Extrême droite : «Division Martel», la nouvelle bande violente qui sévit à Paris

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Ce groupe aux références néofascistes qui compte des militants mineurs s’est distingué par une agression raciste devant un lycée parisien en avril, et par ses liens avec d’autres collectifs violents.

Ils sont une grosse dizaine à poser devant le siège de La France insoumise dans le Xe arrondissement de Paris, le 12 septembre 2022. Une provocation relayée en ligne. Exhibant un drapeau français, ces militants d’extrême droite posent en faisant avec leurs mains des «saluts de Kühnen» (une alternative au salut nazi) et des signes suprémacistes signifiant «white power». Auparavant, la bande avait paradé dans le métro et dans les rues de Paris, revendiquant l’agression d’un «gauchiste». Ces jeunes – parfois très jeunes même – sont membres d’un groupe d’extrême droite informel et violent : la «Division Martel» (DM).

Le groupuscule, apparu à l’automne dernier, se revendique d’une idéologie allant du néofascisme au néonazisme, et est très connecté aux factions radicales de toute la France. Son ambition est de faire de la politique avec les poings. Deux de ses membres seront d’ailleurs jugés le 27 juillet devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir participé à l’agression, le 20 avril, de jeunes devant le lycée Victor-Hugo, dans le IIIe arrondissement de Paris. Ils sont poursuivis pour «participation à un attroupement armé» et «violence volontaire à caractère raciste». Un énième méfait d’une bande qui sévit depuis des mois.

Militant de 14 ans

«Jambon hooligan» proclamait la pancarte frappée d’une croix celtique néofasciste brandie par le groupe armé de béquilles et de bombes lacrymogènes qui a attaqué le lycée Hugo, comme le relatait notamment RTL. Le jambon, un repoussoir antimusulmans dans leur imaginaire raciste. Mais la descente, visiblement déclenchée suite à une embrouille de gamins, va au-delà de la pseudo-blague : très vite, les coups pleuvent, accompagnés d’insultes xénophobes, rapportait le Parisien. Les deux médias, citant une source policière, soulignaient que les victimes, des élèves de l’établissement, avaient été choisies en fonction de leur couleur de peau. Bilan de l’attaque : cinq blessés légers.

L’enquête a débouché sur l’interpellation de douze individus, dont trois seulement sont majeurs. Au domicile de l’un de ces derniers, les policiers ont saisi des carabines à plomb de fabrication artisanale, ainsi qu’un grand nombre d’autocollants siglés «Division Martel». Une source au sein de l’établissement assure que les agresseurs se sont revendiqués de ce groupe et que ces mêmes stickers ont été retrouvés autour du lycée. Contactées, ni la préfecture de police ni la mairie d’arrondissement n’ont répondu à nos sollicitations. L’élément frappant dans ce dossier est l’âge des mis en cause. Le plus jeune militant n’a que 14 ans et trois n’en ont que 15, tandis que cinq autres ont entre 16 et 17 ans. Trois seulement sont majeurs, respectivement âgés de 18, 20 et 24 ans, pour le doyen de la bande, qui fait déjà figure d’activiste d’extrême droite expérimenté.

Ce dernier, Antonin C., est bien connu des services de police. Fiché S, surveillé de près par la DGSI, son nom apparaît notamment dans le dossier d’une enquête judiciaire ouverte suite à la descente organisée par un commando de fachos, dont les membres ont été interpellés à Paris le soir du match France-Maroc alors qu’ils s’apprêtaient à agresser des supporters des Lions de l’Atlas. Sur cette quarantaine de militants connus pour leur violence, certains sont des récidivistes d’agressions racistes. Une quinzaine sont particulièrement surveillés, soulignait Libé dans une enquête dévoilant les coulisses de cette soirée. La plupart appartiennent au Groupe union défense (GUD), une organisation tristement célèbre pour sa violence, réactivée l’an passé par Marc de Cacqueray-Valménier, le leader de feu les Zouaves Paris. Ce jeune homme au casier judiciaire presque aussi long que son CV militant est l’une des figures majeures de la mouvance radicale française.

«Chasser les antifas»

La DM et le GUD, notamment, entretiennent des liens étroits. Marc de Cacqueray et plusieurs militants de la DM s’entraînent ensemble aux sports de combat. Parfois, des gudards et leurs homologues plus jeunes de la DM s’affichent côte à côte dans les rues de Paris. Comme début novembre 2022, en marge du colloque annuel du mouvement catholique intégriste (et identitaire) Academia Christiana. Arborant des brassards orange fluo siglés «sécurité», ils avaient sorti les clubs de golf. Encore un hommage au GUD, qui en avait fait l’un des symboles de son imaginaire viriliste et violent, et qui avait d’ailleurs été repris par les Zouaves Paris. Antoine C. et Pierre C. – un autre majeur participant à la descente au lycée Victor Hugo, qui figure aussi parmi les interpellés du commando du match France-Maroc – devaient être jugés en comparution immédiate le 15 juin dernier, mais leur procès a donc été renvoyé au 27 juillet.

