Le PDG d’Adidas prend la défense du rappeur antisémite Kanye West

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Bjørn Gulden (CEO Adidas, ehemaliger Fußballspieler); Porträt, Einzelbild
Surprise. Après avoir mis fin à son partenariat avec l’Américain Kanye West, auteur de multiples propos antisémites, Adidas, par la voix de son nouveau PDG Bjørn Gulden, minimise les déclarations du rappeur.

Ça, c’était avant. En octobre 2022, Adidas publiait ce communiqué : « Adidas ne tolère pas l’antisémitisme ni tout autre type de discours de haine. Les récents commentaires et actions de Ye [le nouveau nom de scène de Kanye West, NDLR] ont été inacceptables, haineux et dangereux, et ils violent les valeurs de diversité et d’inclusion, de respect mutuel et d’équité de l’entreprise. Après un examen approfondi, la société a pris la décision de mettre fin immédiatement au partenariat avec Ye. »

Entre autres discours haineux, Kanye West avait publié sur Twitter une menace de mort contre les juifs, puis déclaré :

« Les nazis ont fait de bonnes choses aussi, il faut arrêter de les critiquer sans arrêt […]. Je n’aime pas qu’on associe le mot “maléfiques” aux nazis. »

« Je crois que chaque être humain apporte quelque chose de valeur au cours de sa vie, et surtout Hitler. »

« J’adore les nazis. »

« Hitler n’a pas tué 6 millions de juifs. »

Etc.

Ajoutons que l’artiste avait aussi diffusé sur Twitter une image représentant une croix gammée entrelacée avec une étoile de David.

Aujourd’hui, le PDG d’Adidas, le Suisso-Norvégien Bjørn Gulden, prend la défense du rappeur antisémite. Dans un épisode du podcast norvégien « In Good Company », diffusé le 13 septembre, il affirme : « Je ne pense pas qu’il pensait ce qu’il a dit et je ne pense pas que ce soit une mauvaise personne – c’est juste arrivé comme ça. »

Sans rappeler l’histoire d’Adidas, une marque créée en 1949, par Adolf (« Adi ») Dassler, ex-membre du parti nazi, on peut s’interroger sur la clémence de Bjørn Gulden et sur la sagacité de ses motivations. S’accordent-elles avec « les valeurs de diversité et d’inclusion » de la marque qu’il préside ?

Gulden nous dit : ne blâmons pas ceux qui disent que « Hitler n’a pas tué 6 millions de juifs ». Ils le disent mais ils ne le pensent pas, ce sont de bonnes personnes. Et leurs paroles ne relèvent pas de l’antisémitisme.

On en conviendra, cette déclaration abjecte dépasse le cadre de la glorieuse incertitude du sport.

Au-delà des questionnements psychologiques sur l’insondable intériorité du cœur humain, certaines paroles sont des actes. En février 2023, un rapport de l’Anti-Defamation League notait que les propos antisémites de Kanye West avaient directement provoqué aux Etats-Unis plus de 30 agressions racistes et incidents de vandalisme visant des juifs. Ce rapport révélait aussi que le slogan « Ye is Right [“Ye a raison”] » avait été mentionné plus de 10 000 fois sur Twitter depuis octobre 2022.

« C’est juste arrivé comme ça », nous dit maintenant Adidas. Et, Dieu merci, Kanye West, c’est l’essentiel, ne pensait pas ce qu’il disait. En tout cas, c’est ce que nous certifie l’ancien footballeur Bjørn Gulden. Qui sait si, dans son psychologisme, il ne serait pas prêt à ajouter que l’Anti-Defamation League, à l’instar de West, ne pensait pas ce qu’elle a dit ?

« IMPOSSIBLE IS NOTHING », tel est le slogan de la firme bavaroise. Ne laissons pas dire à Adidas, deuxième équipementier sportif du monde après Nike, que « ANTISEMITISM IS NOTHING ». Ce ne serait pas fair-play.

Ou pour le dire autrement, ne pensons pas que Bjørn Gulden ne pensait pas ce qu’il a dit quand il a dit que Kanye West ne pensait pas ce qu’il disait.