Hanoukka, par Eliette Abécassis

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Dans sa chronique, la romancière Éliette Abécassis revient sur l’histoire et la signification de la fête juive de Hanoukka.

J’aime la fête de Hanoukka qui surgit au milieu de l’hiver lorsqu’il fait sombre. J’aime voir les bougies s’allumer une à une pendant huit jours, en même temps que celles qui célèbrent la fête de Noël. Tous les jours, on les allume sur les ménorahs, afin de se souvenir.

Il y a plus de deux mille ans, la terre d’Israël était envahie par le peuple des Séleucides et le roi Antiochos III, roi de Syrie, qui régna de – 222 à – 186. À sa mort, son fils Seleucus IV, puis son frère Antiochos IV dominèrent le pays et opprimèrent les juifs. Antiochos était surnommé « Épiphane », ce qui signifie « aimé par les dieux », mais les juifs l’appelaient Épimane, « le fou ». Nombreux furent les martyrs, les massacres, et terrible fut la barbarie. Nombreux furent les familles, les femmes, les enfants, massacrés au nom de l’intolérance religieuse et de la soumission imposée par la terreur d’un régime qui cherchait à perdurer en supprimant ses opposants.

Ainsi, Antiochos Épiphane IV fit abolir les lois juives telles que le shabbat, la circoncision et les lois alimentaires, qui étaient interdits sous peine de mort. Il prit aussi le temple construit par Salomon qui accueillait les fidèles, tous les jours ainsi que les jours de fête, et le shabbath où on cesse toute activité pour lire le rouleau de la Torah. Le roi démit le grand-prêtre Yo’hanane de ses fonctions et il installa à sa place son frère Joshua, un helléniste qui voulait imposer les coutumes grecques aux juifs et les déjudaïser. Son armée mena une guerre terrible à ceux qui s’opposaient à lui. Il fit brûler les rouleaux de la Torah et il contraignit les juifs à manger du porc. Ceux qui refusaient de lui obéir étaient torturés, et tués.

Mais un jour dans le petit village de Modiine en terre d’Israël, un vieux prêtre nommé Mattatia et ses fils se soulevèrent au péril de leur vie contre les officiers et les soldats syriens. À eux seuls, ils formèrent une armée, depuis les collines de Judée. On les appela les « Maccabées », selon les initiales : « Mi Kamokha Baélim Hachem », « Qui est comme Toi parmi les puissants, ô Dieu ». Judas Maccabée, le troisième fils du prêtre Mattatia, est le héros de la révolte des Maccabées contre la domination des Séleucides.

Pour les combattre, Antiochos envoya une armée de plus de 40 000 hommes, mais les Maccabées, avec leur armée et le soutien de la population, leur foi et leur détermination, se battirent et ils vainquirent. Ils libérèrent Jérusalem. Ils arrivèrent à l’endroit le plus sacré pour les juifs, trouvèrent le temple profané et paganisé par l’envahisseur, et ils voulurent rétablir le culte de Dieu. Mais il n’y avait plus rien. Tout avait été souillé et pillé à l’intérieur du tabernacle. Ils trouvèrent cependant une ménorah, le chandelier à sept branches qu’on allumait tous les jours de la semaine, mais il n’y avait pas d’huile pour l’allumer. Sauf une petite cruche d’huile d’olive pure, qu’ils allumèrent, et celle-ci, miraculeusement, dura huit jours.

C’est pourquoi aujourd’hui, on allume les bougies, chaque soir, afin de se souvenir de cette révolte. Hanoukka, fête joyeuse, célèbre l’espoir de tous ceux qui, au péril de leur vie, se révoltent contre l’oppresseur, et c’est pour ne pas les oublier qu’il faut allumer les bougies au cœur de la nuit, afin de se souvenir de leur nuit. Et en ces temps de guerre où l’oubli nous guette, où tout va si vite, où l’oppression, la domination et la terreur envahissent le monde, il est important de se souvenir.

La fête de Hanoukka commence cette année dans la soirée du dimanche 18 décembre jusqu’au lundi 26 décembre 2022. Quel est le sens de cette fête juive ? Ainsi, chaque soir, on allume une bougie en plus. Le premier soir, une, le deuxième, deux, et ainsi de suite jusqu’au huitième jour, où on allume huit bougies. Cette illumination qui commence timidement, et monte en puissance, est un symbole fort, tout comme la hanoukkia, ce chandelier à huit branches que l’on trouve dans les synagogues, que l’on voit sur les gravures et les sculptures, comme celle du forum de Rome où elle est figurée, transportée par des esclaves, telle que Titus la rapporta du Temple après qu’il l’eut saccagé. Comme s’il voulait empêcher le souvenir et capter la lumière.

Car la flamme qui grandit est porteuse d’espoir, chaque jour, lorsqu’on allume une bougie de plus. C’est ainsi que la lumière progresse, petit à petit, non pas d’une fois pour s’imposer mais progressivement, de jour en jour, d’heure en heure, de cri en soulèvement, de soulèvement en manifestation, de manifestation en révolte jusqu’à la révolution. Ce n’est pas un grand soleil qui éclaire ceux qui s’y risquent, c’est une petite étincelle, mais en se propageant elle peut mettre le feu et changer le monde.

Eliette Abécassis

Source la-croix