Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire sur les sociétés fondées par Magali Berdah

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Confiées à la brigade financière, ces investigations font suite à la plainte pour « escroquerie », « escroquerie au jugement », « violation de l’interdiction de gérer » déposée par Emma Paris et Vlad Oltean, deux anciens influenceurs de Shauna Events et Sublim Talent.

C’est un nuage de plus dans l’horizon judiciaire bien chargé de Magali Berdah. Selon nos informations, le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête préliminaire sur Shauna Events et Sublim Talent, les deux agences fondées par l’ex-reine de l’influence, déjà sous le coup depuis plusieurs mois d’une autre enquête pour « pratiques commerciales trompeuses ».

Ces nouvelles investigations font suite à la plainte contre X déposée cet été par Emma Paris et Vlad Oltean, deux anciens influenceurs de « l’écurie » Berdah. Le duo, respectivement suivi par 1,6 million et 1,1 million d’abonnés sur Instagram, y dénonce des faits supposés d’« escroquerie », de « violation de l’interdiction de gérer », d’« abus de faiblesse », de « présentation de comptes infidèles », d’« escroquerie au jugement » visant les deux sociétés, désormais gérées officiellement par le mari de Magali Berdah et récemment placées en redressement judiciaire.

« Les investigations ont été confiées par la section économique et financière du parquet de Paris à la brigade financière de la police judiciaire parisienne », affirme une source judiciaire. « L’ouverture d’une enquête préliminaire confirme la gravité des faits reprochés à Sublim Talent et Shauna Events », réagit auprès de « l’Obs » Me Emmanuel Asmar, l’avocat d’Emma Paris et de Vlad Oltean.

Condamnée à une interdiction de gérer

L’affaire débute en mars 2019. Les deux influenceurs, alors en couple, signent des contrats d’exclusivité avec Sublim Talent et Shauna Events, les deux agences spécialisées dans le marketing d’influence sur les réseaux sociaux, travaillant principalement avec des personnalités issues de la téléréalité. Ils l’ignorent mais, quelques jours avant la signature desdits contrats, Magali Berdah a été condamnée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Paca) à une peine d’un an de prison avec sursis pour abus de faiblesse sur personne vulnérable, assortie d’une interdiction de gérer de cinq ans. Une condamnation en lien avec ses anciennes activités dans le courtage d’assurances.

Malgré cette interdiction de gérer, c’est pourtant celle qui passe alors pour la papesse de l’influence qui paraphe un des deux contrats et sera par la suite la principale interlocutrice des deux influenceurs, se comportant comme la dirigeante de fait des sociétés, selon ces derniers.

Rapidement, les relations se dégradent entre les deux parties, chacune accusant l’autre de ne pas respecter ses obligations. En janvier 2023, le tribunal de commerce de Paris tranche en faveur des deux influenceurs : les agences Shauna Events et Sublim Talent sont condamnées à leur verser plus de 1,8 million d’euros pour « rupture abusive de contrat » et « non-paiement des factures émises ». Une lourde condamnation. « A l’époque des faits, Banijay [le géant de l’audiovisuel, propriété de Stéphane Courbit, NDLR] était l’actionnaire majoritaire de Shauna Events et le principal décisionnaire », explique à « l’Obs » une source proche de Magali Berdah. Une façon de se dédouaner.

Placements en redressement judiciaire

En février, les deux sociétés interjettent appel de la décision du tribunal de commerce. Laquelle demeure toutefois exécutoire. Or, à ce jour, les tentatives d’exécution forcée du jugement de la part des avocats des deux influenceurs sont restées vaines. Une situation qui les a conduits à déposer plainte. Emma Paris et Vlad Oltean soupçonnent en effet les deux sociétés de multiplier les manœuvres pour échapper à cette condamnation, notamment en organisant frauduleusement leur insolvabilité.

Selon plusieurs récents constats d’huissier effectués à la demande de leurs avocats, Shauna Events ne détiendrait plus de comptes bancaires en France ; quant à Sublim Talent, son seul compte recensé afficherait un solde de 0 euro. « Ces sociétés disposent bien chacune d’un compte bancaire ouvert en France », conteste Me Laurent Azoulai, l’avocat de Shauna Events et de Sublim Talent.

