Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal, à l’amour, à l’écran

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Le couple est à l’affiche de «Mon chien Stupide», tragicomédie grinçante adaptée de John Fante. Ou quand la frontière entre fiction et réalité devient trouble.

Fils d’un horloger et d’une mère au foyer, né à Tel-Aviv, il a joué dans une cinquantaine de films, été dirigé par Lucas Belvaux, Sydney Pollack et Steven Spielberg, a réalisé six longs métrages. Fille d’un couple de musiciens de légende, née à Londres, elle a joué dans une soixantaine de films, a été dirigée par Patrice Chéreau, Lars von Trier et Wim Wenders, a enregistré quatre albums. En 1991, Eric Rochant les a réunis dans Aux yeux du monde. Vingt-huit ans plus tard, parents de trois enfants, Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg sont toujours ensemble. Et voici que Monsieur dirige pour la cinquième fois Madame.


Adapté d’un roman de John FanteMon chien Stupide est une tragicomédie acide dans laquelle un écrivain en panne d’inspiration accuse son épouse et ses quatre enfants d’être à l’origine de tous ses maux. Pour la troisième fois après Ma femme est une actrice (2001) et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants (2003), le couple y incarne… un couple. Forcément, on ne peut s’empêcher de penser que la vraie vie influence discrètement la fiction. Au sein de la filmographie d’Yvan Attal, ces trois titres semblent d’ailleurs former une trilogie. S’il ne l’a pas conçue comme telle, l’acteur et réalisateur avoue volontiers qu’il s’agit là de trois variations autour de la vie de couple.

Vulnérable et susceptible

C’est à Zurich, à l’occasion d’une projection de gala, qu’on rencontre Charlotte Gainsbourg et son compagnon, au lendemain de la sortie de Mon chien Stupide dans les salles romandes et françaises. «Une sortie, c’est pour moi que de l’angoisse, confie d’emblée Yvan Attal. J’ai hâte de connaître les chiffres, on va enfin savoir à quelle sauce on va être mangés.» Son actrice de cœur, elle, confie sa joie à l’idée que les «vraies gens» voient enfin le film. Et d’avouer qu’elle récolte forcément moins de réactions, que c’est bien le metteur en scène qui reste le plus exposé au feu des critiques.

C’est sur le plateau qu’elle a de son côté connu l’angoisse, dit la comédienne. «Yvan est plus dur que d’autres réalisateurs parce qu’il ne prend pas de gants pour me parler. Or quand je suis actrice, je suis dès lors vulnérable et très susceptible. Je me mets une grosse pression, et lorsque je suis face à lui je suis plus tendue que sur un autre tournage. Je veux sentir qu’il me désire comme actrice, que ce n’est pas juste parce qu’on est ensemble qu’il m’a proposé un rôle.»

Comme pour brouiller un peu plus les pistes, Yvan Attal dirige également, dans Mon chien Stupide, l’aîné de leurs trois enfants. «Cela ajoutait du réalisme à cette famille. Et en effet, j’ai remarqué que je suis plus exigeant avec mes proches. Ma directrice de casting m’a engueulé lorsque j’auditionnais Ben. Elle m’a fait remarquer que j’étais beaucoup plus dur avec lui qu’avec les autres jeunes. Je me suis posé beaucoup de questions avant de l’engager. Même s’il était bon, est-ce que je lui rendais service? Vu les réactions, je crois que j’ai bien fait.»

Charlotte Gainsbourg abonde: «J’avais remarqué que Ben était acteur. Je l’ai filmé pour un de mes clips et il s’est prêté au jeu avec tellement de gentillesse, il était tellement volontaire que ça se voyait qu’il avait un plaisir fou. Il a arrêté l’école à 16 ans, il se cherchait depuis tellement d’années que c’était difficile pour lui d’admettre, je pense, qu’il voulait être acteur.» Inutile de dire que le trio est pour beaucoup dans le plaisir qu’on prend à découvrir ce jeu de massacre familial qu’est Mon chien Stupide, un film d’abord foncièrement jouissif avant de devenir au fil du récit plus mélancolique et désabusé.

Jardin secret

Dans la fiction, Henri, l’écrivain frustré qu’incarne Yvan Attal, est heureux de voir ses enfants quitter le domicile. Dans la vraie vie, les parents de Ben, Alice et Jo estiment qu’il est logique de privilégier l’épanouissement de sa progéniture. «Je me souviens que l’arrivée de Ben avait convaincu Yvan de renoncer à un film», avance Charlotte Gainsbourg. «En même temps, vous ne vous faites jamais violence quand vous prenez une telle décision, poursuit l’intéressé. C’est plutôt l’idée d’abandonner vos enfants qui est insupportable. Reste qu’il y a des périodes où il faut redevenir égoïste. Avant de faire ce film, j’ai joué au théâtre à Paris et je suis resté pratiquement cinq mois sans voir ma famille, qui vit à New York. Quand vous avez vraiment envie de faire quelque chose, il ne faut pas vous donner la possibilité de devenir comme Henri, d’avoir des regrets et de tenir vos enfants pour responsables.»

Fille d’un couple de légende, Charlotte Gainsbourg a toujours eu l’impression d’être devenue ce qu’elle est grâce à ses parents. C’est Serge qui, en 1986, a fait d’elle une chanteuse en lui offrant l’album Charlotte for Ever. L’année précédente, coachée par Jane Birkin, L’Effrontée l’avait révélée en comédienne. Yvan Attal, qui a grandi en banlieue parisienne, s’est quant à lui construit seul. La longévité de leur couple, plutôt rare dans le milieu du showbiz, tient probablement à la manière dont ils ont toujours réussi à cultiver leur jardin secret. «Quand on est acteur ou metteur en scène, le plus important, c’est de rester soi-même, de ne pas tricher», résume Yvan Attal sous l’œil approbateur de sa compagne.

PS : et surtout, il faut ABSOLUMENT lire les livres de John Fante !!!!

Source letemps