Chef de la Gestapo dans la capitale des Gaules entre 1943 et 1944, Klaus Barbie, officier SS connu pour son rôle de bourreau sanguinaire pendant la Shoah, s’est exilé en Amérique du Sud après la Seconde Guerre mondiale. Il est le premier homme à être jugé pour crimes contre l’humanité.
Né le 25 octobre 1913 à Godesberg (actuelle Bad Godesberg, en Allemagne), Nikolaus « Klaus » Barbie a souffert des violences d’un père alcoolique. En 1933, il adhère aux Jeunesses hitlériennes avant de s’engager dans la SS deux ans plus tard. Il travaille au service de sécurité du NSDAP, le parti nazi, et quand les listes de celui-ci rouvrent en 1937, Klaus Barbie devient membre du parti. Il est alors âgé de 23 ans.
Klaus Barbie épouse Regina Willms, membre du NSDAP elle aussi. Ils auront deux enfants, Ute (1941) et Klaus-Georg (1946). Au même moment, il est nommé sous-officier SS, puis envoyé aux Pays-Bas après l’invasion du pays.
La guerre, à la tête de la Gestapo de Lyon
Après avoir grimpé les échelons de l’administration nazie (décoré de la Croix de fer pour avoir été l’un des officiers SS les plus énergiques dans l’assaut du ghetto juif d’Amsterdam), il est nommé́ à la tête de la section IV de la Gestapo (police allemande) de la région de Lyon.
Sous sa direction, la Gestapo arrête le résistant Jean Moulin, représentant en France du général de Gaulle, le 21 juin 1943, à Caluire. Celui-ci est torturé à Lyon sous les ordres de Barbie, puis conduit à Paris. Il meurt des suites de ces tortures dans le train qui le transfère en Allemagne le 8 juillet. Le 18 septembre, le Reichsführer-SS Himmler exprime sa reconnaissance à Barbie pour « son rendement spécial en matière criminelle et son engagement infatigable dans la lutte contre les mouvements de résistance en France ».
Sous les ordres de Klaus Barbie sont perpétrées de multiples arrestations, rafles, tortures et exécutions dans les régions de Lyon, Jura, Grenoble, Hautes-Alpes. En 1943, il fait arrêter et transférer 600 Juifs, et 1500 l’année suivante. Parmi les faits retenus par l’instruction lors de son procès qui s’ouvrira plus de quarante ans plus tard, sont retenus : la rafle de l’Union Générale des Israélites de France le 9 février 1943; la rafle des enfants d’Izieu le 6 avril 1944 et le dernier des convois quittant Lyon pour Auschwitz le 11 août 1944.
L’après-guerre : exil en Amérique du sud
Après la défaite des nazis, s’ensuit immédiatement un autre conflit : la Guerre froide. Les deux blocs veulent recruter des technocrates. Klaus Barbie parvient ainsi à se faire engager en Allemagne par les services spéciaux américains. Après plusieurs missions effectuées en RDA (République démocratique allemande), il part pour l’Amérique du sud, avec l’accord des États-Unis, en 1951. La France le condamne deux fois par contumace. Sous le pseudo de Klaus Altmann, Barbie travaille en Argentine, au Pérou, en Bolivie. Ses méthodes d’interrogatoire sont utilisées par la dictature bolivienne contre les opposants.
La fin de la route du bourreau
Klaus Barbie, qui se cache sous le pseudonyme de Klaus Altmann, est interviewé par le journaliste Ladislas de Hoyos en Bolivie. Quand celui-ci lui demande en français s’il a vécu à Lyon, Barbie, qui prétendait ne pas maîtriser la langue de Molière, se trahit en répondant immédiatement oui. Quelques jours plus tôt, les époux Klarsfeld, surnommés « les chasseurs de nazis », l’avaient déjà démasqué. La traque touche à sa fin.
Après l’arrivée au pouvoir de l’opposition et la chute du dictateur bolivien Hugo Banzer, Klaus Barbie est arrêté le 25 janvier et extradé vers la France le 5 février 1983.
Le procès historique à Lyon
Son procès qui s’ouvre à Lyon est le premier à juger un homme pour crimes contre l’humanité, incrimination née du tribunal de Nuremberg en 1945. Il est aussi le premier à être filmé en intégralité, grâce au garde des Sceaux, Robert Badinter, qui promulgue en prévision du procès une exception à la loi de 1881 : « Vu l’atrocité des faits et le nombre exceptionnel de victimes, le procès s’annonce historique et médiatique. Ne conserver aucune trace de ce procès pour la mémoire paraît inconcevable. »
800 journalistes sont présents à l’ouverture du procès de Klaus Barbie. Pendant neuf semaines, son avocat Jacques Vergès est seul face à 113 associations qui se sont portées parties civiles, défendues par 39 avocats. Klaus Barbie se défend ainsi « C’était la guerre, et la guerre, c’est fini. »
La cour d’assises du Rhône le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. C’est à la prison Saint-Joseph de Lyon que Klaus Barbie, le « boucher de Lyon », meurt d’un cancer le 25 septembre 1991.