Des Juifs alsaciens jetés vivants dans des puits en 1944, c’est aussi la Shoah

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Plus de 6 millions de Juifs ont été assassinés avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. L’Alsace compte plus de 4.000 Juifs, tués notamment dans des camps d’extermination en Allemagne. Dimanche 16 avril à Strasbourg, plusieurs personnes se sont relayées pour égrainer tous les noms de ces victimes alsaciennes et les sortir de l’oubli.

« J’ai une pensée très particulière pour les victimes de la tragédie de Guerry, originaires d’Ingwiller. Il y a eu une rafle à Saint Amand-Montrond en juillet 1944, et 36 hommes et 8 femmes vont être jetés vivants dans des puits. C’est aussi ça la Shoah. Ce n’est pas uniquement les convois et les centres de mise à mort. Et ça rentre dans notre histoire locale, alsacienne et nationale. »

Laurence Jost-Lienhard est professeure d’Histoire au lycée Adrien Zeller de Bouxwiller et elle a rappelé ce que signifie la Shoah : cette volonté des nazis et de certains miliciens français, d’exterminer tous les Juifs juste parce qu’ils étaient juifs. Et de nier jusqu’à leur existence, d’effacer les noms. « Je suis très émue« , continue cette professeure d’histoire. « Je pense à Gédéon, je pense à Mina, je pense à Salomon qui auraient pu disparaître totalement, oubliés complètement« .

Grâce au récit de Charles Krameisen, le seul rescapé de cette tuerie, les 44 corps sans vie et recouverts de ciment et de pierre furent retrouvés dans trois puits d’une ferme abandonnée, après la Libération. Ces Juifs alsaciens, ayant fuit la zone occupée et les rafles, ont été arrêtés par des miliciens français et la Gestapo en juillet 1944 à Saint Amand-Montrond dans le Cher (18), en zone « libre ».

Ces 44 noms ont été égrainés dimanche 16 avril, parmi les 4.000 noms des Juifs alsaciens dont on a gardé la trace. Certains sont connus, d’autre moins. Certains ne sont plus qu’un nom, une date de naissance, de déportation et de mort. Mais ces noms existent, et cette journée est là pour les dire à haute voix, les uns après les autres.

Comme les Stolpersteine, ces petits pavés de la mémoire, posés dans toute l’Europe, la journée de Yom Hashoah permet de nommer ceux que les nazis ont voulu nier. Un rempart contre l’oubli. Voici les noms de quelques Juifs alsaciens morts dans le Cher en 1944 :

Isaac Dreyfuss, né le 15 août 1859 à Soultz
Lucien Kahn, né le 4 décembre 1887 à Dettwiller
Mina Lévy, née Maïs le 10 ou 18 juin 1884 à Ingwiller
Michel Metzger, né le 21 février 1872 à Buswiller
Gédéon Weill, né le 14 juin 1893 à Ingwiller
Alphonsine Wolf, née Weill le 11 août 1891 à Strasbourg
Félix Wolf, né le 21 juin 1877 à Hoenheim

Laurence Jost-Lienhard a fini son discours par son travail d’enseignante, son travail pour la mémoire et contre l’oubli. « Quand je travaille avec mes élèves, je travaille avec la mémoire. Et je travaille aussi contre le racisme, contre l’antisémitisme. Et pour essayer que cette violence, extrêmement présente dans notre société aujourd’hui, puisse être jugulée et maîtrisée, et qu’elle ne s’exerce pas vers les autres. Et ça c’est extrêmement compliqués avec les moyens actuels, les réseaux sociaux. »

par Florence Grandon

Source francetvinfo

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