Avec sa nouvelle BD «Hitler», Pascal Croci poursuit son exploration de l’histoire

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Le Séveragais Pascal Croci vient de publier une bande dessinée consacrée à Hitler. Il est aussi l’auteur de nombreuses BD sur des sujets sensibles.

Pascal Croci n’aime pas la facilité. Il pourrait proposer des histoires sur des sujets simples mais il a choisi depuis toujours l’art de jouer les équilibristes sur un fil littéraire. Ainsi, dans les 18 ouvrages qu’il a publiés on trouve les thèmes de Tchernobyl, de l’anorexie, d’Auschwitz, du Christ et de manière plus légère l’imaginaire des vampires. Pourtant, Pascal Croci est un homme humble, courtois, s’exprimant de manière douce.

Il y a parfois de la naïveté en lui. Il le dit. Il l’explique.

 » Lorsque je passe devant la mairie du onzième arrondissement de Paris et qu’il y a à l’intérieur une exposition de dessins réalisés par des déportés des camps de la mort, je rentre. Je veux découvrir ce travail, le comprendre. Là, une ancienne déportée m’accueille. Je l’écoute. Je suis dans le respect, l’attention. On parle. Elle me demande ce que je fais dans la vie. Je lui réponds que je suis auteur de bandes dessinées. Elle trouve bien l’idée que la vie des déportés puisse être racontée dans une bande dessinée. Je comprends qu’elle veut que rien ne soit jamais oublié. Le support de la bande dessinée peut, selon elle, servir à ce projet. Je me lance alors dans ma bande dessinée . C’est ma forme de naïveté ».

En effet, la sortie de l’album, « Auschwitz », provoque des remous. « On a voulu savoir qui j’étais, ce que je voulais faire exactement car la bande dessinée possède une image de légèreté. Elle apparaissait à certains inadaptée pour évoquer un tel drame ». Bien des années plus tard, cette rencontre dans la mairie du onzième arrondissement de Paris, continue de hanter les dessins de Pascal Croci.

Sensibilité

Discuter avec cet auteur est découvrir un homme possédant de l’empathie. Il aime comprendre ce que dit son interlocuteur, lui rappelle des mots tenus lors de précédentes conversations. Pascal Croci emmagasine des images, des sensations. On le sent paralysé par la violence, la haine, les évolutions de la société. La peur n’est jamais très loin chez lui. Aussi en parlant de l’horreur , il exorcise ses démons. Ses démons peuvent être ceux de beaucoup. « Quand il y a eu la pandémie du Covid, j’étais en attente d’un vaccin ».

Marches solitaires

Au cœur des nuits qu’il aime à traverser en marchant de manière solitaire, Pascal Croci construit le scenario de ses livres. Il lui faut un an de travail pour concevoir ce travail de textes et de dessins. Il y a d’ailleurs dans ses planches une signature visuelle, un rythme qu’il a défini avec le temps. Tout son travail est réalisé sans l’aide de l’ordinateur. A l’ancienne, au crayon, aux couleurs appliquées avec soin ou tout en noir et blanc pour percuter le lecteur, l’amener à réfléchir.

L’ensemble est documenté, fignolé avec cette volonté de ne pas donner à celui qui le lit des vérités. On en revient alors à cette idée de sujets difficiles abordés par Pascal Croci. On pense par exemple au thème de l’anorexie. « J’ai rencontré par hasard une jeune femme qui souffrait de ce mal. Elle a su m’en parler en me touchant par sa souffrance et ses mots. J’ai voulu le raconter ». On précisera avec le moyen d’expression de Pascal Croci qui est le dessin. Son but; donner au lecteur un support pour découvrir, comprendre , s’interroger. Il est un fait, l’auteur aveyronnais a fait le choix d’enlever à la BD le sens léger qui la caractérise.

« Hitler » un documentaire dessiné

Pascal Croci consacre un album à Adolf Hitler qui pourrait être lu comme un travail journalistique dessiné. Bien dessiné car de nombreux tracé sont si proches d’une réalité morbide que l’on comprend le dessein de l’auteur, montrer du doigt l’horreur.  » Lorsque j’ai publié mon travail sur Auschwitz j’ai ensuite croisé de nombreuses personnes lors de dédicaces ou en étant invité dans des écoles. Là, j’ai pu me rendre compte que beaucoup de jeunes ignorent cette époque, ne sont pas intéressés car cette histoire est maintenant trop éloignée de la leur. Il m’est aussi arrivé de croiser des personnes niant la réalité des camps de la mort ».

Enfant de parents qui ont connu la deuxième guerre mondiale, Pascal Croci comprend que l’usure du temps efface beaucoup de choses. Aussi, dans son « Hitler », il évoque les débuts moqués d’un peintre rejeté, ses relations intimes et douloureuses avec une première femme qu’il a aimée et qui s’est suicidée. Pascal Croci s’interroge. « Si son premier amour ne s’était pas suicidé peut-être qu’Hitler ne serait jamais devenu ce qu’il a été ? » Ailleurs, dans son livre, Pascal Croci reprend des déclarations de tortionnaires tenues à l’occasion de leurs jugements. Il évoque cette garde douce et fragile en entrant dans un camp et qui en 4 jours se transformera en une gardienne dénommée, « ange de la mort ».

L’auteur interroge alors sur la soumission de gens à l’ordre puis à l’acceptation de l’indicible. Le travail de Pascal Croci n’est pas neutre. Il n’est pas simple non plus. Sa bande dessinée se lit, se regarde, bouscule. C’est un album qui raconte une très mauvaise histoire. Il se lit comme un documentaire dessiné. Le prochain ouvrage de l’auteur est consacré aux religieuses, un thème qui parle de femmes jugées pour sorcellerie. Encore un sujet compliqué.

Hitler – Sorti le 25 janvier 2023 – Editions Paquet

Source ladepeche