Cagnotte pour la famille du policier de Nanterre : le profil parfois surprenant des donateurs

Abonnez-vous à la newsletter

Créée deux jours après la mort du jeune Nahel, tué par un tir de policier après un refus d’obtempérer, cette cagnotte en ligne a atteint plus de 1,5 million d’euros de dons.

Nadia, ancienne propriétaire d’une jardinerie dans l’Hérault, vient de se délester de 200 euros. Pour cette somme, elle ne s’est pas offert un bon restaurant ou de nouvelles chaussures. Elle a préféré donner son argent à la cagnotte « en soutien à la famille du policier de Nanterre », en deux virements successifs. Cette souscription, clôturée dans la nuit de mardi à mercredi, a été lancée par Jean Messiha, ancien porte-parole du Rassemblement national et d’Eric Zemmour. L’Héraultaise affirme ne pas apprécier l’extrême droite et avoir voulu seulement affirmer son soutien à la police. « Je déplore toutes les récupérations politiques faites par l’extrême droite, je veux simplement soutenir la famille et les policiers à bout », dit-elle, détaillant son « ras-le-bol de la violence et des attaques contre les symboles de la République ». La mise en examen pour homicide volontaire du policier auteur du tir mortel sur le jeune Nahel, mardi 27 juin, ne la convainc guère : « Je ne cautionne pas le fait que ce jeune ait été tué, mais pour moi, l’agent était dans l’exercice de ses fonctions et doit bénéficier de la présomption d’innocence. »

Le montant interpelle. Cinq jours après son lancement, la cagnotte lancée sur la plateforme GoFundMe a atteint près de 1,5 million d’euros de dons. Pas moins de 76 000 personnes y ont déjà participé, la majorité du temps de manière anonyme et pour des sommes comprises entre 5 et 20 euros en moyenne. Mais certains internautes ont dépensé 500, 700, 1 000, voire 3 000 euros, faisant augmenter le montant total de manière significative. Un engouement inattendu – et impressionnant – qui a provoqué l’indignation d’une partie de la classe politique.

Pas seulement des proches de partis d’extrême droite

Parmi les souscripteurs interrogés par L’Express, certains affichent des engagements politiques sans ambiguïté. Il en est ainsi de Laurent, qui revendique son soutien à Reconquête et Eric Zemmour, et indique avoir participé à hauteur de 60 euros, principalement pour « soutenir » le policier mis en cause « et sa famille ». « Cette cagnotte symbolise mon soutien aux forces de l’ordre face aux émeutes et aux attaques irresponsables de l’extrême gauche clientéliste, cherchant à faire croire qu’un racisme systémique prévaudrait au sein de celles-ci », assène le militant, qui estime que la « présomption d’innocence » du tireur a été « bafouée ».

Nadine, fonctionnaire hospitalière à Angers et adhérente elle aussi de Reconquête, a donné 20 euros. « Elle aurait pu être créée par Monsieur Dupont, ça aurait été la même chose. Je voulais juste montrer que je suis gênée par le fait que ce policier soit jeté en pâture et traité de meurtrier », argumente cette « ex-femme de flic », qui souhaite par cet acte « faire entendre sa voix ». Sur les réseaux sociaux, un certain nombre de militants affichent avec fierté, comme un étendard politique, leur participation à la cagnotte, parfois accompagnée du hashtag « #CagnottedelaFiertéNationale », lancé ce mardi 4 juillet sur Twitter en opposition à #CagnottedelaHonte, lancé quelques heures plus tôt. Quelque 6 000 personnes avaient « aimé » le poste de Jean Messiha appelant au partage de ce mot-dièse pro-police à la fin de la journée.

