Bobigny : l’ancienne gare de déportation ouvre ses portes au public

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Entre juillet 1943 et août 1944, 22 407 juifs internés au camp de Drancy, sont partis de la gare de Bobigny vers les camps d’extermination. Souvent mise en cause pour son rôle dans la Shoah, la SNCF a cédé, en 2011, le terrain de la gare désaffectée à la mairie de Bobigny, pour le devoir de mémoire.

La visite commence à l’entrée historique et se poursuit sur l’esplanade de la mémoire où se dressent 75 stèles à la mémoire de tous les convois de déportés juifs partis de France, dont 21 depuis Bobigny. Un choc pour la quarantaine d’élèves de 1re et de terminale venus de Montluçon (Allier) pour découvrir le site. « Ça peut paraître bête, mais se dire que des juifs sont passés par là, où on marche et ont été emmenés vers ces usines de la mort, c’est très poignant », confie un lycéen.

Bobigny, dernière étape avant Auschwitz-Birkenau

En 1943, l’officier SS Aloïs Brunner choisit la gare de Bobigny comme point de départ pour le dernier voyage vers les camps d’extermination, notamment Auschwitz-Birkenau, en Pologne. Le site réunissait en effet les conditions idéales pour mettre en œuvre la solution finale : « La gare de Bobigny était située au milieu des champs, plus discrète donc que la gare du Bourget, et pratique, car elle se trouve à 3 kilomètres seulement du camp de Drancy. Pratique aussi par sa grande taille, car elle permettait d’organiser facilement les convois » explique Adèle Purlich, directrice du mémorial.

Après la Seconde Guerre mondiale, le site reste en friche, loué par la SNCF à un ferrailleur qui l’utilise comme casse. Lors de son départ, en 2005, la ville de Bobigny achète le bâtiment des voyageurs pour 1 euro symbolique, et fait inscrire le reste du site à l’inventaire des monuments historiques.

4,5 millions d’euros pour rénover l’ancienne gare de déportation

En 2011, l’ancienne gare de déportation franchit une nouvelle étape : le président de la SNCF, Guillaume Pépy cède le terrain à la mairie, et reconnaît dans le même temps l’implication du groupe ferroviaire dans la déportation. La SNCF était « réquisitionnée« , « soumis(e) à l’effort de guerre nazi » a-t-il toutefois nuancé.

Dès lors, des travaux de dépollution sont lancés et la restauration de la Grande Halle des marchandises peut commencer. Viennent ensuite les travaux d’aménagement du site qui s’étalent de septembre 2020 à décembre 2022.

Au total, 4,5 millions d’euros sont investis pour restaurer l’ancienne gare de déportation. Les ministères des Armées, de la Culture, la SNCF et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ont, entre autres, participé au financement.

La gare, un lieu de mémoire

Sur le site, tout a été fait pour garder la topographie et les matériaux de l’époque. Les pavés qui mènent aux rails ont notamment été révélés puis restaurés. Ces pavés qui étaient empruntés par les autobus et les camions en provenance du camp de Drancy. « Ils venaient s’arrêter le long de la grande voie de chemin de fer où avait été formé, la veille, un convoi de déportation avec une locomotive et une vingtaine de wagons à bestiaux dans lesquels les juifs étaient embarqués de force », détaille Thomas Fontaine, historien et directeur du musée de la résistance nationale.

C’est ce qui fait le caractère exceptionnel de ce site : il est, en France, le seul exemple de gare ayant servi à la déportation dont l’état reste aussi proche de son aspect originel.

Entre juillet 1943 et août 1944, 22 407 hommes, femmes et enfants juifs sont partis de la gare de Bobigny vers le camp d’Auschwitz-Birkenau. Les témoignages de ceux qui ont survécu à ces convois de la mort sont désormais inscrits sur le parcours du mémorial.

Son inauguration officielle aura lieu le 18 juillet prochain. Cette date marque en effet le 80e anniversaire du départ du premier convoi parti depuis la gare de Bobigny. La commune ouvre depuis ce mercredi ce lieu de mémoire au public.

Écrit par Sophie Béchir