Le vétéran du jihad, Lionel Dumont, remis en liberté

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Figure de l’épopée sanglante du gang de Roubaix en 1996, l’ex-djihadiste, condamné en 2007 à 25 ans de détention, vient d’être libéré, contre l’avis du parquet.

Il a 51 ans cette année et un passé terriblement chargé. Élevé à Tourcoing dans une famille catholique, Lionel Dumont s’est converti à l’islam pendant ses études d’histoire à Lille. En 1994, après deux ans d’armée, il rejoint El-Moudjahid, une unité paramilitaire qui lutte contre les Serbes et les Croates en Bosnie-Herzégovine.

Encadrée par des fanatiques, anciens d’Afghanistan et des maquis algériens, El-Moudjahid a commis tant d’atrocités que ses rapports avec l’armée régulière bosniaque sont rapidement devenus détestables. À la signature des accords de paix, fin 1995, ses membres ont été expulsés de Bosnie. Lionel Dumont est alors rentré en France avec son alter ego, Christophe Caze, autre converti, étudiant en médecine rencontré à la mosquée de la rue Archimède à Roubaix.

De janvier à mars 1996, avec six comparses, les deux amis se lancent dans une série de braquages sanglants visant à financer le djihad. Le 29 mars, le Raid prend d’assaut la maison de Roubaix où le gang se cache. Les policiers sont stupéfaits de se heurter à des hommes plus lourdement armés qu’eux, prêts à tout. Quatre préfèrent brûler vifs dans la maison en feu plutôt que de se rendre. Christophe Caze s’échappe, mais il est abattu par la police belge. Lionel Dumont, qui dormait dans une maison voisine, prend la fuite.

Commence alors une longue cavale qui va le mener en Bosnie, à Singapour, au Japon, en Malaisie, en Indonésie, puis en Allemagne, où il est finalement arrêté et extradé vers la France en 2004. Il est condamné à trente ans de prison, peine réduite en appel, en 2007, à vingt-cinq ans.

Il entre en détention nimbé d’un double prestige, celui du braqueur capable d’attaquer un fourgon de la Brink’s au lance-roquettes et celui du djihadiste. « C’est le genre de détenu qui a une aura, un prestige évident sur les autres », explique Yoan Karar, secrétaire général adjoint de FO Pénitentiaire. C’est pour contrecarrer cette influence que l’administration l’a fait tourner. En dix-sept ans, Lionel Dumont a visité les prisons les plus sécurisées de France, jusqu’au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe.

Libérations en série

Le 22 septembre 2021, le juge d’application des peines (JAP) d’Alençon a décidé de le libérer sous bracelet électronique. Le parquet a fait appel, estimant que la date de la fin de peine était encore trop éloignée. Lionel Dumont était libérable seulement le 17 juin 2022. La cour d’appel de Caen, dans un arrêt du 28 octobre, a donné raison au JAP. Lionel Fumont est sorti le 17 novembre 2021. Il résiderait dans le Nord.

Dans quel état d’esprit se trouve-t-il ? Mystère. Trois membres du gang de Roubaix ont été libérés ces dernières années : Mouloud Bouguelane, Hocine Bendaoui et Omar Zemmiri (ce dernier ayant été à l’époque défendu par Me Dupond-Moretti). Ils n’ont plus fait parler d’eux. Reste qu’ils n’avaient pas l’envergure de Lionel Dumont. « Je n’ai jamais entendu dire qu’il se serait déradicalisé », pointe Yoan Karar. « Il sera surveillé de près, c’est une certitude », ajoute Jean-Charles Brisard, consultant en sécurité et expert en terrorisme.

Pendant sa détention, selon une source pénitentiaire, Lionel Dumont a été calme. En 2011, il a été mis en examen pour tentatives d’évasion, mais les préparatifs étaient si vagues qu’il a été relaxé. Les témoignages à son procès ont mis en évidence la complexité de sa nature. Tous les témoins de sa jeunesse ont évoqué un garçon gentil et souriant.

Lors de sa cavale, il a rencontré en Thaïlande une jeune Allemande, qu’il a épousée sous un faux nom. À son arrestation, elle est tombée des nues en apprenant qu’elle avait vécu avec un ex-djihadiste. Sans cacher sa ferveur religieuse, il s’était toujours montré avec elle doux et prévenant. Voilà pour le côté pile.

« Mister Hamsan »

Côté face, il y a ces propos inquiétants tenus en 2007 à la prison de la Santé devant le réalisateur Olivier Pighetti (auteur d’un documentaire saisissant, Les Ch’tis d’Allah) : « Côtoyer la mort et parfois même la souhaiter, quand on a goûté à ça, on ne se satisfait plus d’une autre vie. » Son ami Christophe Caze était un psychopathe. Il a été filmé en Bosnie en train de jouer au foot avec une tête de prisonnier.

Rien d’aussi atroce n’est rapporté à propos de Lionel Dumont. Tout en revendiquant sa radicalité religieuse, il a contesté durant son procès le caractère terroriste de ses actes. Il semble faire preuve d’une grande constance sur ce point. Mi-décembre 2021, un internaute, qui ne s’était jamais mêlé de Wikipédia jusque-là, a tenté de modifier la page « Lionel Dumont » de l’encyclopédie en ligne. Il a enlevé les mots « terroriste islamiste », « attentats » et « djihadisme ». Il intervenait sous le pseudonyme de « Mister Hamsan », ce qui rappelle le nom de guerre de Lionel Dumont en Bosnie : Hamza. Plus de 40 djihadistes sont libérables en 2022.

Source lepoint