Comment « Le Petit Nicolas » est né des enfances cabossées de Goscinny et Sempé

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« Le Petit Nicolas, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? », en salles mercredi 12 octobre, montre comment Sempé et Goscinny ont puisé l’inspiration dans leurs blessures intimes pour créer le personnage du petit garçon espiègle, meilleur copain de plusieurs générations de lecteurs.

D’un côté un gamin battu, monté à Paris ses croquis sous le bras; de l’autre un exilé dont la famille a été meurtrie par l’antisémitisme : pour Goscinny comme pour Sempé, créer le Petit Nicolas fut un moyen de panser ses plaies. Le processus créatif à l’origine du petit héros incontournable de la littérature jeunesse, est au coeur du film Le Petit Nicolas, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?, en salles mercredi 12 octobre.

Pour ce long-métrage d’animation qui s’adresse avant tout aux adultes, les réalisateurs Amandine Fredon et Benjamin Massoubre ont pu rencontrer Sempé avant son décès survenu cet été, 45 ans après celle de René Goscinny.

« La création du Petit Nicolas est une histoire de résilience »

Loin de la France idéalisée des années 1950, leur film montre comment ils ont puisé l’inspiration dans leurs blessures intimes et leurs enfances cabossées pour créer le petit garçon espiègle, meilleur copain de générations de lecteurs et vendu à 15 millions d’exemplaires.

Lorsqu’il rencontre Sempé dans le Paris des années 1950, Goscinny est un jeune homme qui a déjà roulé sa bosse : parti tout petit à la fin des années 1920 en Argentine avec ses parents alors que l’antisémitisme montait en Europe, il a ensuite bourlingué entre les Etats-Unis où il rêve de travailler avec Walt Disney, et rencontre notamment Morris, le créateur de Lucky Luke, et la France.

Sempé, lui, est un gamin issu d’une famille populaire de Bordeaux, battu par son beau-père et monté à Paris, carton à dessin sous le bras, pour tenter sa chance. L’amour du dessin n’est donc pas la seule chose qui relie les deux jeunes hommes.

La création du Petit Nicolas, « c’est une histoire de résilience, de deux mecs qui se sont fait voler leur enfance, l’un par la Shoah et l’autre par un beau-père abusif, et qui vont créer cette enfance rêvée du Petit Nicolas« , expliquait à l’AFP Benjamin Massoubre lors du Festival d’Annecy.

Avec les voix d’Alain Chabat et Laurent Lafitte

L’occasion de montrer autrement ces deux personnalités complices, crayon à la main, tantôt chez eux, tantôt à la terrasse d’un café, avec les voix d’Alain Chabat et  de Laurent Lafitte de la Comédie française. Goscinny, y apparaît en globe-trotteur, « très loin de son image de franchouillard en pantoufles« , tandis que Sempé est un amoureux du jazz et de la musique.

Les premiers croquis, le choix du prénom, presque au hasard, grâce à une publicité pour le caviste « Nicolas »… Le film retrace la genèse de ce qui deviendra l’une des oeuvres les plus lues du patrimoine français.

Adapter à l’écran le trait de Sempé n’a pas été simple

Les réalisateurs, qui ont travaillé main dans la main avec la fille de René Goscinny, Anne, ont pu exploiter les archives des artistes. Et recréer fidèlement le trait élégant de Jean-Jacques Sempé, qu’il a fallu adapter à l’écran, une gageure.

« Pour être fidèles à son univers, on est partis de ses dessins et on a fait des dossiers: les restaurants, les bars, les parcs, les arbres« , pour constituer une base de données dans lesquels les dessinateurs puisaient, explique Amandine Fredon, l’autre réalisatrice.

« C’est très dur de faire du Sempé », reconnaît la cinéaste. Mais le pari est réussi : le film, qui a remporté en juin le Cristal d’Or au Festival du film d’animation d’Annecy, permettra aux spectateurs de s’asseoir à la table où Jean-Jacques Sempé a créé ce petit garçon qui parlait tellement à l’enfant malheureux qu’il avait été.

Source francetvinfo