’était qui, chez les socialistes, à la dernière présidentielle ? Hidalgo ? Ah non, c’est sûr, j’ai pas voté pour elle.»

La fesse droite : marquée à jamais

Son dernier rôle permet d’observer deux choses : un rapport très libéré à son corps, montré nu («je n’ai pas de gêne, je ne suis pas exhib non plus ; je m’en fous complètement»), et par extension, sa fesse droite, tatouée. Une tortue, faite en commun avec Patrick Timsit et Marie Trintignant, sur le tournage du Prince du Pacifique. De l’actrice, tuée par Bertrand Cantat en 2003, il dit garder le souvenir d’une «amie merveilleuse, exquise tout du long… Les féminicides, je suis écœuré qu’on puisse faire ça». Une mimique de dégoût traverse son visage. S’il juge #MeToo «très sain», il dit toutefois trouver «insupportable» le «tribunal populaire» et «encourage à aller en justice». On lui fait remarquer que ce n’est pas toujours si simple. Il l’admet mais maintient : «Mais il faut le faire.»

Les bras et les jambes : toniques et actifs

Il y a une quinzaine d’années, il a acquis une propriété dans le Cantal, dont il apprécie le calme et la proximité avec la nature, qui l’«apaise». Un brin éco-anxieux, il se félicite de la proximité d’eau et de verdure, dont il jouit au cours de longues randonnées à cheval, une autre de ses passions (ayant succédé au karaté et à la voile, entre autres). Soucieux du bien-être animal, il pratique et enseigne l’équitation éthologique, qu’il définit comme la «compréhension de la manière d’apprendre du cheval». Décidément pédago.

par Virginie Ballet