Depuis le début de la guerre contre le Hamas, le nombre de prescriptions de cannabis thérapeutique pour des Israéliens traumatisés, anxieux et stressés, a explosé.
« La demande est devenue folle », s’écrie le professeur Eyal Fruchter, à la tête d’un centre médical du nord d’Israël spécialisé dans la santé mentale. Les médecins autorisés à prescrire le cannabis médical sont débordés. Non seulement de nouveaux patients veulent trouver un semblant de sérénité, mais ceux qui disposent déjà d’ordonnances ont tendance à augmenter leur consommation, à constituer des réserves pour faire face à une éventuelle pénurie. L’ambiance générale y pousse.
Les tirs de roquettes accompagnés des hurlements de sirènes qui contraignent parfois plusieurs fois par jour les habitants à se précipiter dans les abris, l’angoisse provoquée par la liste de 1.400 morts et le sort de 220 otages détenus par le Hamas, le stress induit par les médias qui diffusent des nouvelles de la guerre en continu provoquent des effets anxiogènes. Le terrain est en outre propice. Avec plus de 120.000 patients autorisés à utiliser du cannabis médical délivré dans les pharmacies et sous le contrôle du ministère de la Santé, les Israéliens détiennent un record mondial par rapport au nombre d’habitants.
Phénomène de société
Cette herbe est utilisée pour une large gamme d’affections physiques et mentales tels le stress post-traumatique, les douleurs chroniques liées à la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, les cancers, les soins palliatifs… Son utilisation est devenue un véritable phénomène de société.
Un patient consomme en moyenne 420 grammes par an. Phénomène nouveau, certains d’entre eux jouent la carte de la solidarité en diminuant leurs commandes ou en faisant des dons afin que d’autres parmi les dizaines de milliers d’Israéliens évacués de leur domicile trop proche de la bande de Gaza ou de la frontière avec le Liban ne soient pas confrontés à un manque.
Nir Oz, un des kibboutz attaqués par les islamistes, est parvenu, malgré la mobilisation de réservistes qui a provoqué une pénurie de main-d’oeuvre, à maintenir sa production de marijuana dans ses serres. Le professeur Fruchter met toutefois en garde contre l’illusion selon laquelle il s’agirait d’un médicament miracle. Selon lui, il n’est pas du tout évident que le cannabis médical soit adapté aux bouffées d’angoisse provoquées par la guerre. « Je ne pense pas non plus qu’il constitue une solution pour les gens qui ont des problèmes de sommeil », ajoute-t-il.
Compétition mondiale
Malgré ces réserves, tout ce secteur est en plein boom. Des dizaines de start-up ont été créées ces dernières années. Israël et le Maroc se sont lancés dans une compétition pour se placer sur un marché mondial qui pourrait atteindre les 42 milliards de dollars d’ici à cinq ans. Deux anciens Premiers ministres israéliens, Ehud Barak et Ehud Olmert, ont occupé des postes de directeur et de consultant dans des entreprises spécialisées dans le cannabis médical. Le secteur a toutefois connu après une période « très high » un léger passage à vide ces derniers mois.
Pour ce qui est de la marijuana à fumer « à des fins récréatives », la loi israélienne a adopté une approche de plus en plus libérale. Depuis quatre ans, son usage est en grande partie décriminalisé à condition qu’elle ne pas soit consommée par des mineurs ou des soldats. Seule la consommation publique est passible d’amendes. Mais il suffit de humer certains effluves dans les rues de quartiers branchés de Tel-Aviv pour constater que la loi est appliquée avec une certaine bienveillance.
Pascal Brunel (Correspondant à Tel-Aviv)