Au printemps 1943, Simon Gronowski, un petit Bruxellois de 11 ans, est raflé par la Gestapo avec sa mère. Alors qu’un convoi les emmène vers Auschwitz, Simon parvient à sauter du train et à s’enfuir. Orphelin à 13 ans, le petit garçon se débrouille et devient avocat. En souvenir de sa sœur, il apprend également le piano sur le tard et devient musicien de jazz. Aujourd’hui encore, à 91 ans, il milite contre l’extrême droite. Il nous a confié son histoire.
Au printemps 1943, Simon Gronowski, un petit Bruxellois de 11 ans, est raflé par la Gestapo avec sa mère. Après un mois passé à la caserne Dossin à Malines, ils sont poussés dans un train, de nuit. Ils ne le savent pas, mais ce convoi, le 20e, les emmène en Pologne, à Auschwitz. Ce convoi transporte plus de 1600 juifs, dont le destin est d’être gazés. Mais alors que le train roule vers sa macabre destination, brusquement, il ralentit. Des déportés ont réussi à débloquer la porte coulissante. La mère de Simon le glisse sur le marchepied. Il saute. Il est vivant. Après une nuit à courir dans les bois du Limbourg, il est recueilli par un couple de Belges. Il réussit à rentrer à Bruxelles, où il retrouve son père. Sa mère et sa sœur, raflée plus tard, ne reviendront jamais des camps. Le père de Simon meurt de chagrin à la libération. Simon reste seul. Il n’a que 13 ans.
« J’étais un petit paria, le jazz m’a sauvé »
Après l’Athénée, il entame des études de droit et devient avocat à 23 ans. Il ne parle à personne de son histoire. Sur le tard, il se met au piano, en souvenir de sa sœur Ita, excellente pianiste classique. Lui choisit le jazz. Il joue d’oreille. La musique le transporte, le sauve. Cet autodidacte est même invité par Woody Allen, qui a eu vent de l’histoire de Simon. Il jouera à Manhattan, au sein du groupe du réalisateur-clarinettiste.
Simon fonde une famille, a des enfants, des petits-enfants. Il ne se met à raconter son histoire que tard, après 40 ans de silence. Depuis, il se rend dans les écoles, et raconte, inlassablement. « Je ne refuse jamais aucune invitation », dit-il. Étrangement, il adore prendre le train. Il est retourné 5 fois à Auschwitz.
« Je lutte contre l’extrême droite, qui est le berceau du racisme et de la haine »
La haine, il ne la connaît pas. « C’est un sentiment qui vous rend malade », dit-il. « Et qui ne sert à rien puisqu’il ne vous ramène pas les êtres chers. » Par les détours de l’histoire et des rencontres, il retrouve un ancien gardien nazi de la caserne Dossin. Un waffen SS belge, qui l’a peut-être poussé dans le convoi de la mort. À l’agonie, cet ancien SS repenti implore le pardon de Simon. L’enfant du 20e convoi le lui accorde. « Je lui ai pardonné parce qu’il s’est repenti. C’est une condition indispensable. »
« Le pardon m’a guéri du statut de victime »
Âgé de 91 ans, l’œil toujours pétillant, Simon Gronowski milite pour éviter le retour de l’extrême droite. Il supplie les jeunes de convaincre leurs parents de ne pas voter pour ce courant vecteur de peur et de haine. « C’est à cause de ces gens-là que ma mère et ma sœur sont mortes dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau », dit-il gravement. Avant de rebondir : « La vie est belle, il faut l’aimer ! »
Par Françoise Wallemacq, Gilles Monnat et David Defontaine