Zemmour, Pétain et les Juifs Français, par Victor Kuperminc

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Le « polémiste » omniprésent a créé le scandale en osant affirmer que Pétain avait sauvé les juifs français. La vérité est bien différente.

Si les juifs français ont été en partie épargnés, ce n’est pas grâce au philosémitisme du Maréchal. Mais grâce à sa foi qui lui aurait interdit le paradis des bons catholiques. Mais aussi à un problème d’effectifs nazis en France. Et à la mésentente entre Bousquet et Darquier de Pellepoix qui les a empêchés de réaliser leur funeste entreprise.

Le 31 juillet 1940, est créée à Paris, la Commission de révision des naturalisations, présidée par le Conseiller d’Etat Jean Marie Roussel. Les membres de la Commission sont des magistrats de la Cour de cassation, des Cours d’appel, des représentants des Ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères, et autres hauts fonctionnaires. Il est donné instruction aux Préfets, qu’il y a lieu à retrait lorsque l’intérêt de l’individu, plus que l’intérêt général aura déterminé sa naturalisation accordée dans l’ignorance des actes répréhensibles commis par lui. Les décisions seront sans appel, et ne donnent lieu à aucune justification.

La révision de toutes les acquisitions de la nationalité française concerne toutes les naturalisations acquises depuis le 10 aout 1927. Le Docteur Friedrich, dans son émission radiophonique déclare : « Il est absolument inutile de vouloir faire la distinction entre les juifs français, ou devenus français, et les juifs étrangers, car un juif, qu’il se fasse naturaliser ou baptiser, restera juif jusqu’à la fin de ses jours ». 7055 dénaturalisions seront prononcées, sur 23650 naturalisations accordées depuis 1927.

Heinz Rothke, l’officier SS chargé de la déportation des juifs de France, déclare : « la déportation des Juifs hors de France  ne doit pas prendre fin, avant que le dernier juif ait quitté le sol français. La décision ne peut être le fait de la volonté d’un membre du gouvernement français, ni même du chef de l’état français; seule, la volonté du führer est déterminante. Laval, nous a promis, de promulguer la loi qui priverait tous les juifs de la nationalité française acquise en 1927. Le gouvernement français n’a pas encore, à ce jour, promulgué cette loi. Ce qui importe, ce n’est pas l’attitude philosémite française, et par là sans aucun poids des français, mais ce sont les ordres sans équivoque du Führer; les juifs devenant apatrides de par la Loi, doivent nous être remis dans le but d’être déportés.  »

Mgr Chappoulie tient son rôle

En aout 1943, Mgr Chappoulie, représentant les Cardinaux de France, rend visite au maréchal Pétain et lui tient un discours très clair : « Le pape est très inquiet d’apprendre que de nouvelles mesures contre les juifs seraient admises en France. Le pape est personnellement inquiet d’apprendre que ne nouvelles mesures contre les Juifs seraient appliquées en France. Le pape est personnellement en souci pour le salut de l’âme du maréchal. »

Pétain a été visiblement impressionné par la visite de ce haut ecclésiastique. Mgr Chappoulie a publié un rapport écrit. On appréciera le courage de l’ecclésiastique qui s’oppose de front aux nazis en s’opposant fermement à l’annulation « en bloc » de toutes les naturalisations accordées depuis 1927, rendant des milliers de juifs, apatrides, et donc déportables en masse.

« M. le Maréchal m’ayant fait l’honneur de me demander mon sentiment au sujet d’un projet de loi tendant à retirer, en bloc, la nationalité française aux Juifs naturalisés depuis 1927, voici mon opinion.

Je dirai, tout d’abord que, si ce projet ne devait avoir de répercussion que sur le plan temporel, il ne m’appartiendrait pas d’émettre un avis, les cardinaux et Evêques de France dont je suis le délégué s’étant donné pour ligne directrice de ne jamais intervenir dans le domaine politique qui n’est pas le leur. Mais, comme il est clair que ce projet aurait aussitôt sur le plan social et humain des conséquences particulièrement  graves, je suis persuadé que mes chefs partagent mon sentiment.

Si les Juifs qui avaient la nationalité française depuis 1927 s’en voient privés en vertu d’un texte signé par le chef de l’Etat, ils deviendront apatrides. Les autorités d’occupation procèderont alors à leur arrestation en masse et à leur déportation vers l’Est européen.

Il y aura donc dislocation brutale des familles, séparation des enfants de leurs parents. Des mesures analogues avaient été prises déjà il y a plusieurs mois. Elles avaient provoqué une lettre de protestation adressée au Maréchal et signée par Son Eminence le Cardinal Suhard, archevêque de Paris, agissant au nom de tous ses collègues de l’épiscopat français.

L’Eglise se considère, en effet, comme tenue de prendre la défense des faibles et des opprimés. Elle se tient aussi pour la gardienne du droit naturel, et c’est attenter à ce droit que de disloquer les familles, d’arracher des enfants à leur père et mère, quand on ne formule point contre ceux-ci d’autre grief que leur appartenance à une « race » déterminée.

Aujourd’hui, de nouvelles déportations provoqueraient parmi les catholiques une vague accrue d’émotion et de tristesse, et il est probable que les Evêques se croiraient, encore une fois, tenus de faire entendre leur voix.

L’Eglise catholique, enfin, considère que la morale chrétienne qu’elle a charge d’enseigner à tous les hommes, vaut, non seulement  pour les individus, mais pour les peuples  et leurs gouvernements. Or, l’un des principes essentiels de cette morale, (sa Sainteté Pie XII n’a cessé de le rappeler durant ces dernières années) consiste dans le respect de la parole donnée, la fidélité aux engagements pris en pleine conscience et liberté.

Aujourd’hui, le Maréchal de France, en acceptant de céder à la pression qui s’exerce sur lui, manquerait, me semble-t-il, à l’engagement solennel pris par le gouvernement de la République, s’il retirait, en bloc, la nationalité française à des hommes et des femmes, sous le seul prétexte de leur race, race qui n’était un mystère pour personne au moment de leur naturalisation.

Pour qu’il n’y ait pas manquement à la parole donnée, il faudrait, à mon avis, qu’une Commission statuant, sur chaque cas particulier, décidât de la déchéance de la nationalité française pour des motifs déterminés, et non pour le motif général de la race.

Tout autre attitude en la matière me parait personnellement incompatible avec la morale chrétienne, dont doit s’inspirer dans toutes ses actions un Chef d’Etat soucieux de demeurer fidèle aux valeurs de la France et lui ont valu une incomparable réputation d’honneur parmi les nations. »

Source : « Serge Klarsfeld « le calendrier de la persécution des Juifs de France, septembre 1942 – aout 1944.

Note : Une précision historique dont la stupidité amènera quelque sourire, si le sujet n’était pas aussi dramatique. Darquier De Pellepoix, Commissaire Général aux questions juives, accusé de détournement de fonds à propos de l’acquisition de journaux antijuifs, sera remplacé par Charles Dupaty De Clam, en février 1944, le fils d’Armand Du Paty de Clam, l’accusateur de Dreyfus, au prétexte de l’antisémitisme délirant de son père.