Alors que les Zouaves Paris ont été dissous en janvier 2022 et le GUD réactivé en novembre de la même année, la DM apparaît pour sa part pour la première fois en septembre 2022. Une «nouvelle équipe de jeunes nationalistes chassant les antifas», vantait le principal canal de propagande des radicaux français, Ouest Casual. Une bande dont le nom est une référence explicite à Charles Martel, le chef franc qui a vaincu les Arabes à Poitiers en 732. Le groupuscule pose d’ailleurs régulièrement avec une banderole floquée «ambiance 732».

L’évocation du guerrier renvoie également au Groupe Charles-Martel, une organisation terroriste d’extrême droite active entre 1973 et 1983, responsable d’attaques contre des intérêts algériens en France (ambassade, consulats, entreprises), des travailleurs immigrés ou des personnalités politiques françaises, et dont les coups de main ont provoqué la mort de sept personnes. Mais peut-être aussi à Génération identitaire, dont l’acte fondateur était l’occupation du toit d’une mosquée en construction dans la périphérie de Poitiers, déjà symbole d’une croisade contre les musulmans. Un fourre-tout raciste largement teinté de néonazisme chez les militants de la DM au vu des références dont ils usent et abusent, en ligne notamment.

Le tout à hauteur d’ados et de post-ados… Sur l’une des banderoles «officielles» de la division, apparaît un Pokémon affublé d’une croix celtique. Ils en sont si fiers qu’ils l’avaient emmenée, et exhibée, lors de la grande conjonction de toutes les extrêmes droites radicales à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), le 29 avril dernier, lors de la seconde manifestation anti-immigrés qui avait mis la ville sous tension. C’est dans cette petite commune, encore récemment une paisible station balnéaire, que le domicile du maire a été la cible d’un incendie volontaire, poussant celui-ci à démissionner en dénonçant le manque de soutien de l’Etat.

Agressions, «ratissages», tabassages

Une semaine plus tard, les membres de la DM rejoignaient à nouveau les autres militants de la mouvance radicale à l’occasion du très décrié défilé du Comité du 9-Mai, une manifestation néofasciste qui a réuni plus de 500 personnes dans les rues de Paris le 6 mai dernier. Béquilles et casques de moto étaient exhibés sur une photo revendiquant leur présence. Ils participaient également du défilé de l’Action française en hommage à Jeanne d’Arc, le dimanche 14, maintenu bien que Gérald Darmanin ait clamé quelques jours plus tôt qu’il interdirait toutes nouvelles manifestations d’extrême droite.

Entre-temps, des membres de ce groupe violent revendiquaient l’agression d’un militant de gauche, à trois contre un, et diffusaient des images du passage à tabac. A peine quelques jours plus tard, ils défilaient dans les rues de Besançon (Doubs) en compagnie des néonazis des Vandals Besak et des hooligans issus des Infréquentables Dijon et du Korrigans Squad, un rassemblement de militants bretons violents… Un mois presque banal pour une formation dont nous avons recensé une grosse quinzaine d’actions en dix mois d’existence. Au point qu’ils semblent se sentir intouchables et ne cessent de repousser les limites, comme lorsqu’ils ont directement pris à partie, sans violence mais moqueurs et intimidants, presque insultants, un journaliste du Monde croisé fortuitement mi-juin. Des images qu’ils se sont allègrement partagées, visiblement fiers d’eux. Libé avait également identifié des membres de la DM au sein du canal Telegram FR DETER, où les abonnés projetaient des actions violentes contre des personnes étrangères ou d’origine extra-européenne.

Agressions, «ratissages», tabassages… sont quasiment les seules activités du groupe. En leur temps, les néonazis violents des Zouaves Paris s’étaient au moins donné la peine de rédiger un tract. Aux «olympiades» organisées par le GUD à Paris en avril dernier, la bande figurait en bonne place aux côtés de mouvements tentant pourtant de se faire passer pour plus «sages», tels les Versaillais d’Auctorum, qui organisent régulièrement des conférences où Bruno Gollnisch a, par exemple, passé une tête. Mais aussi des militants venus du syndicat la Cocarde étudiante, mouvement très proche du Rassemblement national, et dont un certain nombre de membres ou anciens membres exercent aujourd’hui comme attachés parlementaires de députés ou eurodéputés lepénistes. Pas sectaires, les membres de la DM s’affichaient par ailleurs à la manifestation en «hommage» à la petite Lola, organisée par Reconquête en octobre dernier. Ou collaient des affiches pour Eric Zemmour pendant la présidentielle. L’extrême droite, c’est une grande famille.

par Maxime Macé et Pierre Plottu