Un Français surarmé et nazi jugé pour un manifeste terroriste d’extrême droite

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Dominique Dayma, 60 ans, est jugé jeudi et vendredi par le tribunal correctionnel de Paris, notamment pour être l’auteur d’un manifeste accélérationniste, faisant l’apologie du racisme, de l’antisémitisme, de la violence et incitant ses lecteurs à «commencer la guérilla».

«Ce qui me préoccupe maintenant, c’est que j’espère que personne ne va être inspiré par ce que j’ai écrit.» Dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), en novembre 2021, Dominique Dayma semble prendre conscience de la violence et du racisme de ce qu’il partageait compulsivement sur ses différentes chaînes Telegram, une application de réseau social chiffrée, selon les éléments du dossier que Libération a pu consulter. Ce jeudi, le tribunal correctionnel de Paris va juger cet homme de 60 ans, employé aux espaces verts de la mairie de Montauban (Tarn-et-Garonne) et adhérant à une idéologie d’extrême droite particulièrement radicale. Il s’agit du premier Français poursuivi pour avoir rédigé un manifeste terroriste d’extrême droite qu’il a diffusé en ligne. Dominique D. est accusé de «provocation à l’action terroriste, apologie publique d’actes terroristes et détention illégale d’armes et de “matériel de guerre” en relation avec une entreprise terroriste». Il risque jusqu’à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende.

Dominique Dayma a été interpellé le 16 novembre 2021, un petit mois après l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet national antiterroriste après une alerte de la DGSI. Les agents du renseignement avaient identifié l’homme comme l’administrateur de chaînes Telegram faisant la promotion de l’accélérationnisme. Les adeptes de cette doctrine, notamment promue par les suprémacistes blancs et néonazis américains, souhaitent provoquer une guerre civile «dans un futur proche afin d’éviter la victoire des non-Blancs” du fait de leur supériorité numérique» à venir selon eux, résume la DGSI.

«En France, on ne lynche pas, on ratonne»

Obsession que reprend Dominique Dayma, évoquant en audition une «guerre civile» ou «ethnique» qui viendrait inéluctablement, selon ce convaincu de la théorie raciste et d’inspiration complotiste du pseudo-«grand remplacement». Interrogés par la DGSI, deux de ses collègues ont fait état de son islamophobie, sa sœur précisant qu’il aurait «voté FN aux dernières élections présidentielles». En audition, l’intéressé se dit proche des thèses développées par Eric Zemmour.

Dominique Dayma assume aussi son adhésion à la doctrine nationale-socialiste, ainsi qu’aux idées négationnistes de Robert Faurisson. L’exploitation de son matériel informatique a permis de découvrir une foule de contenus racistes et violents, comme un montage vidéo montrant des scènes de violences et se terminant par une image fixe : «En France, on ne lynche pas, on ratonne.» Dans ses publications, le pire de la littérature suprémaciste et néonazie, diffusée en français. De la documentation paramilitaire et des manifestes accélérationnistes, aussi. Il reconnaît d’ailleurs la paternité de l’un d’eux, où il fait l’apologie du racisme, de l’antisémitisme, de la violence et incite ses lecteurs à «commencer la guérilla». Mais aussi à se procurer des armes pour perpétrer «des assassinats ciblés». A longueur de posts sur Telegram, il prône le meurtre «des nègres», des «arabes», des «communistes» et des «juifs». Il glorifie les terroristes d’extrême droite Brenton Tarrant et Anders Breivik, qualifiés de «saints».

«Fantasme d’une guerre civile à venir»

Si l’enquête n’a pas permis de déterminer que Dominique Dayma avait des projets de passage à l’acte, il n’en reste pas moins que les forces de l’ordre ont mis au jour un arsenal impressionnant en perquisitionnant son petit pavillon : plus de 48 armes et des milliers de munitions. Le tout obtenu illégalement à partir de 2019, date à laquelle ce titulaire du permis de chasse avait vendu ses armes dûment déclarées pour «éviter qu’elles soient saisies par l’Etat». Une partie des nouvelles ont été achetées auprès de Didier B., adhérent RN vivotant du RSA et de son trafic. L’enquête a mis en évidence une activité «purement lucrative» et, si Didier B. comparaît également à partir de ce jeudi, c’est uniquement pour «acquisition et vente interdite d’armes et de munitions de toutes catégories, notamment “de guerre”».

«Mon client avait développé une sorte de “syndrome de Diogène” des armes, explique à Libération Me Séverine Lheureux, qui défend le principal accusé, Dominique Dayma, Il les accumulait plus qu’il ne les collectionnait.» Pour l’avocate, son client avait amassé un tel stock car il vivait dans «une crainte perpétuelle des attentats islamistes» et «le fantasme d’une guerre civile à venir». Quant à ses publications, elles relèveraient à la fois d’une «fascination pour la violence extrême», «d’une passion pour le survivalisme» et d’un engouement lié au fait qu’il avait développé autour de lui une petite communauté d’une centaine de fidèles.

«Perméable aux théories du complot»

Selon son conseil, Dominique Dayma s’était mis à Telegram suite aux recommandations diffusées sur Internet par le rappeur et youtubeur d’extrême droite Kroc Blanc, qu’il suivait assidûment. Il était d’ailleurs membre de la chaîne «Croquettes d’Occitanie» (les «croquettes» étant le surnom que se donnent les fans du vidéaste), qui rassemble ses adeptes dans la région. Cette chaîne et des dizaines d’autres similaires restent, selon nos informations, actives à ce jour sur Telegram et sont fortes pour certaines de plus de 1 000 membres. «Il a toutefois toujours refusé de rencontrer physiquement qui que ce soit», affirme l’avocate, qui décrit son client comme un homme particulièrement craintif et «perméable aux théories du complot».

Ce profil de «loup solitaire», ou du moins de radicalisé se formant dans son coin, Dominique Dayma l’a pensé et le revendique notamment comme un moyen de compliquer la tâche du renseignement. Dans son manuel, il donne ainsi des conseils de dissimulation, expliquent les enquêteurs, précisant par ailleurs que «les réseaux sociaux peuvent cependant être utiles afin de présenter une vie lisse et sans histoire». Soit celle de Dominique Dayma avant son interpellation, dont même les rares proches assurent n’avoir rien vu venir.

par Pierre Plottu et Maxime Macé