Taquin et sans filtre, Patrick Timsit revient sur scène pour un dernier spectacle

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Patrick Timsit tire son irrévérence. L’humoriste signe son retour avec un nouveau spectacle, son dernier. Un one-man-show corrosif qu’il présente comme une véritable « rupture amoureuse avec mon public ». 

« Vous avez remarqué comme on a du mal à dire qu’on est heureux dans cette période? On se contente d’un ‘ça va’ en baissant la tête, c’est fou, non? » Malgré la morosité ambiante, Patrick Timsit garde la pêche, la soixantaine souriante, ravi d’enchaîner les projets tous azimuts. On l’a remarqué dans des fictions télé (Rebecca sur TF1), on le verra bientôt au cinéma dans le nouveau film d’Arnaud Desplechin, Frère et sœur, où il incarne un psy de famille aux côtés de Marion Cotillard. « J’ai terminé le tournage le 1er septembre, le lendemain j’étais sur la scène du Théâtre du Rond-Point », s’enthousiasme Timsit, qui retrouvait ainsi les planches avec son nouveau – et dernier – spectacle.

A 62 ans, le kamikaze du rire a choisi de tirer sa révérence avec un seul-en-scène dont l’intitulé – Adieu… peut-être. Merci… c’est sûr – entretient habilement le suspense sur ses intentions réelles. « Tant mieux si les gens doutent, s’amuse Timsit. Quand on dit ‘adieu’, ce n’est jamais innocent, c’est qu’on a envie d’entendre : ‘Non, reste!' » L’acteur confie « réfréner toute marque d’émotion au moment des saluts, même si elle [le] déborde un peu ».

« C’est mon one-man-show le plus cohérent »

Pour cet ultime tour de piste, le sniper du stand-up avait d’abord envisagé d’offrir un best-of de trente-cinq ans de carrière. Il s’est finalement ravisé pour s’atteler à l’écriture, avec Jean-François Halin (ex-plume des Guignols et scénariste d’OSS 117), d’un spectacle corrosif à souhait. « Je ne saurais dire s’il s’agit de mon one-man-show le plus féroce, mais c’est le plus cohérent car il offre un vrai fil conducteur, celui de la rupture amoureuse avec mon public. »

Durant une heure trente, ­Timsit égrène les dix vraies bonnes raisons pour tirer sa révérence : la peur du trou de mémoire, du spectacle de trop, le politiquement correct, le grand âge (« J’ai encore des érections, mais je ne me souviens plus à quoi ça sert »). Autre motif imparable, ses points de retraite, comme il l’explique sur scène : « Je les ai tous à taux plein. Avec toutes les émissions télé à la con que j’ai faites, ça me fait des points de pénibilité en plus. Une émission de Cyril Hanouna, ça me fait quatre trimestres. Nuisances sonores, visuelles, intellectuelles… » Hilarant quand il imite l’animateur survolté de C8 interviewant Eric Zemmour : « On ne sait plus où vous situer? Vous êtes d’extrême droite? » Réponse de l’intéressé : « Attention Cyril, pas d’amalgame. Je suis sans étiquette, contrairement à la viande halal. Ça, on le voit bien. Bientôt il faudra parler arabe pour faire ses courses. »

Taquin, féroce, mordant, parfois outrancier, Timsit assume tout, même quand il dézingue Mimie Mathy dans une séquence poussive. « C’est mon dernier spectacle, je me lâche, je m’en fous », clame sur scène l’humoriste avec son sourire angélique de sale gosse ravi de provoquer des réactions parfois outrées, notamment quand il ose un parallèle entre la Shoah et le tri sélectif : « C’est nous, les Juifs, qui l’avons inventé : ramassés, triés, recyclés en abat-jour et en savon. » Rires étranglés dans la salle. « Après le spectacle, ils vont devoir ‘détimsitiser’ la salle », ironise l’humoriste sans filtre, qui continue de n’épargner personne : les nains, les musulmans, Vianney, Blanche Gardin, Joe Biden, les Portugais, la communauté juive sépharade, les milliardaires…

Le rôle du « con de service »

« ‘C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches.’ C’est de Gad Elmaleh… non, c’est de Victor Hugo, mais Gad le dit mieux », tacle le fils de maroquiniers algériens, grand admirateur depuis son adolescence de Reiser. « Si je suis monté sur scène, c’est grâce à lui, assure-t‑il. Derrière ce trait si simple, si pur, on trouve une violence dénonciatrice et une formidable tendresse. Il a été l’un des premiers à s’attaquer aux questions de l’écologie ou de la place des femmes. »

Féroce, il l’est aussi avec lui-même, prenant un malin plaisir à endosser le mauvais rôle, celui du « con de service », pour mieux dénoncer la médiocrité humaine. Il raconte ainsi comment il a passé son confinement à écrire « un petit bulletin d’information du quartier » pour balancer à la police ses voisins en infraction avec les règles sanitaires. Avec une redoutable agilité intellectuelle, il tacle nos indignations à géométrie variable et petites lâchetés face à l’esclavage moderne, le mépris social ou le drame des migrants.

Observateur des changements sociétaux, il imagine le calvaire d’un gosse né grâce à la PMA de l’union de… deux mères juives. Sans oublier la pédocriminalité dans l’Église, sujet épineux abordé avec une finesse réjouissante. Son one-man-show se termine par cette pirouette où le futur retraité confie n’avoir ­finalement « trouvé que des bonnes raisons de continuer ». Sourire en coin, il précise : « Dans vingt ans peut-être, si je peux jouer dans la cour d’honneur du palais des Papes, à Avignon, je ne m’en priverai pas. »

Au Théâtre du Rond-Point (Paris 8e) jusqu’au 31 décembre, puis en tournée dans toute la France. Les 29 et 30 décembre 2022 à l’Olympia (Paris 9e).

Source jdd