Israël : un Ukrainien acquitté du meurtre d’une adolescente, après un quatrième procès

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Un Ukrainien détenu depuis plus de seize ans en Israël pour le meurtre d’une adolescente a été acquitté jeudi 30 mars à l’issue d’un quatrième procès dans une saga judiciaire qui déchaîne les passions.

L’espace de quelques heures, l’affaire a totalement éclipsé la crise politique qui secoue le pays à propos de la réforme de la justice voulue par le gouvernement et conspuée dans la rue. Les chaînes d’information israéliennes étaient en direct du tribunal de district de Nazareth bien avant que la cour n’annonce avoir «acquitté […] l’accusé Roman Zdorov du meurtre de Taïr Rada».

«Justice est faite»

Au prononcé du verdict, retransmis par une liaison vidéo en direct, l’intéressé, entouré de sa femme et de son fils a fondu en larmes. «La vérité a fini par triompher», a-t-il déclaré en quittant le tribunal en homme libre. «Justice est faite, pour la première fois», a pour sa part déclaré à la presse Ilana Rada, la mère de la victime, accusant le ministère public d’avoir mal géré l’affaire et d’avoir fait condamner un faux coupable. «La prochaine étape est de commencer à chercher les meurtriers. Et nous savons où aller», a-t-elle lancé, sibylline.

Agée de 13 ans, Taïr Rada avait été retrouvée égorgée le 6 décembre 2006, baignant dans son sang dans les toilettes de son école à Katzrin, ville du Golan syrien occupé par Israël depuis 1967. Quelques jours plus tard, la police arrête Roman Zdorov, ouvrier du bâtiment marié à une Israélienne et employé pour un chantier dans l’école. Il est alors âgé de 28 ans.

Un pays sous le choc

Son procès, suivi partout dans un pays choqué par le meurtre brutal de l’adolescente, va durer quatre ans. Roman Zdorov avoue le meurtre et va même reconstituer le crime, avant de se rétracter. En 2010, il est condamné à la perpétuité pour meurtre avec préméditation. À la suite d’une nouvelle expertise sur le couteau utilisé pour le meurtre, la Cour suprême ordonne que l’affaire soit rejugée et le tribunal de Nazareth le déclare de nouveau coupable en 2014, décision confirmée l’année suivante par la Cour suprême.

Après le dépôt en justice de nouvelles preuves scientifiques par ses avocats, la Cour suprême ordonne en 2021 la réouverture du procès, qui s’est achevé jeudi par un verdict concluant à l’existence d’un «doute solide et raisonnable» sur la culpabilité de l’accusé, que le ministère public n’est «pas parvenu à démontrer» de manière irréfragable. L’emprisonnement de Roman Zdorov avait été converti en assignation à résidence peu après la dernière décision de la haute cour. Son acquittement a immédiatement relancé la polémique sur le meurtre de Taïr Rada.

Adeptes de la thèse de la culpabilité de l’Ukrainien et tenants de celle de son innocence ont publié des livres ou des films sur le sujet, à l’origine de théories de toutes sortes, dont certaines complotistes, d’autant qu’aucune empreinte de pas de Roman Zdorov n’aurait été retrouvée sur les lieux du crime, où auraient été relevées en revanche des empreintes non identifiées et des traces de sang d’une tierce personne. L’affaire a même pu toucher un public international après la publication de la série documentaire israélienne Shadow of Truth («L’ombre de la vérité») sur la plateforme de diffusion vidéo en continu Netflix.

«Atteindre la vérité»

Depuis le début de l’affaire, le parquet «n’a ménagé aucun effort afin d’atteindre la vérité», a affirmé le ministère de la Justice dans un communiqué publié après le jugement pour rappeler son intime conviction de la culpabilité de l’accusé. «Le Bureau du procureur va étudier en détail le verdict avant de décider ou non d’interjeter appel», ajoute le texte.

À peine refermée la parenthèse des émotions suscitées par la décision des juges de Nazareth, Simcha Rothman, le président de la Commission parlementaire des lois, un des principaux acteurs de la majorité sur le dossier de la réforme de la justice, a relayé sur Twitter un message voyant dans toute cette affaire «une nouvelle prouesse d’un système [judiciaire] qui n’est soumis à aucune procédure d’évaluation indépendante». Merav Michaeli, dirigeante du Parti travailliste, formation d’opposition aujourd’hui très minoritaire, a très vite dénoncé ces propos comme une tentative «cynique d’exploiter le verdict» de Nazareth à des fins politiques.

Source lefigaro