Aurélien Benoilid, un jeune neurologue juif épris de bioéthique

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Jeune neurologue, Aurélien Benoilid succède à Israël Nisand à la présidence du Forum européen de bioéthique de Strasbourg. Ce temps fort de dialogue entre scientifiques et grand public se tient cette semaine. L’objectif cette année : « réhumaniser » la science, dans un temps de crises dominé par le Covid-19.

Parmi toutes les spécialités de la médecine, Aurélien Benoilid, 39 ans, a très tôt choisi la neurologie. « S’intéresser au cerveau, c’est se pencher sur ce qui nous distingue de l’animalité, sur notre capacité à nous affranchir de nos instincts », explique ce père de trois enfants, qui préside depuis quelques mois le Forum européen de bioéthique de Strasbourg.


Ce grand rendez-vous annuel de débat entre scientifiques, professionnels de santé, et grand public se tient totalement en ligne, à partir de ce lundi 25 janvier. Ses 20 tables rondes, portées par 70 intervenants, accessibles à tous (1) ont pour thème « la bioéthique en temps de crises », avec une large part sur les dilemmes liés au Covid. Avec ce rendez-vous, Aurélien Benoilid souhaite « réhumaniser le fait scientifique », en confrontant opinions et expériences, et en évitant « l’entre-soi » de spécialistes.

« Les médecins manquent de culture bioéthique »

« Je ne sais pas », ou en tout cas pas tout, est d’ailleurs la conviction que le docteur Benoilid a acquise. Une posture d’humilité nourrie notamment en fréquentant le Forum européen de bioéthique depuis sa première édition, il y a 11 ans. Il s’y est de plus en plus impliqué, jusqu’à succéder cette année, au gynécologue-obstétricien Israël Nisand, qui avait lancé l’événement. « Les médecins manquent de culture bioéthique dans leur formation. Il m’est régulièrement arrivé de changer d’avis après un débat, notamment quand s’expriment les personnes concernées. »

Moins évident que pour d’autres spécialités, le lien entre bioéthique et neurologie existe aussi. « Quand on touche au cerveau par la technique ou des médicaments, on modifie le comportement. Cet enjeu est très fort dans les maladies comme celles de Parkinson, la sclérose en plaques ou l’épilepsie. »

Écouter vraiment le patient

Homme d’ouverture, Aurélien Benoilid l’a toujours été. Issu de la communauté juive, il a d’abord milité pour la diversité et la tolérance, à 18 ans, au sein de la Licra, de l’Union des étudiants juifs de France, et de divers collectifs contre le racisme et l’antisémitisme. Doué pour les mots et attiré par les arts, il coécrit ensuite une comédie musicale, Babel l’héritage, avec un groupe d’amis, en vue d’atteindre le grand public par la musique, puis raconte en 2016 cette aventure humaine dans le livre L’héritage de Babel, une équation à sept milliards d’inconnus (éditions du Signe).


Professionnellement, après avoir été chef de cliniques des Hôpitaux Universitaire de Strasbourg, il exerce aujourd’hui dans un cabinet libéral pluridisciplinaire et a cofondé récemment avec d’autres professionnels de santé un centre dédié aux malades chroniques ou douloureux chronique.

Lui qui s’est formé à l’hypnose thérapeutique met un point d’honneur à écouter les patients, premiers connaisseurs de leur maladie, y compris pour les maux les plus invisibles. Une nécessaire évolution des pratiques qu’il a défendues dans son autre livre, en 2019, Non ce n’est pas que dans votre tête ! Pour en finir avec le tabou des maladies psychosomatiques (éditions Marabout).


Et de son éducation religieuse, il garde la certitude que, s’il faut lutter contre ses propres croyances (au sens de présupposés), le médecin doit toujours respecter les croyances de ses patients, tout en faisant l’effort d’« éclairer des zones d’obscurité ». Un exercice subtil, au programme de toute une vie.

(1) Forum européen de bioéthique, toute cette semaine, en ligne, sur www.forumeuropeendebioethique.eu (et chaîne YouTube éponyme)

Élise Descamps

Source lacroix