Les juifs de France après les attaques en Israël : colère et peur

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La communauté juive de Créteil, en région parisienne, qui vient de passer un week-end de fête religieuse entaché par l’offensive du Hamas en Israël, craint une recrudescence des actes antisémites en France.

De l’attaque du Hamas perpétrée la veille contre Israël, David (1) ne sait presque rien. Ces vingt-quatre dernières heures, les rares informations lui sont parvenues par le bouche à oreille. Et les nouvelles sont lacunaires. Depuis le soir du vendredi 6 octobre, ni lui, ni sa femme, ni sa fille n’ont accès à leurs téléphones. «Jusqu’à samedi soir, c’était shabbat et aujourd’hui c’est Sim’hat Torah [fête marquant la fin du cycle de lecture annuel de la Torah, ndlr]. Nous sommes pratiquants, donc pendant ces deux fêtes, on n’utilise pas d’électricité ni d’appareil électronique», raconte-t-il ce dimanche 8 octobre, à la sortie de la synagogue de l’Association culturelle israélite de Créteil (Acic), dans le Val-de-Marne.

«Surtout, on ne sait pas comment tout ça a été présenté sur les réseaux sociaux et dans les médias», s’inquiète sa fille Lola, qui dit déjà appréhender de futures conversations avec ses amis non juifs. Ici, chacun a l’angoisse d’une recrudescence des actes antisémites dans les prochains jours. Vanessa, sa mère, a «surtout peur pour les enfants dans les écoles juives». «L’école reprendra mardi, je suis déjà stressée. […] Mais c’est le problème éternel des juifs, on n’est pas nombreux et on a toujours peur. Par notre histoire, la peur fait partie de notre ADN.»

«Israël n’était pas préparé ?»

Samedi 7 octobre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait ordonné le renforcement «immédiat» de la sécurité autour des lieux de culte et des établissements scolaires israélites dans plusieurs villes de France. «Mais ici, rien. Une voiture de police est passée pendant une heure ce matin, mais pas plus que d’habitude. Les synagogues sont toujours sous surveillance», assure Kévin, agent de sécurité déployé sur plusieurs lieux de culte cristoliens.

Mais aujourd’hui, le jeune homme se sent aussi investi d’«un énorme devoir d’information». «Beaucoup de gens viennent me voir pour me demander le bilan des victimes et des blessés, ou pour un point sur la situation», précise-t-il. De nombreux fidèles comptent des proches en Israël. David, Vanessa et Lola, par exemple, y ont «plus de la moitié» de leur famille. Et c’est d’ailleurs à la synagogue que Lola a appris qu’une de ses amies serait actuellement prise en otage.

Comme plusieurs de ses cousins restés là-bas, l’ancienne infirmière de l’armée de défense israélienne, désormais réserviste, craint d’être appelée dans les prochains jours. «Mais s’il faut aider, il faut aider», professe son père qui, malgré sa résignation apparente, peine à cacher son incompréhension. «Comment c’est possible ? Israël n’était pas préparé ? On a du mal à y croire.»

«La fête est gâchée»

L’offensive militaire du Hamas intervient pendant la période la plus festive de l’année : trois semaines seulement après Roch Hachana, le nouvel an juif, et deux semaines après Yom Kippour, considéré comme le jour le plus important de l’année. Ce dimanche, jour de Sim’hat Torah, la synagogue de l’Acic est certes pleine, mais l’atmosphère lourde. «La fête est gâchée, regrette Daniel. Normalement, le samedi soir, les gens sortent jusque très tard. Hier, à 22 heures, il n’y avait plus personne. On verra bien l’ambiance à l’intérieur, mais ça ne sera pas très joyeux, je pense.»

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a appelé à un rassemblement «de solidarité» lundi 9 octobre à 18 h 30, place Victor Hugo, dans le XVIe arrondissement de Paris. D’autres rassemblements sont prévus en France, notamment à Lyon, Nice, ou Montpellier.

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.

par Margaux Gable