A voir sur France 5, un portrait complet et inédit de Roman Abramovitch

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De la fin de l’URSS à la perestroïka de Gorbatchev, de l’affairisme des années Eltsine au retour de la dictature et de l’impérialisme, portrait de Roman Abramovitch.

C’est une enquête signée Stéphane Bentura sur le plus célèbre mais aussi le plus secret des milliardaires russes, Roman Arkadievitch Abramovitch. Dans « Le Monde en face », présenté par Mélanie Taravant, dimanche à 20.55 sur France 5.

L’air modeste et presque timide, le sourire facile, les costumes sans ostentation… Roman Arkadievitch Abramovitch, 56 ans, ressemble peu à l’image que l’on se fait d’un oligarque. L’homme d’affaires russo-israélo-portugais – dont la fortune s’évaluait en 2021 à 15 milliards et demi de dollars – était il n’y a pas si longtemps encore le milliardaire russe le plus people d’Occident (un club de foot anglais, des résidences à Antibes, Tel Aviv, New York, Saint-Barth…). Mais aussi le plus discret – il n’a jamais accordé d’interview – et le plus indéchiffrable. Malgré son apparence inoffensive, on le dit puissant, opportuniste et sans aucun scrupule. Ami, allié ou vassal de Poutine ? Pour certains commentateurs, il n’est pas seulement proche du Kremlin, il appartient au Kremlin. Aussi, l’irruption du quinquagénaire lors des premiers pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine n’a fait que renforcer le mystère qui entoure cet homme aux multiples visages. Le réalisateur Stéphane Bentura, ancien correspondant à Moscou, a enquêté pendant plusieurs mois sur les traces de Roman Abramovitch en Russie, en Lituanie, en Angleterre et au Portugal. Il a retrouvé des témoins, des archives inédites et des images rares qui dressent le portrait d’un animal politique habile et énigmatique qui ne cesse de brouiller les pistes.

Originaire de la république des Komis, dont l’histoire moderne épouse celle du goulag – puisque tout le monde ou presque y descend de déportés de l’époque stalinienne, Russes, Ukrainiens ou Juifs lituaniens, comme son père Arkady Abramovitch –, le futur oligarque profite de la libéralisation gorbatchévienne et de l’effondrement de l’URSS pour se lancer dans le marché noir, l’exportation sauvage de pétrole ou le commerce de jouets en plastique. Dans le chaos qui s’ensuit, le jeune homme, en s’acoquinant avec le magnat Boris Berezovski, intègre le clan de Boris Eltsine, qui met au enchères les biens de l’État, se maintient grâce aux banques, au pétrole et aux médias et choisit finalement d’amener au pouvoir un certain Vladimir Vladimirovitch Poutine, pensant sans doute le contrôler aisément. On sait quelle grossière erreur ce fut. Le clan sera laminé par le nouvel homme fort, les oligarques mis au pas, emprisonnés ou liquidés, Berezovski contraint de prendre la fuite, etc.

Abramovitch tire son épingle du jeu, change de clan, récupère une partie des biens de son associé, devient gouverneur du district de la Tchoukotka, une région pauvre et désertique dans l’extrême Nord-Est russe, qu’il administre en véritable entrepreneur. Son secret ? « La trahison », dira son ancien mentor lors d’un procès historique à grand déballage qui opposa Abramovitch et Berezvoski en Angleterre en 2012… six mois avant que le second ne soit retrouvé pendu dans sa salle de bains.

Roman Arkadievitch est surtout un formidable équilibriste, capable d’être à la fois un proche de Poutine et le financier du cinéma russe anti-régime (notamment celui de Kirill Serebrennikov) ou encore, lui, dont les ancêtres furent des Juifs ashkénazes de Lituanie, d’obtenir la nationalité portugaise en prétendant, grâce à un certificat de complaisance, que sa famille, séfarade, est originaire de la péninsule Ibérique ! Il se pourrait bien, cependant, que l’équilibre soit de plus en plus difficile à tenir et que sa proximité avec l’autocrate impérialiste du Kremlin se révèle bien encombrante pour le milliardaire dont la propriété à Londres est sous séquestre et les avoirs gelés, et qui a été contraint de revendre le club de football britannique de Chelsea pour la somme record de 5 millions d’euros – somme du reste gelée et destinée à de futures réparations de guerre. L’homme d’affaires a donc un intérêt tout à fait personnel à œuvrer pour la paix…

Abramovitch, un oligarque dans l’ombre de Poutine – Documentaire (2023 – inédit) – 76 min – Réalisation Stéphane Bentura – D’après une idée originale de Laurent Delahousse – Montage Franck Zahler – Production Magneto Presse – Avec la participation de France Télévisions

Diffusion dimanche 14 mai dans Le Monde en face, présenté par Mélanie Taravant, à 20.55 sur France 5 – À voir et à revoir sur france.tv