Le tribunal administratif tranche sur le contrat du lycée musulman Averroès

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Le tribunal administratif de Lille a rejeté ce lundi les recours déposés par le lycée Averroès et confirmé la résiliation du contrat d’association entre l’établissement et l’État, décidée par le préfet du Nord au mois de décembre. « Une onde de choc terrible », pour la porte-parole des personnels.

La justice administrative a tranché, ce lundi 12 février. Plusieurs jours après avoir entendu l’association Averroès défendre son cas, le 24 janvier dernier, le tribunal de Lille a rejeté la demande du lycée Averroès de suspendre la décision du préfet du Nord. En novembre, la Préfecture avait choisi de mettre fin aux subventions publiques du principal établissement privé musulman de France à compter de la prochaine année scolaire.

« Il n’y a pas lieu de maintenir le contrat d’association liant le lycée Averroès à l’État jusqu’à ce que la décision de résiliation de ce contrat, prise par le préfet du Nord, soit examinée par les juges du fond », a expliqué le tribunal dans un communiqué transmis à l’AFP. Cette décision satisfait la préfecture qui en « prend acte avec satisfaction », sur le réseau social X.

Le lycée musulman a de son côté annoncé saisir le Conseil d’État. « Il s’agit d’une décision inacceptable qui balaie sans y répondre nos arguments pour adopter ceux de la préfecture », a réagi l’avocat de l’établissement Paul Jablonski, dans un communiqué.

400 lycéens y sont scolarisés

Pour rappel, fin novembre, une commission consultative s’était déclarée favorable à une résiliation, répondant à une demande du préfet du Nord de l’époque, George-François Leclerc. Après quelques jours de réflexion, ce dernier – aujourd’hui directeur de cabinet de la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin – avait choisi de rompre ce financement public.

Ce contrat assure à l’établissement musulman, où sont scolarisés 400 lycéens, le paiement des salaires de ses professeurs par l’Éducation nationale. En contrepartie, il se doit de respecter le programme scolaire officiel.

Des financements jugés troubles

Que reproche l’ex-préfet à l’établissement lillois ? D’abord, des sources de financement étrangères provenant de Qatar Charity, qui a alloué au lycée une subvention de plusieurs centaines de milliers d’euros. Cette ONG (organisation non gouvernementale) aurait pour but « d’enraciner un islam politique au sein des communautés musulmanes d’Europe », selon des propos du préfet rapportés par Le Monde.

L’établissement est également pointé du doigt pour « un ouvrage religieux litigieux » dans la bibliographie d’un enseignement spirituel, et « des irrégularités de gestion ». Lors de l’audience au tribunal administratif en janvier, Louis-Xavier Thirode, préfet du Nord par intérim, avait déclaré selon l’AFP : « Il faut quand même rappeler d’où vient le lycée Averroès […], très lié à la mouvance des Frères musulmans et à l’UOIF », l’Union des organisations islamiques de France, une organisation appelée aujourd’hui Musulmans de France.

Ce dont se défend l’association Averroès, par l’intermédiaire de son avocat : « les griefs faits au lycée sont complètement faux » , martelait récemment Me Joseph Breham dans nos colonnes.

Une affaire politique

En ce début d’année 2024, le dossier avait pris une tournure politique, alors qu’un autre établissement privé sous contrat – le très élitiste Saint-Stanislas à Paris où ont été scolarisés les enfants de l’éphémère ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra – était visé par une enquête du parquet de Paris. Notamment pour dérives sexistes et homophobes.

Des élus de gauche avaient dénoncé « un deux poids deux mesures » au Parlement. Malgré un rapport alarmant de l’inspection académique de l’Éducation nationale à son encontre, le contrat qui lie l’État au groupe Stanislas – dont la direction se défend en évoquant un cas isolé – ne semble, lui, pas menacé.

« L’affaire sera étudiée au fond ultérieurement par le tribunal administratif de Lille », rappelle tout de même La Voix du Nord . Mais d’ici quelques mois, le lycée Al-Kindi, installé près de Lyon, pourrait bien devenir le seul lycée musulman de France sous contrat avec l’État. Au total, 1 700 écoliers, collégiens et lycéens sont actuellement scolarisés dans des établissements musulmans rattachés à l’Éducation nationale.

 Johan Bescond

Source ouest-france