Des «veilleurs de mémoire» pour protéger les cimetières juifs d’Alsace

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Wintzenheim (Haut-Rhin), vendredi. Lise et Robert Tornare, qui vivent tout près, sont les deux « veilleurs de mémoire » du cimetière juif de cette petite ville proche de Colmar. LP/Martin Antoine
Face à la recrudescence des actes antisémites, les conseils départementaux d’Alsace recrutent des volontaires pour protéger les cimetières juifs.

19 février 2019 : le président de la République se rend d’urgence au cimetière juif de Quatzenheim (Bas-Rhin) après que 96 tombes ont été profanées dans la nuit. « Ceux qui ont fait ça ne sont pas dignes de la République et elle les punira. Ces actes relèvent de l’absurde bêtise », déclare Emmanuel Macron. Neuf mois plus tard, l’enquête piétine et les responsables n’ont toujours pas été identifiés. Pire : une quinzaine d’actes antisémites ont été commis en Alsace depuis.

« Le Grand-Est connaît une forte hausse de ces délits. Lorsqu’une société se tend, il faut qu’elle se trouve des boucs émissaires et ce sont souvent les juifs », déplore Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin. Comptant 25 000 à 30 000 membres (NDLR : Source : consistoire israélite du Bas-Rhin), la communauté israélite d’Alsace est l’une des plus importantes de France.

« Notre région n’est pas plus antisémite que les autres », tempère de son côté Ivan Geismar, président d’honneur du consistoire israélite du Haut-Rhin (CIHR). « On recense 65 cimetières juifs en Alsace, c’est beaucoup », ajoute-t-il. Des lieux de recueillement, situés à 90 % dans des zones rurales et isolées, et donc cibles faciles. Pour les préserver, décision a été prise par les conseils départementaux du Haut-Rhin (CD 68) et du Bas-Rhin (CD 67) de créer « les veilleurs de mémoire » en lien avec les consistoires israélites. « Nous faisons appel à des bénévoles pour devenir les gardiens de nos cimetières juifs », explique Ivan Geismar.

22 personnes dans le Haut-Rhin

Inauguré par le CD 68 en juin, ce programme a été adopté par le voisin bas-rhinois lundi dernier. Dans le Haut-Rhin, ce sont 22 « veilleurs de mémoire » qui ont signé une charte d’engagement.

« Le consistoire israélite identifie des volontaires acceptant d’assurer une surveillance de nos dix cimetières protégés par ce dispositif. On soumet ensuite ces candidatures au conseil départemental », précise le président d’honneur du CIHR. À Wintzenheim, le choix a été rapide. Lise et Robert Tornare sont les deux « veilleurs de mémoire » du cimetière juif de cette petite ville de la banlieue de Colmar. « Nous habitons la maison en face du cimetière depuis quarante ans. Ce dispositif ne fait qu’officialiser la surveillance que mon mari et moi assurons par amitié pour la communauté juive depuis toutes ces années », souligne Lise Tornare.

Ces deux septuagénaires ne sont pas de confession juive, tout comme l’ensemble des 22 « veilleurs de mémoire » du Haut-Rhin. « L’antisémitisme ce n’est pas que l’affaire des juifs », rappelle Robert Tornare. Chaque jour, le couple traverse la route pour vérifier qu’aucune dégradation n’a été commise sur l’une des 1 200 stèles. « En quarante ans, nous n’avons jamais eu le moindre acte antisémite au cimetière de Wintzenheim. Peut-être est-ce dû à notre présence quotidienne », veut croire Lise Tornare. Le président du CIHR formule un vœu : « Grâce aux veilleurs de mémoire, nous espérons redonner à nos cimetières le sens de leur appellation en hébreu, Beth Hahayim, qui signifie maison des vivants. »