Marco Koskas à Tel-Aviv, par Patrick Besson

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Dans son nouvel ouvrage, l’écrivain nous livre en 64 chroniques une autobiographie tendre, un portrait amoureux de son paradis terrestre.

Marco Koskas n’a pas changé d’éditeur : c’est toujours lui. Sous l’appellation ironique Galligrasud. Où ont déjà paru Toutes les femmes ou presque (2019), Sentimental Oxymore (2021) et Best-seller mode d’emploi (2022). Naguère, Koskas fit scandale avec Bande de Français, roman polyphonique qui apparut sur la première liste Renaudot avant d’en être chassé sur la pression de certains libraires. Le livre était, en effet, distribué par Amazon. Ce qui est encore le cas du nouvel ouvrage de Marco : Tel-Aviv. Chroniques de la bulle. C’est l’autobiographie tendre d’un écrivain installé depuis onze ans, bientôt douze, dans la plus grande station balnéaire juive. La plage promise. L’auteur n’est pas religieux, c’est parce qu’il a plusieurs religions : la camaraderie, le sexe, la lecture, l’écriture, le vin, le rire. En 64 courts chapitres élégants et sensibles, il nous donne à voir son paradis terrestre. Le seul pays où, avant de faire l’amour, une jeune fille doit poser son arme.

D’abord parus sur Facebook, les textes de Tel-Aviv. Chroniques de la bulle racontent tout ce qui se passe dans la ville. Cette ville surnommée « la bulle », car c’en est une. Elle est à part. Ne dit-on pas, quand on ne fait rien, qu’on bulle ? Tel-Aviv est un jardin de la paresse où on bosse comme quatre. Les contradictions ne gênent personne, c’est quand il n’y en a pas qu’on s’inquiète : quelqu’un aurait-il oublié de prendre la parole ? Portraits de rue : une jeune femme russe qui ne parle pas l’hébreu prend soin d’un vieil Israélien qui ne parle pas le russe. L’auteur réenchanté par la lumière après une opération de la cataracte qui lui rend ses yeux d’enfant, mais néglige de rajeunir le reste. Et cette longue fille blonde et souriante qui, dans tous les bars, attend que le barman ait fini son service pour rentrer se coucher avec lui. Marco dit adieu à son vieux canapé en cuir qu’il a rapporté de Paris, puis le garde : a trop aimé dessus. La volatilité des commerces : à peine installés, plient bagages. La raison : les loyers sont trop élevés pour l’étroitesse des marges. Ouverture, à Florentine – le quartier où vit Koskas -, d’un petit cinéma de luxe où les billets ne sont disponibles que sur Internet. L’incongruité des vestes : il fait trop chaud en été et pas assez froid en hiver. Il y a aussi l’héritage : « Ici, c’est un pays d’origine kibboutznik. Pas communiste mais quand même collectiviste. »

L’auteur emporté par ses souvenirs romains de jeune pensionnaire à la villa Médicis : un déjeuner avec Alberto Moravia. Il a 29 ans, l’Italien en a 80, mais ils ont la même maîtresse, présente au repas. « Ce jour-là on a partagé une délicieuse pastaciutta, un délicieux moment aussi, mais je ne l’ai jamais revu par la suite. Sonia a disparu de ma vie, je suis rentré à Paris et Moravia est mort. » La mélancolie sèche de Marco, éclairée de-ci de-là par un joli petit coup de cymbales.

Par Patrick Besson