« Planet killers » : la traque des spécialistes de la fraude à la taxe carbone

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La nouvelle série documentaire de France 5 propose une plongée dans l’unité des écocides d’Interpol. Le premier épisode diffusé lundi, intitulé « Le Prince du carbone », est consacré à Cyril Astruc, fugitif français impliqué dans une arnaque à la taxe carbone.

« L’histoire du carbone, c’est l’histoire des Affranchis de Martin Scorsese qui a décidé de s’emparer du droit à l’environnement. » C’est ainsi qu’un journaliste, qui témoigne dans Le Prince du Carbone,dépeint une escroquerie hors norme 

ntre  et  d’euros sur le marché des quotas carbone. Instauré lors du protocole de Kyoto afin de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, ce marché entre en vigueur en 2005. Le principe: les entreprises sont autorisées à émettre annuellement une certaine quantité de CO2. Si elles n’atteignent pas le seuil maximum autorisé, elles peuvent vendre la différence à d’autres entreprises plus polluantes. En résumé, ceux qui polluent trop peuvent acheter des quotas carbone à ceux qui polluent moins. Autrement dit des permis de polluer.

Braquage environnemental

Les escrocs profitent de cette disposition réglementaire, devenue un nouveau marché financier lucratif, pour détourner de colossales sommes d’argent. Ils achètent des quotas de carbone hors TVA par le biais de sociétés fictives dans des pays étrangers, les revendent en France à un prix incluant cette fois la TVA et disparaissent avant que l’Etat ne leur réclame le remboursement de cette TVA perçue. Ces opérations illicites auraient coûté 1,6milliard d’euros à la France et 6milliards d’euros à l’Union européenne. Des sommes qui auraient dû servir à renforcer les moyens publics de lutte contre la pollution. De délinquance financière, cette fraude au CO2 devient une affaire criminelle, avec son lot d’extorsions, de règlements de comptes et d’assassinats… L’arnaque est finalement découverte en décembre 2009 par Europol, l’Office européen de police.

Cet épisode de la série intitulé Le Prince du carbone retrace la traque de Cyril Astruc, l’un des Franco-Israéliens accusés d’être impliqués dans ce « casse du siècle ». Il se volatilise en 2017 au début de son procès, alors qu’une grande partie de ses complices ont déjà été arrêtés, condamnés et incarcérés pour cette affaire. Interpol se lance à ses trousses mais n’arrive pas à l’attraper, bien que le lieu où le suspect a trouvé refuge semble être un secret de polichinelle pour nombre d’enquêteurs. A tel point que le réalisateur Martin Boudot parvient à le rencontrer à Tel-Aviv (Israël) en 2021, après un an de discussions via une messagerie chiffrée.

Lors de la rencontre, filmée en caméra discrète, Cyril Astruc tente de minimiser l’impact de cette faramineuse escroquerie. « Pour moi, l’outil était, déjà à la base, mal fait, affirme-t-il. Maintenant, c’est la facilité de se dire ‘Ce n’est pas seulement une fraude, c’est un truc qui a touché tout le monde, qui a fait du mal à tout le monde parce qu’on a touché l’environnement’. Moi, je ne vois pas en quoi cela a nui à l’environnement. (…) A un moment donné, moi, je ne suis pas Nicolas Hulot. » Quant à la question concernant une potentielle extradition vers la France, fataliste, Cyril Astruc rétorque: « Je la crains, mais c’est le jeu. (…) D’abord, moi, je suis condamné déjà. Ma peine, je la ferai en Israël (…). Le PNF (Parquet national français) ne me verra jamais en France (…). Si je dois crever quelque part, je crèverai dans une prison israélienne. »

« La pire forme de criminalité »

En 2019, Cyril Astruc, considéré comme l’une des têtes pensantes de cette fraude, est condamné à dix ans de prison et un million d’euros par la cour d’appel de Paris, qui a maintenu un mandat d’arrêt contre lui. Décrit comme un mégalomane patenté, aimant se mettre en scène, le Franco-Israélien continue à défier la police, même en cavale. « Il se permet même de narguer la police en postant une photo de lui avec cette phrase : Catch me, if you can (attrape-moi, si tu peux) », s’indigne, dans le documentaire, un officier de police de l’unité israélienne de lutte contre le crime organisé. Outre l’importance d’intensifier la poursuite de criminels environnementaux, qui font un tort considérable à la planète, le documentaire pose également la délicate question des conditions d’extradition entre Israël et la France, qui est en passe de disparaître. En effet, ces dernières années la coopération entre les polices des deux pays est de plus en plus payante, et le phénomène croît régulièrement.

Trafic d’espèces sauvages, pollution criminelle, trafic de bois, pêche et exploitation minière illégales sont autant de sujets que traitera la série documentaire Planet killers. Une criminalité contre la planète qui rapporterait près de 250milliards de dollars aux malfaiteurs selon Rory Corcoran, le chef du programme environnemental d’Interpol, qui se dit convaincu que « le crime environnemental est la pire forme de criminalité tant son impact sur notre planète est irrémédiable. » 

Le documentaire « Le Prince du carbone », réalisé par Martin Boudot, est l’un des épisodes de la série Planet killers. Il est diffusé lundi 23 janvier à 21heures sur France 5 et visible sur france.tv.

Isabelle Malin