L’histoire d’une maison, refuge d’enfants juifs, enfin mise en lumière

Abonnez-vous à la newsletter

De juillet 1942 à février 1944, cette maison située à Poulouzat, à Condat-sur-Vienne, accueillit des enfants de 4 à 6 ans, ainsi que des jeunes filles juives chargées de les encadrer. Dévoilés le 8 mai 2023, un panneau et une plaque permettent à chacun de se souvenir.

Environ quatre-vingts ans plus tard, à Poulouzat, sur la commune de Condat-sur-Vienne, cette propriété privée située avenue de Limoges est désormais clairement identifiée comme ayant servi de refuge aux enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

“Maison de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE)”, est-il ainsi affiché sur une plaque, révélée lundi 8 mai 2023, en amont de la commémoration de la Victoire de 1945.

Une organisation dédiée aux enfants juifs étrangers

L’OSE est cette organisation de solidarité juive, créée en 1912 dans la Russie tsariste pour aider les familles victimes de pogroms, et qui se consacra ensuite aux enfants allemands, autrichiens ou polonais, chassés par les nazis et réfugiés en France. “Leurs parents avaient été raflés dans leur pays d’origine ou enfermés dans des camps français”, explique Claudine Fourgniaud, la présidente des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en Haute-Vienne (AFMD 87).

À partir de 1940, l’Œuvre de secours aux enfants a installé un certain nombre de homes, ou lieux d’hébergement, en Haute-Vienne et en Creuse, alors en zone “libre”, avec l’aval des autorités locales.

Une création tardive

“C’est pour décongestionner les maisons en place qu’une nouvelle création fut demandée en juin 1942 à l’administration. Le projet fut facilement accepté, car il avait deux avantages : celui de prendre en charge financièrement des enfants étrangers, réfugiés, par des fonds étrangers et non par la collectivité publique française, et celui de surveiller ces enfants et d’en connaître les noms dont les listes sont conservées aux archives”, a rappelé Claudine Fourgniaud.

La maison de Poulouzat fut donc ouverte, en juillet, pour une cinquantaine d’enfants en âge pré-scolaire, entre 4 et 6 ans. Afin de les « encadrer », quelque 40 jeunes filles juives de 16 à 18 ans y furent aussi embauchées comme « stagiaires » par le pédiatre Gaston Lévy, alors directeur de la pouponnière de Limoges, où étaient accueillis les plus-petits.

Une population solidaire

À Poulouzat, Robert et Ruth Job dirigèrent le refuge « de stricte observance », c’est-à-dire respectant les rites juifs et notamment la nourriture cachère. Ils étaient aidés dans leur mission par une équipe éducative, une cuisinière, un médecin.

Le personnel et les enfants furent dispersés dans l’urgence, début 1944, quand la maison de Poulouzat ferma face au risque d’arrestations.

La population locale contribua à les cacher, comme les époux Nouhaud, Marie et Pierre, des fermiers qui avaient approvisionné le refuge de l’OSE en lait, fruits et légumes. Ils reçurent en 1998 la médaille de Justes parmi les nations, pour avoir accueilli Bernard Schwartz et sa sœur Lore.

Une étape d’un chemin de mémoire

Toutes ces explications sont aujourd’hui données à quelques mètres de la maison, sur le parking de la salle Victor-Hugo, où un panneau commémoratif a aussi été dévoilé ce lundi. Y est détaillé le contexte, photos d’archives à l’appui.

Ce panneau fait partie d’un chemin de mémoire que l’AFMD 87 a commencé à mettre en place autour des maisons de l’OSE en Haute-Vienne. Un premier a été installé au château de Montintin, à Château-Chervix, en 2021, celui de Condat est le deuxième. Reste désormais à faire le même travail à la pouponnière de Limoges, rue Eugène-Varlin, et au château du Couret, à Saint-Laurent-les-Églises.

Ces panneaux ne sont “pas anodins”, alors que “l’ère des témoins s’achève”, a rappelé, lundi, Fabrice Escure, vice-président du conseil départemental, et président du Centre de la mémoire d’Oradour. La maire de Condat, Émilie Rabeteau, a déclaré la fierté de la commune d’être une étape dans ce circuit mettant en lumière un passé à “ne pas oublier”.

Texte : Hélène Pommier – Photos : Thomas Jouhannaud