Miaou? Oui, les chats comprennent qu’on s’adresse à eux

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Selon une étude française, les félins domestiques font la différence entre les phrases destinées à d’autres humains et l’intonation niaise qu’on adopte pour leur parler. Mais ils ne s’intéressent qu’à la voix de leur maître.

«Oh mon nounours, tu fais dodo à moitié sous la couette ? T’avais froid à tes petites papattes ?» Le nounours en question ne dort pas vraiment – il vient de bouger une oreille dans notre direction et se met à ronronner. «Oh mais oui, tu sais que je parle de toi, hein ma crevette poilue ?» Bien sûr, qu’il sait qu’on parle de lui. Les chats reconnaissent très bien la voix débile que prend leur humain de compagnie pour s’adresser à eux, et c’est désormais scientifiquement prouvé.

«La façon dont les chiens réagissent au discours qui leur est adressé a soulevé l’intérêt des scientifiques. Mais on en sait beaucoup moins sur la façon dont les chats perçoivent le discours qui leur est adressé», notent Charlotte de Mouzon, Marine Gonthier et Gérard Leboucher dans leur étude, publiée ce mardi par la revue Animal Cognition. Ces trois éthologues français ont voulu savoir si les félins domestiques savent faire la différence entre les phrases que s’échangent des humains adultes entre eux, et les phrases qu’ils leur destinent à eux, animaux.

Comme quand on parle aux bébés

Ils ont réuni 16 étudiants à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), avec leurs chats respectifs. Les félins ont été placés dans une pièce non familière mais accueillante (un dortoir de l’école converti en labo d’éthologie pour chats, avec des cachettes, des jouets, des litières…). Ils étaient en compagnie de leur humain, silencieusement assis à côté d’eux, pour se sentir en confiance. Puis les chercheurs leur ont passé des enregistrements sonores.

Dans l’une des expériences, c’est la voix de leur «maître» qui posait cinq questions d’affilée, comme «est-ce que tu veux jouer ?», mais les trois premières étaient prononcées avec un ton standard de conversation entre humains, puis la quatrième phrase était dite comme si on s’adressait directement au chat – avec un ton plus aigu et des intonations particulières, comme quand on parle aux bébés. Et la cinquième phrase revenait au ton «entre humains». Résultat : les chats se sont progressivement désintéressés des phrases jouées par le haut-parleur, mais leur intérêt a fait un bond quand ils ont entendu l’intonation niaise de la quatrième phrase.

Pour mesurer l’intérêt des chats, nos trois chercheurs ont surveillé et compté quelques signes objectifs – tourner la tête ou les oreilles vers l’origine du son, ou faire une pause dans leur toilettage – pour leur attribuer un score de 0 à 20. Leur intérêt était de 13 en moyenne au début des enregistrements. Il a chuté jusqu’à 4 /20 au bout de trois phrases, et a bondi à 14 pour la phrase qui leur était destinée.

Intonation bêtifiante

Une autre expérience prouve que les chats ne s’intéressent qu’aux bêtises baragouinées par les personnes dont ils sont familiers, mais pas à celle des étrangers. Quand on a joué aux félins de Maisons-Alfort la même série de phrases prononcées par une voix inconnue, ils s’en sont lassés en laissant le score d’intérêt tomber à 5 en moyenne, mais il n’y a eu aucun regain de réaction avec la quatrième phrase et son intonation bêtifiante.

Ce comportement diffère de celui des chiens, qui comprennent qu’on s’adresse à eux-mêmes en provenance d’étrangers. Peut-être parce qu’ils ont davantage l’habitude d’être promenés et d’entendre de nombreuses voix différentes, suggère Charlotte de Mouzon dans le magazine Science. En tout cas, comme les chiens, les chats semblent attachés par un lien particulier aux humains qui s’occupent d’eux au quotidien.

par Camille Gévaudan