Hassan Shibly était jusqu’à la mi-avril 2021 l’influent directeur exécutif de l’association islamiste américaine CAIR, dans son antenne en Floride.
CAIR peut être considérée comme l’équivalent du CCIF en France, avec une dimension religieuse légèrement plus assumée. Hassan Shibly, par ailleurs avocat, a œuvré dans CAIR pour promouvoir un agenda politique proche des Frères musulmans en se présentant comme un défenseur des libertés civiles.
Il a néanmoins du ce mois-ci se résoudre à démissionner de son poste. En effet, dans une vidéo récemment postée en ligne, sa femme Imane Sadrati appelle le public à l’aide. Elle évoque une relation abusive, faite de violences (gifles, bras tordu, bousculades…) et de harcèlement. Imane Sadrati affirme en parallèle vivre dans une détresse financière depuis que Hassan Shibly lui a coupé l’accès aux finances du couple alors qu’elle s’occupe de leurs trois enfants.
Dans la foulée, un grand nombre de femmes a brisé le silence en apportant elles aussi leur témoignage sur Hassan Shibly. Elles déclarent avoir vécu des « abus émotionnels » et avoir été victime de « mauvaise conduite à connotation sexuelle » de sa part. Aslam Abdullah, un dignitaire musulman californien reconnaît avoir recueilli le témoignage de nombreuses femmes victimes de violences sexuelles au sein de CAIR national ou dans ses branches. Il rapporte que ces femmes savent par avance que s’il y a investigation interne, cela ne sera pas mené de façon « juste ». L’association texane de femmes musulmanes FACE affirme elle aussi depuis janvier enquêter sur Hassan Shibly suite à de nombreux témoignages.
Le service de radio national américain NPR, de sensibilité politique de gauche libérale, a enquêté et a retrouvé 6 de ces accusatrices qui maintiennent leurs accusations. NPR a également retrouvé et examiné des documents internes de CAIR sur Shibly ainsi que des échanges de mails et de communications sur les réseaux sociaux. Hassan Shibly y est dépeint comme un homme qui utilise sa position pour « séduire » les femmes et intimider toute voix qui serait ultérieurement critique. Les cadres nationaux de CAIR en sont informés dès 2016. Un système d’ « impunité » et de « culture du silence » se met en place, selon les mots du NPR.
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D’autres témoignages sont édifiants. Laila Abdelaziz, qui a travaillé avec Shibly dans l’antenne de CAIR Florida, décrit des scènes de harcèlement sexuel. Elle évoque également des photos de femmes prises sans leur consentement. Elle démissionne en 2016, après avoir averti les leaders nationaux de CAIR. D’autres anciennes employées de CAIR à Washington confirment que peu, sinon rien, n’était fait pour répondre à ces problématiques de harcèlement sexuel.
Interrogé par le NPR, Shibly nie les faits et accuse son ex-femme de vouloir « profiter du système légal pour tirer des avantages du divorce ». Il affirme avoir uniquement contracté des « mariages religieux » avec d’autres femmes quand il a senti que son mariage avec Imane Sadrati était « fini ». L’antenne de CAIR en Floride tente elle-aussi d’étouffer l’affaire en présentant la démission de Shibly comme faisant partie d’un plan normal de succession de dirigeants.
Mais une brèche est ouverte et la loi du silence est en train de se briser. Deux plaintes ont été déposées contre l’antenne de CAIR en Californie. Elles évoquent des discriminations en raison du genre (tenue vestimentaire modeste imposée aux femmes) et de la religion (contre la minorité chiite). D’anciens membres du bureau national de CAIR parlent enfin et évoquent des différences de salaire significatives entre les hommes et les femmes, ainsi que des carrières de femmes mises entre parenthèse pour privilégier les hommes.
Suite à la vidéo postée par Imane Sadrati, une autre femme a réagi en écrivant son témoignage sur Facebook. Les faits rapportés sont édifiants. Kyla McRoberts raconte que lorsqu’elle s’est convertie à l’Islam, elle a été approchée par Shibly. Nous sommes en 2016. Il lui a alors proposé un « mariage secret » sans que sa femme n’en soit informée. Elle rapporte qu’une nuit, Shibly lui a coupé sa queue de cheval car elle avait postée des photos d’elle sans son hijab. McRoberts rapporte également que Shibly la forçait a avoir des relations sexuelles, car en tant que femme elle ne pouvait pas refuser. McRoberts a finalement supprimé son témoignage, après avoir dit-elle reçu de l’argent de Shibly pour effacer ces traces.
Le 14 janvier 2021, un compte Instagram a été ouvert pour permettre de recueillir des témoignages de violences sexuelles au sein de CAIR. Il s’agit de « CAIR Victims Forum ».
NB : Fin 2020, CAIR utilisait tous ses moyens de communication pour soutenir le CCIF visé en France par une procédure de dissolution. Marwan Muhammad se réjouissait même de la proposition de CAIR de faire migrer le CCIF dans leurs locaux.