Lumières dans la nuit, par Eliette Abécassis

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À partir de jeudi prochain, nous allumerons pendant huit jours les bougies de Hanoukka afin de nous souvenir d’un fait marquant de l’histoire juive.

Il s’agit de l’histoire des Maccabées qui eut lieu il y a deux mille ans, lorsque la terre d’Israël était envahie par le peuple des Séleucides et Antiochus III, roi de Syrie, qui régna de 3538 à 3574 (222-186 avant Jésus-Christ).

La dynastie séleucide, qui régnait sur une partie de l’Asie dans un régime de royauté absolu et tyrannique associé à un culte de la personnalité, imposa une hellénisation forcée du royaume. Le roi Antiochus IV prit possession du temple, le consacra à Baalshamin, vénéré en Égypte et à Rome, dieu des cieux phénicien, chef des déités, prince et maître de la terre, de la pluie et de la rosée, qui s’imposa selon la mythologie après avoir combattu Mot, dieu de la mort, de la stérilité et de la sécheresse. Antiochus, en plus du culte de Baalshamin, imposa une persécution du peuple juif qui commença par des autodafés de la Torah et une volonté d’abolition du judaïsme par les massacres, les tortures et la terreur.

Les Séleucides empêchaient les juifs de respecter leurs rites, brûlaient les hommes et les rouleaux, et souillaient le temple de Jérusalem. Jusqu’au jour où un prêtre du nom de Matityahou et ses fils se révoltèrent contre les officiers et les soldats syriens, et soulevèrent une armée depuis les collines de Judée. On les appela les « Maccabées », selon les initiales : « Mi Kamokha Baélim Hachem » : « Qui est comme Toi parmi les puissants, ô Dieu ! » : une contestation ouverte de Baalshamin.

Animés par un désir de révolte et de libération tout autant qu’une volonté de rétablir la tradition juive, ils prirent les armes contre la puissante armée séleucide, qu’ils réussirent à vaincre. Ils libérèrent Jérusalem et le temple. Le premier acte symbolique de la victoire fut d’allumer la ménorah au sein du temple, et par un miracle, ils trouvèrent une petite cruche d’huile d’olive pure qui dura huit jours. La ménorah était placée dans le temple devant le saint des saints, l’endroit le plus sacré du temple où le grand prêtre se rendait le jour du Kippour. Il en allumait les sept branches chaque jour et elle brûlait toute la nuit pour symboliser la lumière divine. Et à chaque fois que je les allume au plus sombre de l’hiver, je me réchauffe à leur lumière particulière. Les flammes des bougies ne sont pas comme les ampoules. Elles floutent le réel et l’entourent d’un halo. Elles rassemblent, elles colorent le monde et leurs reflets dorés dansent sur les visages. Tout devient beau, comme dans un tableau, et nostalgique, irréel, immatériel. La maison est un temple. Son espace chargé de symboles et de rites devient sacré.

Et je me dis que la ménorah porte les flammes vacillantes de l’identité juive : une lumière dans la nuit. Le mot « ménorah » signifie « qui vient de la flamme », cette flamme éternelle du peuple juif, et son espérance dans la libération prochaine et la venue du Messie. Comme le dit le prophète Zacharie (<a href= »https://www.aelf.org/bible/Za/4″ target= »_blank »>4, 1-14</a>) : <em>« L’ange qui me parlait est revenu, et il m’a réveillé comme un homme que l’on réveille de son sommeil. Il m’a dit : “Que vois-tu ?” J’ai répondu : “Je regarde, et je vois un chandelier tout en or, surmonté d’un réservoir et portant sept lampes, avec sept conduits pour les lampes qui sont à son sommet. Près de lui se trouvent deux oliviers, l’un à la droite du réservoir et l’autre à sa gauche.” »

La ménorah du temple a disparu après l’exil de Babylone, si bien qu’on ne l’a jamais retrouvée. Le temple fut pillé par les Romains, et elle aurait pu se trouver parmi les objets emportés à Rome dans le butin de Titus après le siège de Jérusalem en 70, comme en témoigne le célèbre bas-relief où elle est représentée, avec les Romains et les exilés qui la transportent vers Rome, où l’on a perdu sa trace. Certains textes évoquent son possible vol par les Vandales ou son convoi vers Constantinople. Nul ne sait.

Quant au dieu des cieux Baal­sha­min, on lui érigea un temple à Palmyre en Syrie, qui fut agrandi et embelli par l’empereur romain Hadrien, qui exerça une domination non moins féroce sur le peuple juif en sa terre. Le temple de Baalshamin fut détruit par l’État islamique, le 23 août 2015, et plus personne ne vénère le dieu des cieux. La ménorah ne brûle plus au sein du temple de Jérusalem car la mosquée Al-Aqsa est construite sur son emplacement. Mais la ménorah à huit branches, celle de Hanoukka, synecdoque du temple et symbole de la lutte des Maccabées pour la survie du peuple juif, continue de s’allumer dans les foyers juifs au moment de Noël. Et au jour de Hanoukka, dans tous les pays où vivent les juifs, pendant huit nuits, elle éclaire le monde de ses flammes vacillantes.

Eliette Abécassis

Source la-croix