Dans leur plainte, les influenceurs s’inquiètent aussi de voir les deux sociétés instrumentaliser le tribunal de commerce pour se soustraire à leur condamnation. Les événements récents confirment-ils leurs craintes ? Le 7 novembre, Shauna Events et Sublim Talent ont en effet obtenu leur placement en redressement judiciaire. Une décision ayant pour conséquence l’interruption de la procédure les opposant aux deux influenceurs. « Le redressement judiciaire entraîne un gel provisoire des dettes des sociétés le temps de redresser leur activité, ce qu’elles s’efforcent de faire », explique Me Laurent Azoulai. Du côté des plaignants, on s’interroge sur la réelle volonté des intéressés de relancer les deux agences.

« Détournement de procédure »

Pour justifier cette demande de redressement judiciaire, les avocats de Shauna Events (dont le chiffre d’affaires aurait été divisé par trois en 2022) et de Sublim Talent ont mis en avant l’incapacité des deux sociétés à faire face à un passif cumulé de plus de 2 millions d’euros. Une situation de cessation de paiements consécutive, selon eux, à la condamnation, mais aussi à une perte de clientèle provoquée par les polémiques à répétition sur les « influvoleurs » et la campagne de dénigrement lancée par Booba. Le rappeur a été mis en examen pour « harcèlement moral aggravé » à l’encontre de Magali Berdah, laquelle s’apprêterait à lui réclamer 30 millions d’euros devant la justice pour dénigrement (depuis fin novembre, 28 personnes ont comparu par ailleurs devant le tribunal pour cyberharcèlement de l’intéressée, laquelle vient aussi de porter plainte via son avocat Me David-Olivier Kaminski pour menaces de mort contre l’influeuse Maeva Ghennam).

Au cours de l’audience du 7 novembre devant le tribunal de commerce, la procureure de la République avait, de son côté, considéré les comptes des sociétés comme « irréguliers ». Et comparé la demande d’ouverture d’un redressement judiciaire à un « détournement de procédure », selon le jugement dont « l’Obs » a eu connaissance.

Une position qui n’a donc pas été suivie par le tribunal. « La réalité est donc assez simple, assure pour sa part Me Laurent Azoulai. Les sociétés Shauna et Sublim ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer notamment en raison d’une campagne de dénigrement commercial dont elles ont été l’objet. Elles ont alors constitué des dettes vis-à-vis d’un ensemble de créanciers dont Vlad Oltean et Emma Paris. Ce ne sont pas les seuls créanciers de ces sociétés, loin de là ».

6,3 millions d’euros

Les avocats des deux influenceurs, eux, soupçonnent les sociétés de disposer d’« importants moyens dissimulés ». En décembre 2022, Banijay, actionnaire majoritaire de Shauna Events, probablement échaudé par les polémiques à répétition, revendait l’intégralité de ses parts à Magali Berdah pour 1 euro symbolique, selon les informations du « Parisien ». Ce que conteste l’intéressée, qui évoque un contrat de cession à long terme confidentiel.

Avant de quitter le navire, le géant de l’audiovisuel a toutefois laissé près de 6,3 millions d’euros dans les caisses de la société, sous la forme d’une augmentation de capital aussitôt suivie d’une réduction pour un même montant, si on en croit le procès-verbal de la décision du président de Shauna Events en date du 5 décembre. Sur cette somme, une partie a couvert les pertes et 3,3 millions d’euros ont atterri sur le compte de réserves indisponibles de la société, selon le même document.

A la même période, l’animateur-producteur Cyril Hanouna, lui aussi actionnaire, quittait également le capital de Shauna Events. « Nous n’hésiterons pas à mettre en cause les animateurs de ce système qui a popularisé Magali Berdah, tout en gardant le silence sur ses agissements, afin de la protéger et surtout de se protéger », prévient Me Emmanuel Asmar.

Par Vincent Monnier