La guerre dans la bande de Gaza déclenchée le 7 octobre a provoqué une contraction spectaculaire de 19,4 % du PIB de l’économie israélienne au quatrième trimestre de 2023, mais des signes de résilience sont apparus depuis.
Israël paye le prix fort pour la guerre dans la bande de Gaza. La chute de l’activité des entreprises, l’appel de plus de 300.000 réservistes, et l’explosion des dépenses publiques pour financer le relogement de dizaines de milliers d’Israéliens contraints de quitter leur domicile proche de Gaza et du Liban où les tensions montent dangereusement avec le Hezbollah ont lourdement pesé. Sans compter l’envolée des dépenses de défense. Tout cela s’est soldé par une contraction de 19,4 % du PIB au quatrième trimestre.
Sur l’année, toutefois, le PIB israélien a crû de 2 % (le dernier trimestre pèse peu dans l’indice annuel, mais va en revanche plomber la croissance 2024) alors que la banque centrale tablait, en octobre dernier, sur une croissance de 2,3 %. C’est la chute la plus brutale subie par l’économie israélienne depuis la crise financière internationale de 2008, si l’on excepte 2020 avec le recul de 2,5 % provoqué par l’épidémie de Covid. Pratiquement tous les indices ont viré au rouge vif.
Effets drastiques
Les investissements ont fondu de 70 % durant les trois derniers mois de 2023, tandis que la consommation des ménages a régressé de 27 %. Le commerce extérieur a été marqué par une diminution de 42,4 % des importations et de 18,3 % des exportations. Il faut y voir l’impact des menaces sur le commerce maritime que font peser les Houthis, ces rebelles yéménites qui se livrent à des attaques contre des navires en mer Rouge, au nom de la solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza.
Les ménages israéliens ont également souffert avec une baisse de 20,7 % du PIB par habitant. Parmi les secteurs les plus sinistrés figure le tourisme , directement affecté par les images de guerre qui ont fait fuir les visiteurs étrangers. Le bâtiment et l’agriculture tournent également au ralenti depuis que les 160.000 travailleurs palestiniens de Cisjordanie, qui constituaient le gros de la main-d’oeuvre, sont interdits de séjour sur le territoire israélien au nom d’impératifs de sécurité. Bref, au quatrième trimestre, Israël avait tout d’un pays en panne au bord du gouffre.
Tableau déprimant
Comme le résume un responsable de l’institut des statistiques : « La contraction de l’économie au 4e trimestre est le résultat direct de la guerre déclenchée par les massacres commis par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël. La composition du PIB a subi un bouleversement provoqué par la mobilisation massive des réservistes, les dépenses affectées pour loger les familles israéliennes évacuées et le manque de main-d’oeuvre dans le bâtiment. » L’agence Moody’s n’a pas attendu la publication de ces données pour abaisser pour la première fois il y a deux semaines, la note sur la dette israélienne.
Dans ce tableau déprimant, plusieurs motifs d’espoir subsistent néanmoins. Malgré l’énorme contre-performance au quatrième trimestre, la croissance est restée au rendez-vous avec une progression de 2 % en 2023 contre 2,2 % l’année précédente. Par tête d’habitant, la baisse a été limitée à 0,1 %. « Somme toute, les performances ne sont pas si dramatiques. L’économie a fait malgré tout preuve de résilience, alors que des pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la Suède ont connu une contraction de leur PIB en 2023 », souligne un cadre de la Banque d’Israël. Autre satisfaction : les exportations dans le secteur de la « high-tech » d’un pays qui se présente volontiers comme la « Silicon Valley » du Moyen-Orient ont progressé de 12,1 %.
Une lourde facture de la guerre
L’inflation est maîtrisée à 2,6 % en 2023, tandis que le shekel, la devise israélienne, après avoir dévissé au début de la guerre, a remonté la pente au point que la banque centrale n’a plus besoin depuis plus de deux mois d’injecter des billets verts pour le soutenir. La Bourse de Tel-Aviv a également connu un passage à vide avant de se ressaisir et dépassé pratiquement son niveau d’avant-guerre. Les réserves en devises du pays sont aussi en hausse et culminent à 206 milliards de dollars.
Le quotidien économique « Globes » met toutefois en garde contre toute illusion avec un coût de la guerre qui pourrait atteindre l’équivalent de 67 milliards de dollars, ce qui représenterait environ 27.000 dollars par habitant. Un fardeau qui risque de peser très lourd dans les prochaines années, prévient ce journal.
Pascal Brunel (Correspondant à Tel-Aviv)