Yonathan Arfi, nouveau président du Crif, veut incarner « un message positif du judaïsme

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Le nouveau président du Crif de France participera à un débat ce mardi 8 novembre à Montpellier à l’invitation de l’Institut Maïmonide. Il évoquera la place actuelle des Juifs en France.

Vous avez été élu à la tête du Conseil représentatif des Institutions juives de France (Crif) fin juin. Dites-nous en un peu plus sur vous.

Vous avez des attaches dans la région ? 

Je suis né à Toulouse, j’ai vécu enfant, deux ans, à Montpellier. Cette région est importante pour moi. Mes grands-parents et ma tante vivent encore à Toulouse. Le frère de ma grand-mère était Alfred Nakache qui est un très grand nageur déporté pendant la guerre et qui a vécu à Sète où il est enterré.

L’Institut a une réputation extrêmement forte. C’est un des lieux de réflexion d’un judaïsme ouvert sur la société qui travaille sur le vivre ensemble. Ça me paraissait naturel d’y intervenir. Ce qui se passe à Montpellier est important. C’est un laboratoire des problématiques qu’on rencontre dans la société française.

Cet Institut est un bon outil pour lutter contre l’antisémitisme selon vous ? 

Pour lutter contre l’antisémitisme et toutes les formes de haine, il faut se battre contre l’ignorance. L’Institut Maïmonide s’adresse à tous et constitue un lieu de partage de connaissance et de rencontre. La France a la mémoire courte. La société oublie ses valeurs fondatrices. Je pense à la question de la laïcité qui est parfois galvaudée, au cadre républicain perçu comme coercitif alors qu’il assure une liberté à tous. Il y a besoin de pédagogie. C’est ce que fait l’Institut Maïmonide pour construire la société de demain.

Quelles seront les priorités de votre mandat ?

J’ai trois priorités principales. Le combat contre l’antisémitisme et toutes les formes de haine. Les Français juifs ont été frappés par une recrudescence des actes antisémites depuis les années 2000. Cela les a amenés parfois à douter de la société française. Mon objectif c’est de restaurer la confiance en l’avenir en luttant contre l’antisémitisme notamment sous ses formes contemporaines : l’antisionisme, le complotisme ou l’islamisme. La deuxième chose c’est d’installer un dialogue entre le Crif et la société civile française dans son ensemble. Il est important d’avoir un dialogue horizontal pour que les Français juifs soient mieux connus. La troisième priorité est d’incarner un message positif du judaïsme. Être juif ce n’est pas qu’être anti antisémite. C’est le partage avec les concitoyens des valeurs qu’on veut transmettre aux générations futures. Il faut réancrer le judaïsme dans son histoire. Montpellier est intéressant en cela car la ville a une histoire très ancienne.

Une baisse de 25 % des actes antisémites a été enregistrée durant les six premiers mois de l’année. Cela est de nature à vous rassurer ?

Ces chiffres doivent être relativisés. 2022 n’est pas terminée. Ces chiffres correspondent aux données après les plaintes enregistrées en commissariat. Or beaucoup de gens ne portent pas plainte. On ne parle que de la partie émergée de l’iceberg. Comme pour les violences faites aux femmes, le racisme, l’homophobie et autre. Une grosse part de la haine antisémite s’exprime sur les réseaux sociaux. Ils sont en pleine recrudescence et les gens portent peu plainte. Il faut regarder la nature des actes. Il y a une baisse des menaces mais les agressions physiques n’ont pas baissé.

La communauté juive est-elle toujours aussi inquiète que lors des attentats de Mohamed Merah ?

Elle a été traversée par un très grand sentiment d’isolement dans la société française au début des années 2000. On avait l’impression qu’elle ne percevait pas la réalité de l’antisémitisme qui frappait ni que ce qui menaçait les juifs menaçait la société entière. Nous étions un baromètre de l’état de la société. L’antisémitisme est un marqueur républicain qui permet de mesurer l’état de santé démocratique. Après les attentats de Toulouse et de l’Hypercacher, on a pensé que l’avenir était sombre pour les Juifs en France. Il a fallu une prise de conscience nationale, après les attentats du Bataclan pour que les Juifs retrouvent un sentiment d’appartenance à la photo de famille.

Quel lien la France doit entretenir avec l’Etat d’Israël selon vous ?

Ce sont deux très grandes démocraties avec des valeurs partagées. Le bateau Exodus est parti du port de Sète. Votre région est emblématique de ce lien historique qui unit la France à Israël. La France a soutenu l’Etat d’Israël dans des heures compliquées. Je souhaite que l’avenir de cette relation s’inscrive dans cette histoire. Israël est la seule démocratie au Proche-Orient et doit entretenir un lien privilégié avec la France. Je souhaite que la France prenne sa part dans la signature de nouveaux accords comme l’accord maritime entre la France et le Liban il y a quelques semaines. La France peut être un contributeur positif entre Israël et un certain nombre de pays arabes.

Le devoir de mémoire de la Shoah sera-t-il aussi une de vos priorités ?

Bien sûr. Le Crif est né de la résistance juive pendant la guerre en 1943 dans la clandestinité. Il y a une perpétuation de la mémoire de la Shoah au cœur de l’institution. Nous devons veiller au risque d’instrumentalisation et de récupération. Cela peut venir des négationnistes qui nient l’histoire. Nous devons nous méfier de ceux qui veulent relativiser l’histoire de la Shoah et tous ceux qui veulent l’instrumentaliser. Aussi bien à l’extrême-droite qui a tenté de se refaire une virginité sur ces questions mais aussi l’extrême-gauche qui se saisit de la mémoire de la Shoah en voulant compenser son hostilité à Israël et au sionisme. La mémoire est un message adressé à l’ensemble de la société. il ne concerne pas seulement les descendants directs de victimes. Nous avons toujours des leçons à en tirer sur la prévention des génocides, de la préservation des démocraties.

Quel regard portez-vous sur la laïcité en France ?

Je suis toujours choqué quand j’entends des gens considérer que la laïcité comme une voie liberticide. C’est une voie de protection et de liberté. Elle a permis aux juifs de France de trouver leur place dans la société. Elle incarne un projet d’émancipation, d’esprit critique et c’est fondamental à l’heure où l’obscurantisme religieux gagne. Cela passe par une école publique efficace et l’affirmation de valeurs républicaines.

Débat sur « L’avenir des juifs en France », en présence de Yonathan Arfi, mardi 8 novembre à 18 h 30, salle Pétrarque à Montpellier. Entrée libre.