Quand Spirou croise Felix Nussbaum et les victimes de la Shoah

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Quel rapport y a-t-il entre Spirou, personnage de bande dessinée, grand héros belge, et le peintre juif allemand Felix Nussbaum, assassiné à Auschwitz ? La tétralogie L’Espoir malgré tout, d’Émile Bravo, dans laquelle fiction et réalité, petite et grande histoire se croisent. Mais aussi une exposition, du 9 décembre 2022 au 30 août 2023, au Mémorial de la Shoah, à Paris.

Le dessinateur Émile Bravo, dans sa tétralogie L’Espoir malgré tout, fait se rencontrer Spirou, personnage de fiction, avec cette figure réelle, victime de la Shoah. Parfaitement documenté, Bravo décrit les conditions de survie du couple d’artistes juifs allemands que forme le peintre avec son épouse, et intègre Spirou dans leur quotidien précaire.

Un véritable chef-d’œuvre qui a reçu le Fauve d’Or de la meilleure série, à l’occasion du 49e Festival de la Bande dessinée d’Angoulême.

Suite à la sortie du quatrième et dernier tome de la série paru le 20 mai 2022 aux éditions Dupuis, qui fêtent leurs 100 ans cette année, le Mémorial de la Shoah retrace la rencontre Spirou/Nussbaum dans une exposition à découvrir à partir du 8 décembre 2022.

À travers la confrontation des planches du Spirou d’Émile Bravo, d’œuvres originales de Felix Nussbaum, de documents d’archives et d’images fixes et animées, cette exposition permet de comprendre l’Occupation de la Belgique : son administration, sa vie quotidienne, l’attitude de sa population à la fois résistante, opportuniste, collaboratrice ou encore résignée et les persécutions contre les Juifs en Belgique.

La rencontre fictive entre Spirou et le peintre méconnu, figure de la Nouvelle Objectivité, Felix Nussbaum et de sa femme Felka, déportés en 1944 à Auschwitz, entraîne le personnage de bande dessinée dans la tourmente de la Shoah.

Il découvre les déportations des Juifs depuis la Belgique et notamment de la Kazerne Dossin à Malines, principal lieu de départ des convois des Juifs déportés de Belgique et du Nord-Pas de Calais.

L’exposition replace également Spirou dans ses origines réelles. En effet, Spirou, c’est aussi un hebdomadaire créé en 1938, dont le rédacteur en chef, Jean-Georges Evrard dit Jean Doisy, est engagé dans diverses structures antifascistes depuis plusieurs années. Dès 1940, il intègre le Front de l’Indépendance, utilisant le journal et surtout le théâtre de marionnettes le Farfadet (qui inspirera Émile Bravo) comme couverture à ses actions de résistance.

Il recrute notamment pour le Comité de défense des Juifs, Victor Martin, « l’espion d’Auschwitz », et Suzanne Moons, alias « madame Brigitte », qui sauve à elle seule plusieurs centaines d’enfants juifs belges. Ses fonctions de rédacteur en chef du Journal de Spirou lui permettent d’établir un lien privilégié avec les dizaines de milliers de lecteurs à qui, chaque semaine, il enjoint de tenir bon face à l’adversité. Certains suivront ses conseils et intégreront les rangs de la résistance.

La série L’Espoir malgré tout d’Émile Bravo interroge la notion d’héroïsme, d’engagement, d’humanité, de solidarité, de justice, Spirou devenant le témoin de la guerre et de l’Occupation en observant comment les individus s’organisent et les ressorts d’une résistance face à l’injustice.

Le commissariat scientifique de l’exposition est assuré par Didier Pasamonik, et le commissariat général par Caroline François, chargée des expositions.