Deux œuvres d’art rendues aux héritiers d’une victime de la Shoah

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Les procureurs de New York ont retourné vendredi deux œuvres d’art qui, selon eux, avaient été volées par les nazis à un artiste et collectionneur juif assassiné pendant la Shoah.

Les œuvres d’art ont été remises par des musées de Pittsburgh et de l’Ohio, mais les procureurs se battent toujours devant les tribunaux pour récupérer une troisième œuvre du même artiste, l’expressionniste autrichien Egon Schiele, saisie au même moment dans un musée de Chicago.

Vendredi à Manhattan, la famille de Fritz Grünbaum, victime de la Shoah, a accepté le «Portrait d’un homme», qui a été restitué par le Carnegie Museum of Art, et «La Fille aux cheveux noirs», remis par l’Allen Memorial Art Museum de l’Oberlin College. Les procureurs ont évalué l’ensemble des deux pièces à environ 2,5 millions $.

Dix œuvres de Schiele ont désormais été rendues à la famille, mais le «Prisonnier de guerre russe» reste à l’Art Institute of Chicago, qui affirme qu’il a été acquis légalement.

M. Grünbaum était le fils d’un marchand d’art juif et étudiant en droit qui commença à se produire dans des cabarets à Vienne en 1906. Lorsque les nazis accédèrent au pouvoir, il se moqua d’eux, disant un jour sur une scène sombre : «Je ne vois rien, pas la moindre chose ; j’ai dû tomber dans la culture nationale-socialiste.»

En 1938, il fut capturé par des responsables nazis, qui créèrent une série de documents. Les procureurs de Manhattan affirment qu’ils l’ont forcé à donner procuration à sa femme, puis l’ont forcée à céder les œuvres d’art – dont environ 80 œuvres de Schiele – à des responsables nazis. Une partie des œuvres d’art a été vendue pour financer l’effort de guerre nazi, disent-ils. Elizabeth et Fritz Grünbaum sont morts dans les camps de concentration.

Les procureurs affirment que les œuvres sont réapparues en 1956 en Suisse, dans le cadre d’un marché d’art douteux avec des membres du régime nazi, qui a conduit à leur vente dans des galeries new-yorkaises.

Vendredi, l’un des héritiers de M. Grünbaum a remercié les dirigeants de l’Oberlin College et du Carnegie Institute, affirmant qu’ils avaient «fait ce qu’il fallait».

«C’est une victoire pour la justice et la mémoire d’un courageux artiste, collectionneur d’art et opposant au fascisme», a déclaré Timothy Reif, arrière-petit-neveu de M. Grünbaum et juge fédéral à New York, dans un communiqué publié par le bureau du procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg. «En tant qu’héritiers de Fritz Grünbaum, nous sommes heureux que cet homme qui s’est battu pour ce qui était juste à son époque continue de rendre le monde plus juste.»

Un juge de New York avait décidé en 2018 que deux autres œuvres de Schiele devaient être remises aux héritiers de M. Grünbaum en vertu de la loi sur la récupération des expropriés de la Shoah, adoptée par le Congrès.

Dans cette affaire, le marchand d’art Richard Nagy avait déclaré qu’il était le propriétaire légitime des œuvres, car la belle-sœur de M. Grünbaum les avait vendues après sa mort. Mais le juge chargé de l’affaire a statué qu’il n’y avait aucune preuve que M. Grünbaum les lui avait donnés volontairement, écrivant qu’il s’agissait d’une «signature sous la menace d’une arme».

L’Art Institute of Chicago conteste cependant cette affirmation. Le musée soutient que «Prisonnier de guerre russe», une œuvre au crayon et à l’aquarelle, a été acquise légalement.

«Nous avons effectué des recherches approfondies sur l’historique de provenance de cette œuvre et sommes confiants dans notre propriété légitime de la pièce», a déclaré Megan Michienzi, porte-parole de l’Art Institute of Chicago.

Mme Michienzi a souligné une décision antérieure de 2010 d’un autre juge fédéral qui, selon elle, «a explicitement statué que la collection d’art Schiele de M. Grünbaum n’avait  »pas été volée » et  »est restée en possession de la famille Grünbaum » et a été vendue par la belle-sœur de Fritz Grünbaum.»

M. Reif et ses proches se battaient devant un tribunal civil fédéral pour obtenir la restitution de l’œuvre. L’Art Institute of Chicago a vu l’affaire rejetée en novembre pour des raisons techniques, arguant avec succès que, contrairement à l’affaire Nagy, la famille n’avait pas respecté le délai fixé pour le procès en vertu de la loi sur la récupération des expropriés de la Shoah.

Après le rejet de cette affaire, le bureau d’Alvin Bragg a demandé plus tôt ce mois-ci à un tribunal de Manhattan d’autoriser la remise de l’œuvre d’art.

Source msn