Approximations, reniements, hésitations, tartarinades : jamais campagne présidentielle n’a accumulé autant d’amateurisme. Par Sophie Coignard.
Il reste à peine plus de deux mois. La campagne présidentielle devrait battre son plein, le débat d’idées s’enrichir chaque jour davantage. Ce n’est pas le cas. Tous les candidats s’inquiètent de l’abstentionnisme annoncé, mais les électeurs, en retour, peuvent à juste titre s’indigner de leur amateurisme : approximations, improvisations, reniements, contrefaçons et tartarinades n’ont jamais fait un programme et encore moins un projet de société.
Ainsi Christiane Taubira nourrit-elle de hautes ambitions. Elle a pourtant marqué les esprits par sa vacuité, jeudi dernier, lors de son « grand oral » devant la Fondation Abbé-Pierre. Elle s’est trouvée bien en peine de répondre à une question sur l’augmentation du RSA, cafouillant et bafouillant, ce qui est ennuyeux pour une icône de la gauche. Interrogée par le JDD sur cette prestation embarrassante, elle ose une réponse où le ridicule le dispute à l’arrogance : « Je ne suis pas en train de préparer Questions pour un champion ! Je prétends à la magistrature suprême. Heureusement qu’il m’arrive de réfléchir avant de répondre. » Cela lui « arrive », donc.
« Une petite imprécision »
Sûrement chagrinée par cet épisode, l’ancienne garde des Sceaux doit se consoler en se comparant, par exemple, à sa désormais meilleure ennemie Anne Hidalgo. La candidate officielle du Parti socialiste nous abreuve régulièrement de ses bévues. En septembre, elle fait sa rentrée en fanfare, avec pour ambition de « multiplier par deux au moins » la rémunération des enseignants. Avec quel argent ? Elle n’a jamais été en mesure de le dire. Fin octobre 2021, pour lutter contre le manque de médecins et de personnel dans les hôpitaux, elle affirme vouloir supprimer le numerus clausus dans les études de médecine. Problème : cette suppression a déjà été votée en… 2019.
À droite, Valérie Pécresse a perdu une bonne occasion de se taire mercredi dernier, quand elle a exigé, dans le sillage de Marine Le Pen, le renvoi de l’ambassadeur du Mali à Paris en riposte à l’expulsion de son homologue français de Bamako : « Qu’est-ce que l’ambassadeur du Mali fait encore en France ? » s’est-elle indignée sur CNews. Problème : ledit ambassadeur est parti en 2020 et le gouvernement refuse depuis d’en accréditer un nouveau.Éric Zemmour, quant à lui, semble à court d’inspiration quand il lui faut parler d’autre chose que de l’immigration. Il fait en tout cas son marché chez les autres. Samedi, à Lille, il a proposé une « prime zéro charge versée par les entreprises pour augmenter les revenus ». Soit une version déplafonnée de la PEPA, la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », mise en œuvre par… Emmanuel Macron en 2019. Il souhaite également restaurer la défiscalisation des heures supplémentaires, « une excellente idée de Nicolas Sarkozy », selon lui. Sur l’éducation, son projet ressemble comme deux gouttes d’eau à celui proposé par Valérie Pécresse. Étrange pour un candidat qui prétend incarner la rupture et la radicalité !
Ils s’y voient déjà !
Être à la traîne dans les sondages ne dissuade pas forcément de composer par avance leur gouvernement… Mi-décembre, Yannick Jadot se déclare prêt à nommer Anne Hidalgo Première ministre. Quelle bonne blague ! À eux deux, ils totalisent à peine 10 % des intentions de vote ! Le 26 janvier dernier, le communiste Fabien Roussel semble, quant à lui, enivré par les enquêtes d’opinion, au point d’annoncer que son ministre du Logement sera son directeur de campagne Ian Brossat, par ailleurs adjoint d’Anne Hidalgo à la Mairie de Paris.
Il reste encore deux mois et trois jours pour se ressaisir !