Le témoignage glaçant d’un étudiant victime de l’antisémitisme

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Dans son édition du 28 septembre, Le Parisien a recueilli le témoignage poignant d’un jeune homme harcelé par une bande, parce que juif.

Cet après-midi d’octobre, Jérémy* s’en souvient, malheureusement, comme si c’était hier. Etudiant de première année à Sciences-po Strasbourg, il participe à la traditionnelle journée d’intégration. Le jeune homme, qui témoigne dans Le Parisien daté du 28 septembre, se souvient :  « Il était question d’incendier Israël avec les juifs dedans. Je me suis figé. Tout le monde braillait. J’étais visiblement le seul à être choqué. Je suis allé voir les meneurs pour leur dire qu’ils pouvaient chanter ce qu’ils voulaient, mais que j’étais juif et que ça me dérangeait. Ce que je pouvais être naïf et timide… ». Le soir-même, la situation se dégrade encore un peu plus. Il s’accroche, physiquement et verbalement, avec un des chefs de meute,venu lui cracher à la figure qu’il n’aime pas les juifsJérémy téléphone alors son père, qui relativise la situation : « Ca va passer » lui assure-t-il. Une position qu’il assumera finalement durant deux longues années « J’ai subi sans broncher leurs provocations en m’enfonçant peu à peu dans le déni et le repli » explique-t-il.

Un étudiant victime d’antisémitisme : « Et un, et deux, et Troisième Reich »

Fin mars 2019 se déroule le Crit, le tournoi sportif réunissant les Sciences-po de France. Les propos antisémites repartent de plus belle.. « Et un, et deux, et Troisième Reich » scandent notamment les harceleurs du jeune homme. Un comportement honteux – et pénalement répréhensible – revenue aux oreilles de la direction de l’école qui se contentera pourtant simplement de condamner des « propos inadmissibles ».
Autre anecdote terrifiante racontée par l’étudiant au quotidien. Un soir, en discothèque, un garçon lui assure qu’il aurait aimé voir ses grands-parents mourir dans les camps. Il chipe même le portable de Jérémy pour écrire, sur son compte Facebook, « Heil Hitler ».
Sa bande de harceleurs, au nombre de six, continuera son travail de sape tout au long de l’année. Blague sur Hitler ou Goebbels, moqueries clicheteuses, menaces. Lors d’une autre soirée, alors que les participants ont une croix écrite sur leur main, la sienne est… gammée ! « Je minimisais tout raconte-t-il. Je doutais tellement que j’en suis venu à penser que le problème venait de moi. Jamais, pendant toute ma scolarité dans un établissement privé catholique à Paris, je n’avais été confronté à l’antisémitisme. » 

Son salut passe par la pandémie de Covid-19

Sa deuxième année d’étude, il ne pourra bien sûr pas la vivre comme un étudiant comme les autres. Il s’isole et ne se rend plus qu’aux, séances de travaux dirigés. Sa sœur, sa confidente, décide d’agir et contacte UEJF (Union des étudiants juifs de France) de la fac parisienne où elle étudie, qui remue ciel et terre pour que les harceleurs soient punis. Jérémy, se rend même en leur compagnie au commissariat. : « Les choses bougeaient un peu, mais j’étais parti tellement loin dans mon grand brouillard… Je me sentais tellement nul que je n’arrivais même plus à me regarder dans un miroir » explique-t-il.
Son salut passe finalement par… la pandémie de Covid-19. Il rentre auprès de ses parents à Paris et retrouve une certaine quiétude « J’ai vécu l’inverse des étudiants. Je ne voulais plus entendre parler de l’école. Le Covid m’a sauvé de cet enfer. » Il passe en troisième année, direction Barcelone, où il s’épanouie.

Les harceleurs finalement condamnés

Au printemps 2021, il apprend que deux de ses six harceleurs ont été condamnés pénalement à des stages de citoyenneté (avec inscription au casier judiciaire) et qu’ils ont été obligés de redoubler leur année. A titre d’exemple, la direction de Sciences-Po Strasourg avait décidé d’afficher leur sanction dans le hall de l’immeuble de l’établissement : « J’aurais trouvé plus logique qu’ils soient virés mais, cette fois, la honte avait changé de camp » argue-t-il.
Nommé il y a trois ans à la tête de l’école, Jean-Philippe Heurtin assure au Parisien que « cette tradition des chants nazis, aussi débile qu’insupportable, a disparu ». Pour Jérémy, la page, aussi traumatisante soit-elle, a été tournée. Il s’est envolé vendredi dernier pour l’Asie afin de poursuivre ses études.

* Le prénom a été changé