Cafés, restaurants, plage : la renaissance de Tel-Aviv

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Israël goûte à la joie d’un quasi-retour à la normale, grâce à sa campagne de vaccination contre le Covid. Un air d’insouciance flotte sur Tel-Aviv.

Des jeunes qui, à l’occasion d’un anniversaire, font la fête, en plein jour, sans masque ni distanciation sociale, dans un bar-restaurant de Tel-Aviv. Ils sont tous vaccinés. La vidéo postée le 15 mars sur les réseaux sociaux a fait le tour du monde. Plus de 7 millions de vues et l’idée bien ancrée que, vaccination massive oblige et fin du confinement, la jeunesse de Tel-Aviv n’en finit pas de célébrer le retour à la vie d’avant. De quoi faire des jaloux chez ceux qui, pour survivre aux rassemblements interdits et couvre-feux nocturnes, n’ont comme seule échappatoire que la Toile et son monde virtuel. La situation est-elle si idyllique ?


En ce vendredi après-midi, à quelques heures du shabbat, le soleil donne des couleurs au marché aux puces de Jaffa. Fermé depuis des mois en raison du Covid, l’endroit très apprécié des Israéliens de tous âges vient de rouvrir. C’est la foule des grands jours. Les restaurants, cafés et bars sont pris d’assaut. Idéal pour Tsipi et Nir, un jeune couple de Jérusalem, en escapade post-confinement.

« On s’y est pris un peu tard, raconte Tsipi. La plupart des hôtels auxquels j’ai téléphoné m’ont répondu : désolés, nous sommes complets !  » « Heureusement, un des hôtels de luxe du front de mer avait encore de la place. Je n’ai pas hésité. En arrivant, pas question d’échapper à la présentation de nos passeports verts, avec en support notre carte d’identité pour vérifier qu’il s’agit bien de nous. Ce matin, petit déjeuner dans la salle à manger, avec un espace de deux mètres entre les tables et du gel hydroalcoolique à l’entrée et à la sortie. De toute façon, il n’y avait pas grand monde. En raison du prix élevé des chambres, beaucoup de gens renoncent au forfait incluant le petit déjeuner. »

Reste qu’en cette mi-journée, le couple est aux anges. Entre le glacier à la mode, le restaurant avec terrasse et les antiquaires qui ont rouvert leur boutique, ce n’est rien que du bonheur. Comme un retour à la vie d’avant : « Enfin pas tout à fait, corrige Tsipi. Comme vous pouvez le voir, les gens font très attention aux mesures barrières, notamment en ce qui concerne le port du masque. Alors, c’est vrai. Il s’agit bien d’un retour à la normale, mais avec de nouveaux codes, ceux auxquels nous oblige ce satané virus. »

Le lendemain, samedi, jour de shabbat, direction le port, dans le nord de Tel-Aviv. Il faut au moins une heure pour franchir un kilomètre. C’est pare-chocs contre pare-chocs. Pour se garer, c’est l’enfer. Les parkings affichent complet. Les seuls qui ont encore de la place vendent l’entrée à un prix exorbitant. Mais qu’importe, en ce premier vrai week-end de retour à la vie normale, avec météo printanière, un seul mot d’ordre : « Profitons-en ! » Sur les planches, style Deauville, ça grouille de monde. Devant les boutiques de luxe ou les grandes enseignes de prêt-à-porter, ouvertes en ce jour de shabbat, les files d’attente s’allongent. Dans les restaurants et cafés-brasseries, les tables libres sont rares.

« On ne retrouvera pas la vie d’avant. Il nous faut apprendre à vivre avec le corona »

Shahar et Noam, deux jeunes femmes, amies d’enfance, se sont installées sur la terrasse du café Haroma. Elles finissent de déjeuner. « Vous savez, après les trois confinements, c’est juste bon de pouvoir sortir, s’asseoir au soleil pour déguster autour d’une table ne serait-ce qu’un café », expliquent-elles. À 27 ans, Shahar travaille dans un laboratoire spécialisé dans les tests génétiques : « Je sais qu’il y a des jeunes qui font la fête. Mais ce n’est pas la norme. Notre quotidien, c’est d’abord le boulot. Pas vraiment les sorties le soir. En fait, à Tel-Aviv, si beaucoup de choses ont rouvert, on continue d’être prudent. Tout le monde pense que nous faisons la fête. Mais ça ne marche pas comme cela. »

Noam – elle a 25 ans et étudie la médecine chinoise – renchérit : « Bien sûr, les gens sont très contents, voire très émus de ce retour à la vie normale. Ils sortent, ils font du shopping. Ils retrouvent cette agitation qui leur a tant manqué durant cette année de pandémie. Mais pour beaucoup, ce n’est pas encore comme avant. C’est quelque chose de nouveau. Ils disent tous : c’est chouette ! Super ! Nous en avons tellement rêvé ! Mais ils disent aussi : attention de ne pas se laisser emporter par cette euphorie. Le virus est encore là ! » Pour nos deux jeunes femmes, il faut se faire une raison : « On ne retrouvera pas la vie d’avant. Il nous faut apprendre à vivre avec le corona. » Et la vaccination ? « C’est formidable ! Toutes les deux, nous avons reçu les deux doses depuis un bon mois. Cela nous a complètement tranquillisées. » Et le passeport vert : « Génial ! Grâce à lui, on peut aller partout. Vaccination et passeport vert, la recette idéale pour retrouver un quotidien supportable. »

Assis face à la mer, Tal et Dor confirment : « En ce moment précis, oui, nous faisons la fête. C’est tellement bon de pouvoir profiter de nouveau des balades entre copains, loin de chez soi. S’asseoir au soleil. Prendre le temps en regardant la mer. Sortir le soir. Bref, s’amuser de nouveau. » Mais n’empêche, ils sont un peu inquiets : « Espérons que cela continue et que ceux qui pensent que la réouverture de l’économie est une simple décision à motif électoral se trompent. En tout cas, pour l’instant, on en profite un maximum. » Et l’aspect économique de la crise ? Tal est employée chez Ikea et Dor est représentant de commerce pour la grande laiterie Gad. Tous deux ont eu une perte de revenus. Mais ils ont pu continuer à travailler. Ils sont convaincus qu’avec la campagne de vaccination massive, les affaires vont reprendre très vite et que l’économie va retrouver les beaux jours d’avant l’épidémie.

Un avis que ne partage pas cette partie de la jeunesse israélienne aujourd’hui au chômage. Fin janvier dernier, ils étaient, selon les statistiques officielles, 23,6 % chez les 30-34 ans, dont 14 % pour cause de Covid, 23 % chez les 25-29 ans, dont 14,5 % en raison de la pandémie. Mais le temps d’un week-end ensoleillé, Israël veut oublier les mauvaises nouvelles. Place à la joie d’une quasi-normalité retrouvée.

De notre correspondante en Israël, l