Mort de l’acteur et scénariste Jean-Pierre Bacri, à 69 ans

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Le comédien, scénariste et dialoguiste est décédé d’un cancer. Il laisse en héritage des comédies douces-amères, conçues avec Agnès Jaoui, sa fidèle partenaire.

Son nom est associé à celui d’Agnès Jaoui, sa complice et alter ego à l’écran et derrière la caméra, depuis des décennies. Jean-Pierre Bacri, acteur, scénariste, réalisateur, vient de mourir à l’âge de 69 ans d’un cancer. « Il est mort en début d’après-midi », à Paris, a déclaré son agente Anne Alvares-Correa à l’AFP.


Avec Agnès Jaoui, il a écrit et tourné de nombreux films devenus des classiques, de Cuisine et dépendances, en 1992 à Place publique en 2018, en passant par Le Goût des autres, Comme une image


En plus de quarante ans de carrière, il a promené sa silhouette d’éternel râleur dans plus d’une cinquantaine de films, se forgeant une image de type bourru, mais aussi de pourfendeur du sectarisme culturel, du conformisme, des chapelles, de la servilité…

« Quand quelque chose me gonfle, je le dis! »

« Je sais que j’ai cette image de casse-couilles qui fait la gueule… C’est ma façon d’être », glissait au Monde en 2003, l’acteur né en Algérie en 1951. « Moi aussi, j’ai envie d’être aimé. Pas à n’importe quel moyen. Pour moi, le sourire doit être spontané ou ne pas être. Je n’ai rien à vendre, je ne suis ni VRP ni animateur de télévision. Les gens qui me connaissent savent que je suis un joyeux luron. J’aime rire et faire rire, mais quand quelque chose me gonfle, je le dis! »


« C’était quelqu’un d’extrêmement drôle, mais c’était l’envers d’un ricaneur », selon Jean-Michel Ribes, qui l’a mis en scène au théâtre à ses débuts. « Monté » à Paris à 23 ans, Jean-Pierre Bacri découvre le théâtre et les cours d’art dramatique, son premier « déclic ». Le second sera sa rencontre avec Agnès Jaoui, en 1987, sur les planches, dans une pièce de Pinter, avec qui il formera un couple jusqu’en 2012 et un duo créatif jusqu’à aujourd’hui.


« Voilà quelqu’un qui exprimait ce que je ressentais sans même me l’être formulé; qui avait des réflexions qui me percutaient, me soulageaient, témoignaient de valeurs communes, d’un rapport au bien et au mal que je partageais, avec une conviction qui m’émerveillait car elle était si singulière »! », évoquait Agnès Jaoui dans Le Monde, le 17 janvier dernier.

Les « Jabac » / « Jacri »

Après le théâtre – il joue et écrit sa première pièce en 1977 – il décroche de petits rôles à la télévision et au cinéma, décrochant un petit rôle dans Le Toubib, avec Alain Delon. Après Le Grand Pardon d’Alexandre Arcady, en 1982, il craint d’être cantonné à des rôles de pied-noir, apparaît dans le Subway de Luc Besson en 1985, puis L’Eté en pente douce de Gérard Krawczyk en 1987, ou Les Saisons du plaisir, de Jean-Pierre Mocky, en 1988, Didier d’Alain Chabat, en 1997. Pour Alain Resnais, il joue en 1997 dans On connaît la chanson, au côté d’Agnès Jaoui, avec qui il signe également le scénario.


Les « Jabac » ou « Jacri » comme les surnomme affectueusement Alain Resnais, commencent leur collaboration avec la pièce de théâtre Cuisine et dépendances, qu’ils adaptent à l’écran en 1992. La même année, ils écrivent, toujours pour Resnais, Smoking/No smoking, puis en 1996, Un air de famille, que réalise Cédric Klapisch. Leur point de vue décalé et tendrement ironique sur la société française, fait mouche.


Le duo explose avec Le Goût des autres, première réalisation d’Agnès Jaoui – et près de 4 millions d’entrées en salles en 2000 – et impose son style.

« Traquer le vécu, refuser la tricherie »

« C’est quelqu’un qui avait non seulement un tempérament d’acteur, mais aussi des valeurs. Quelqu’un qui avait cette capacité à emmener vers son univers, ce en quoi il croyait », estime Jean-Michel Ribes sur BFMTV.


Jean-Pierre Bacri a été récompensé cinq fois aux César, où il a reçu quatre fois le trophée du meilleur scénario avec Agnès Jaoui, pour Smoking/No SmokingUn air de familleOn connaît la chanson et Le Goût des autres, et une fois celui du meilleur acteur dans un second rôle pour On connaît la chanson.


Le comédien et auteur confiait il y a quelques années à l’AFP ne pas aimer les héros. Je « ne crois pas aux types éclatants de bonheur »: « traquer le vécu, la sobriété, la pudeur », « refuser la tricherie » est une profession de foi.

Magali Rangin