A l’inverse, certains participants à la cagnotte réfutent toute affiliation à un camp politique identifié. Marie-Eve, aide-soignante de 54 ans, a voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, puis Marine Le Pen au second « pour contrer Macron ». Elle assure « ne pas relier sa participation à une quelconque appartenance politique » : « Que le policier soit coupable ou pas, là n’est pas la question : notre participation est surtout un symbole de respect pour la police », témoigne-t-elle, assurant encore vouloir avant tout « soutenir le travail des forces de l’ordre, l’Etat et la République ».

Selon Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’extrême droite, « il y a de manière évidente des proches de partis d’extrême droite dans les participants à cette cagnotte, mais pas seulement ». Selon lui, les donateurs appartiennent ainsi « à un cercle bien plus large » que les seuls adhérents à ces partis. « Spontanément, certains citoyens se sont reconnus dans une conception de la société selon laquelle la police aura toujours raison. Il faut rappeler qu’il existe une sacralisation de la police ou de l’armée, peu importe la teneur des faits, qui n’est pas l’unique monopole de l’extrême droite », résume-t-il.

Une seconde cagnotte lancée

Laurent, technicien à Montauban (Tarn-et-Garonne), correspond au portrait-robot. Le quinquagénaire assure ainsi « exécrer » le Rassemblement National, Reconquête !, se dit « plutôt de gauche », et a voté Emmanuel Macron à la dernière élection présidentielle. Il a tout de même souhaité participer à la cagnotte à hauteur de 10 euros, « pour soutenir les forces de l’ordre dans leur travail de tous les jours ».

« Cette cagnotte ne fait qu’illustrer une fracture encore plus visible entre deux camps que l’on n’arrive pas à faire dialoguer », commente Jean-Yves Camus. « Ceux qui pensent que la police, par construction et parce qu’elle est détentrice du monopole de la violence légitime, a toujours raison, et ceux qui pensent, également par construction, que la France est un Etat structurellement raciste ».

Sur Twitter, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) Olivier Faure a partagé sa colère à l’égard de la plateforme GoFundMe, l’accusant « d’entretenir une fracture déjà béante, en participant au soutien d’un policier mis en examen pour homicide volontaire ». « Le message ? Cela rapporte de tuer un jeune arabe », estime pour sa part l’eurodéputée LFI Manon Aubry, appelant à sa suppression « au plus vite », tandis que Clémence Guetté, députée LFI du Val-de-Marne, dénonce une « indécence et horreur absolue ».

Jean Messiha, lui, se félicite auprès de L’Express d’un « succès », symbole selon lui de « la mobilisation d’une partie de la France », lassée que « des policiers soient en permanence montrés du doigt » et à qui on aurait « trop longtemps intimé l’ordre de se taire ». Une seconde cagnotte, lancée par l’Amicale des policiers motocyclistes des Hauts-de-Seine – compagnie dans laquelle exerçait l’agent mis en cause -, a par ailleurs été créée vendredi. « De nombreux fonctionnaires de police, mais également citoyens lambda venus de toute la France, y ont déjà participé », affirme Mickael Dequin, secrétaire départemental adjoint du syndicat SGP Police 92 à l’initiative du dispositif. Ce mardi 4 juillet, elle rassemblait déjà plus de 72 000 euros.

Par Céline Delbecque
La cagnotte a récolté 1.636.240 euros  issus de 85.107 dons

1 Comment

  1. eh bien moi j’ai versé une petite somme en soutien à la famille de Nahel, et il se pourrait même que ce soit aussi en tant que juif que je l’ai fait puisqu’en permanence des cagnottes sont ouvertes et ce sans que j’y participe. Mais il se trouve : 1) que les ancêtres de Nahel ne s’appelaient pas Dupont, ni même Moretti 2) que même si des français-de-souche peuvent être tués pour cause de… refus d’obtempérer les arabes et les noirs sont sur-représentés parmi les victimes 3) et que, même s’il y a des juifs-de-droite assez vils pour ne pas le comprendre on ne peut pas combattre l’antisémitisme sans combattre ET EN MEME TEMPS le racisme

Les commentaires sont fermés.