Vivienne Westwood est décédée, punk à jamais

Abonnez-vous à la newsletter

Figure de proue du punk, célèbre pour son excentricité toute britannique et sa vision engagée de la mode, Vivienne Westwood vient de disparaître.

Brexit is a crime ! » Le 17 février 2019, en pleine Fashion Week londonienne, dans une église du quartier de Westminster, c’est avec ces mots que les mannequins de Vivienne Westwood ont apostrophé l’assemblée – composée de journalistes et d’acheteurs. Le défilé mixte avait pris des allures de manifeste, les activistes s’étaient mêlés aux mannequins, et les slogans proeuropéens ou en faveur d’une mode durable et responsable avaient fusé. La créatrice s’est éteinte le 29 décembre, à l’âge de 81 ans.

Militante avant tout ?

Ce n’était pas la première fois que dame Vivienne Westwood – elle a été anoblie par Buckingham dès 1992 – passait un message politique. Par le passé, la créatrice s’était déjà prononcée en faveur de l’indépendance de l’Écosse, pour la liberté du cybermilitant australien Julian Assange ou contre le gaz de schiste. En 2015, elle s’est même rendue en char devant le domicile du Premier ministre, David Cameron, près d’Oxford. À noter également que les notes d’intention de ses défilés ont souvent fait figure de tracts.

Jusqu’au bout, la créatrice n’aura rien perdu de sa verve militante, félicitant l’action de Greta Thunberg ou encensant Jeremy Corbyn, le chef du Labour, en 2019. Pourtant, rien ne prédestinait Vivienne Westwood – née Vivienne Isabel Swire –, fille d’un manutentionnaire et d’une mère au foyer, originaire de Tintwistle, village de 1 400 âmes dans le comté du Derbyshire, à compter parmi les grandes voix de la mode. D’ailleurs, avant d’être styliste, la jeune femme avait d’abord embrassé une carrière d’enseignante.

La muse du punk

Il faudra attendre les années 1970 et sa rencontre avec son compagnon, feu Malcolm McLaren, manager du groupe pop rock britannique les Sex Pistols, pour que la jeune femme s’exprime dans le secteur de la mode. Le couple se fera d’abord entendre en ouvrant une boutique de vêtements au 430, King’s Road, à Londres, en 1971, qui changeait de nom – il s’appela ainsi Let it Rock, Sex, Too Fast to Live, Too Young to Die –, de décor et d’ambiance au fil du renouvellement des collections.

Là, leurs premières créations s’inspiraient de la rue en général et du vocabulaire punk en particulier : blousons de motard, tee-shirts troués, zippés, à messages – certains écrits à partir d’os de poulet cousus – ou rehaussés d’images plastifiées de pin-up ou de photos de cow-boys dénudés… Faisant du placement de produits avant l’heure, les Sex Pistols assuraient la promotion des vêtements du couple. C’est toujours associée à Malcolm McLaren – et ce jusqu’à leur séparation en 1984 – que Vivienne Westwood présente ses premiers défilés en son nom à partir de 1982.

Le virage néo-romantique

Cela commence à Londres avec la collection néoromantique « Pirates », qui remastérise les habits traditionnels des corsaires entre jeux d’imprimés, teintes dorées et fluidité. Ici, Vivienne Westwood délaisse l’esthétique punk pour s’intéresser aux costumes d’époque et faire naître ainsi de nouvelles idées. Et ce toujours avec la dose d’irrévérence, la part de glamour et de créativité débridée qui signent son style.

Dans cet élan, elle redonne vie sur le podium à des crinolines avec un défilé baptisé « Mini-Crini » (printemps-été 1985) ou aux corsets qu’elle revisite avec un imprimé tiré d’une toile du peintre du XVIIIe siècle François Boucher Daphnis et Chloé (1743). Elle fait aussi revivre les « cocottes » de la France du Second Empire avec la collection « Vive la cocotte » (automne-hiver 1995-1996), qui met en scène des femmes émancipées affublées de robes spectaculaires à lacets, soulignant les formes, et taillées dans un satin duchesse rose et bleu. Les références à la britishness ne sont jamais bien loin et jalonnent aussi ses défilés, entre recours au tartan, un Union Jack revisité et des kilts modernisés.

Si « british »

En 1996, sa collection automne-hiver « Tempête dans une tasse de thé » met en scène des créatures au maquillage volontairement outrancier vêtues de tailleurs asymétriques et d’étoffes écossaises. On se rappelle également de sa collection capsule à l’effigie de sa Majesté la reine Elizabeth II, imaginée à l’occasion de son jubilé de diamant, en 2012 – à noter par ailleurs que Camilla, la duchesse de Cornouailles, a plusieurs fois fait appel aux talents de dame Westwood à titre personnel – ou quelques années plus tôt, en 1989, de son propre look parodié façon Margaret Thatcher, alors Premier ministre, en une du magazine Tatler.

Le succès est au rendez-vous, les récompenses pleuvent – elle est ainsi désignée trois fois « Designer of The Year » (en 1990, 1991 et 2006) lors de la cérémonie des British Fashion Awards –, les biographies aussi, les lignes au sein de la marque se multiplient (Red Label, Gold Label, Anglomania et Man), le département parfum de la maison verra naître plusieurs jus (Boudoir, Libertine, Anglomania et Let it Rock) et les expositions à son sujet ne manquent pas (en tête la rétrospective du Victoria and Albert Museum en 2004 célébrant ses trois décennies dans le monde de la mode).

À jamais branchée

Si les années 2000 se placent davantage sous le signe d’une mode politiquement responsable, Vivienne Westwood – désormais épaulée par son mari et collaborateur Andreas Kronthaler, de vingt-cinq ans son cadet – ne perd pas pour autant son aura créative, voire branchée.

On se souvient qu’en 2018 le designer italien Riccardo Tisci, à peine nommé à la direction artistique du mastodonte anglais Burberry, avait choisi de faire appel à elle pour signer une collection en édition limitée. Ensemble, ils avaient décliné des pièces iconiques du vestiaire punk de Vivienne Westwood dans le célèbre tartan Burberry.