Gad Elmaleh réalise « Reste un peu », « déclaration d’amour » à ses parents

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Gad Elmaleh est venu présenter, au Festival International du Film de La Roche-sur-Yon, son dernier film « Reste un peu » en avant-première. A l’issue de la projection, nous avons rencontré l’acteur-réalisateur d’un film très personnel.

Gad Elmaleh, dans votre dernier film « Reste un peu », vous jouez votre propre rôle : un Gad qui revient des États-Unis pour se convertir à la religion catholique. Pourquoi avoir eu envie d’aborder le thème des religions ?

Les Etats-Unis, ça a été un moment très important pour moi, une bulle. Pendant cette période américaine, j’ai essayé de sortir de ma zone de confort, de prendre des risques, de changer. Ça a été non pas une conversion mais un séisme dans ma carrière. Ça a été un vrai bouleversement, mais pas comparable à ce que l’on peut vivre dans la religion et dans la foi.

Et j’ai choisi d’aborder le thème de la conversion parce que je me suis aperçu que j’aimais et que  j’étais passionné par les religions, par toutes les religions, par toutes les appartenances. Pour différentes raisons.

De par mon chemin personnel, j’avais côtoyé différentes religions, l’islam, le judaïsme et le christianisme. Je dis côtoyer, pas pratiquer. J’ai grandi dans un pays musulman arabe qui est le Maroc, à l’intérieur d’une communauté juive, séfarades, pratiquantes, traditionalistes et également avec des catholiques. Le Maroc est une terre de tolérance assez unique, assez singulière avec un modèle dont peuvent s’inspirer beaucoup de pays.

La raison pour laquelle il y a cette tolérance et cette fraternité au Maroc, c’est parce que les gens se connaissent. En France, on parle de laïcité certes. Mais j’ai toujours pensé que la laïcité ne devait pas éclipser la spiritualité, la foi, les appartenances, les communautés. J’avais envie de parler de la religion en France sans que ça crispe, sans qu’on vienne parler de religion uniquement quand il y a un problème, quand il y a des tragédies

On ne peut pas faire du vivre-ensemble si on ne se connaît pas, si on ne va pas à la source. Donc moi je vais à la source : c’est quoi cette foi ? C’est quoi ces religions ? La conversion, le thème me passionne. Ajoutez à cela mon chemin personnel, ça me passionne… et je fais des études de théologie en parallèle donc je suis à fond.

Est-ce difficile de parler de religion, aujourd’hui, en France ?

Difficile, ce n’est pas le mot, mais il faut s’attendre à une crispation. Je ne sais pas si elle est légitime, mais elle est compréhensible avec le passé de la France avec la religion, avec le passé des communautés qui font partie de la population française et des religions. Mais je voulais en parler avec la lumière, en parler avec la paix.

Je voulais présenter l’Eglise, les hommes et les femmes de la communauté catholique avec de la lumière et pas uniquement aux travers des dérives, ce qui n’empêche pas de les condamner. Je voulais présenter le judaïsme aussi dans le film comme une sagesse avec beaucoup d’humour avec beaucoup de profondeur… Et montrer le parcours de Mehdi, ce jeune musulman dans le film qui va vers le catholicisme. Je voulais que ce film soit un grand rassemblement de gens qui cherchent. Moi, j’aime bien les chercheurs, je n’aime pas les trouveurs ! (sourire)

Il y a déjà eu des comédies françaises sur la religion, sur la mixité sociale, sur les différentes cultures. Ça a été difficile d’être plus sérieux en abordant ce thème ?

J’ai fait partie du casting d’une comédie que j’adore « La vérité si je mens ». Les scénaristes, Michel Munz et Gérard Biton, et Thomas Gilou, le réalisateur, avaient choisi d’aller plus vers le culturel, l’accent, le parler, les vêtements, les coutumes, les traditions. Ils n’ont pas abordé la religion. Là, j’avais envie d’aller vraiment sur la foi, sur ceux qui croient. C’est vraiment quelque chose qui me travaille. Alors, vous dire que ça a été facile ? Non. J’ai eu de l’appréhension. Je savais que ce n’était pas la chose la plus confortable.

Dans le film, il y a un prêtre, une religieuse, une rabbin. Comment se sont passés les échanges avec tout ce monde.

Je ne savais pas qu’ils allaient jouer dans le film. Au départ, ils étaient consultants seulement. Puis, au fil du temps, je me suis dit que pour célébrer une messe, par exemple, il n’y a rien de mieux que prendre deux caméras, les mettre dans l’église et filmer la messe. C’est le côté cinéma-vérité que j’aime.

Et ce sont aussi vos vrais parents, votre sœur, votre meilleur ami qui jouent leur propre rôle.

Ce film est aussi une déclaration d’amour à mes parents. Je n’ai pas eu à les convaincre, ils étaient assez partants. Mon père avait déjà eu des rôles dans des films. Ma mère n’a jamais joué mais elle est douée. Je pense qu’elle est même un peu plus douée que mon père.

Je vais vous raconter une anecdote. Le premier jour de tournage, ils sont tous les deux dans le cadre, dans le lit. Ma mère fait sa réplique comme une première de la classe et mon père doit enchaîner derrière. Mais au lieu ça, il est dans la lune, rien. Et là, en plein tournage, ma mère lui donne un coup de coude et lui dit « C’est à toi ! »

Je dis : « Coupez ! Maman, tu ne peux pas faire ça, on est en train de tourner, ça va se voir. » Et elle qui me répond : « C’est toi ! Tu me dis que c’est la vérité, qu’on est tes parents. C’est la vérité, ça aussi. »

Ça illustre l’ambiance qu’il y avait sur le film, c’était assez léger. C’était assez doux.  Et il y a toujours des moments drôles quand la frontière est très fine entre la réalité et la fiction.

Justement, dans ce film, vous jouez un Gad, la cinquantaine, qui se cherche. Est-ce que vous êtes aussi dans cette crise de la cinquantaine ?

Totalement dans cette crise, dans cette quête, dans cette volonté de changer les choses, dans des prises de résolution, dans une quête de sens avant tout. Je pense que la période qu’on a vécu, avec le COVID, les différentes crises, nous a guidés vers une forme de recherche de sens, de vérité.

Tout le monde parle de ce qu’on vit d’une manière un peu extérieure, comme le télétravail, mais tout ça, ce sont des choses où les gens finalement essaient de se reconnecter, d’être proches de leur famille, d’être proches de valeurs.

On est anesthésié avec la folie du boulot. Il faut qu’on soit rentable, il faut qu’on soit productif et forcément, on oublie parfois certaines valeurs. Désormais, je veux passer plus de temps avec ma famille. Je veux chercher du sens.

J’ai un ami qui m’a dit, en voyant le film, que c’est l’histoire d’un fils qui dit au revoir à ses parents et j’étais assez d’accord. En fait, ce fils décide de poursuivre son chemin et en même temps il rend hommage. Moi, je rends hommage à mes parents. C’est aussi une histoire de famille, une déclaration d’amour. »

Rendez-vous dans les salles le 16 novembre pour « Reste un peu », de et avec Gad Elmaleh, avec également Régine Elmaleh et David Elmaleh.

Écrit par Fabienne Béranger et Damien Raveleau.