Le 10 août, le gouvernement de l’Etat de New York a passé une nouvelle loi obligeant les musées à signaler lorsque les œuvres qu’ils exposent ont été dérobées ou vendues de force par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
L’œuvre d’art que vous contemplez dans ce musée a-t-elle été spoliée par les nazis ? Dans l’Etat de New York, les visiteurs n’auront désormais plus de doute. Le 10 août dernier, le gouvernement new-yorkais a validé une nouvelle loi obligeant les institutions à signaler lorsque les œuvres qu’ils exposent sont issues de vols réalisés durant l’ère nazie.
Désormais, les musées doivent ainsi « placer en évidence un panneau ou un autre affichage » mentionnant « les origines des pièces dérobées à des Européens, principalement des familles juives« . Selon une estimation relayée par le gouvernement, quelque 600.000 œuvres ont été spoliées par les nazis à des juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Ces pièces ont été « dérobées, non seulement pour leur valeur, mais aussi pour éliminer la culture et l’identité [juive] de la surface de la Terre« , a souligné la sénatrice Anna M. Kaplan citée dans un communiqué. Or, « aujourd’hui, cet art volé peut être trouvé dans les musées à travers New York sans aucune reconnaissance des sombres parcours qu’il a empruntés pour arriver là« .
Des œuvres spoliées exposées aussi en France
Cette nouvelle loi intervient alors que les musées sont de plus en plus interrogés sur les origines des œuvres qu’ils exposent dans leurs collections. En début d’année, en France, le Sénat a adopté un projet de loi visant à restituer 15 œuvres, dont un tableau de Gustav Klimt et un autre de Marc Chagall, aux ayants droit de familles juives spoliées par les nazis.
Des recherches approfondies ont permis d’établir que l’un des tableaux, « Rosiers sous les arbres » de Gustav Klimt actuellement conservé au musée d’Orsay, appartenait à une Autrichienne, Eléonore Stiasny, qui l’a cédé lors d’une vente forcée à Vienne en 1938 avant d’être déportée et assassinée.
Quelque 100.000 biens de toute nature ont été spoliés en France par le régime nazi, surtout à des familles juives, ou vendus sous la contrainte et transférés en Allemagne entre 1940 et 1945. Une commission a été créée en 1944 dans le but de retrouver les objets et les rendre à leurs propriétaires, permettant la restitution de plus de 45.000 d’entre eux.
Des milliers de biens n’ont toutefois jamais pu être rendus et ont été vendus ou conservés par l’administration. En 2017, le Louvre abritait ainsi un peu plus de 1.700 œuvres dérobées par les nazis et expliquait qu’un groupe de travail avait été constitué pour tenter de retracer la provenance des pièces.
Deux autres lois pour perpétuer la mémoire
« 80 ans après, nous devons encore nous confronter aux horreurs de l’Holocauste« , a insisté Charles D. Lavine, membre de l’Assemblée de l’Etat de New York. « Trop de gens continuent d’ignorer les meurtres aveugles de plus de six millions de juifs par les nazis, et les exemples incalculables d’humiliation et, comme dans ces cas-ci, de profit flagrant« .
« Cette loi est révélatrice de la façon dont nous devons continuer à combattre la haine à travers l’éducation« , a-t-il poursuivi. La nouvelle obligation des musées a été adoptée aux côtés de deux autres lois destinées à honorer et perpétuer la mémoire des victimes et des survivants de l’Holocauste.
La première vise à assurer que les écoles fournissent une éducation de qualité sur la réalité de l’Holocauste tandis que la seconde impose la constitution d’une liste des banques annulant les taxes sur les indemnisations versées aux survivants. Des charges jugées « superflues » alors qu’un tiers d’entre eux vit dans la pauvreté aux Etats-Unis, selon les autorités.
« Nous n’oublierons jamais »
« Nous, New-Yorkais, sommes unis dans notre engagement solennel envers les survivants de l’Holocauste : nous n’oublierons jamais« , a déclaré Kathy Hochul, gouverneur de l’Etat. « Nous devons à ces individus, à leurs familles, et aux six millions de juifs qui ont péri d’honorer leur mémoire et d’assurer que les générations futures comprennent les horreurs de cette ère« .
Pour l’heure, aucun des principaux musées de New York, dont le Museum of Modern Art (MoMA) et le Guggenheim Museum, n’a dévoilé de plans d’action pour appliquer la nouvelle réglementation. Par ailleurs, cette dernière ne concerne pas les œuvres d’art spoliées en dehors de l’Europe et n’évoque pas la question d’éventuelles restitutions, a relevé le média Gothamist.
Des musées new-yorkais ont pourtant déjà dû faire face à de telles demandes. En 2009, le MoMA et le Guggenheim Museum ont été impliqués dans un bras de fer judiciaire avec un historien juif allemand affirmant qu’il était le propriétaire légitime de deux tableaux de Picasso que son grand-oncle collectionneur d’art avait été contraint de vendre avant sa mort en 1935.
Emeline Férard