Dans les années 30, la Haute-Garonne abritait des kibboutzim

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Fuyant les persécutions de leurs pays d’origine, des jeunes juifs ont vécu dans des kibboutzim avant de s’exiler en Palestine au milieu des années 30. La Haute-Garonne en comptait deux.

Le mot kibboutz évoque immédiatement les expériences communautaires israéliennes du début du XXe siècle. Peu de gens savent que la France en a accueilli quelques-uns dans les années 1930. En Haute-Garonne, deux expériences communautaires sur le modèle du kibboutz ont existé entre 1934 et 1936 du côté de Montaigut-sur-Save et de Plaisance-du-Touch.

Cette histoire méconnue, c’est Joël Guyonneau, un habitant de Saint-Martory, petite commune située à 80 kilomètres au sud de Toulouse, qui l’a exhumée au cours de recherches historiques. Passionné d’histoire, le retraité de France Télécom a débusqué une mine d’informations sur le sujet après plusieurs mois de recherches.

Celles-ci révèlent que des dizaines de jeunes gens, femmes et hommes, âgés d’une vingtaine d’années ont vécu en communauté pendant plusieurs mois dans les dépendances de fermes, s’adonnant à des travaux agricoles. «Les propriétaires des fermes qui accueillaient les jeunes avaient signé un contrat avec Hachaluz («Le pionnier»), un mouvement de jeunesse sioniste fondé en 1905. «Celui-ci avait mis en place un système de placement des jeunes dans le monde entier», explique Joël. On sait peu de choses sur ces jeunes migrants.

Fuyant les persécutions antisémites d’Allemagne et d’Europe de l’Est, ils étaient en transit en France, en attendant leur visa pour la Palestine. La presse de l’époque, et notamment l‘Écho de Paris n’est pas tendre envers eux, et les soupçonne d’espionnage.

En novembre 1934, un journaliste s’interroge : «que font-ils si près de l’aérodrome militaire de Francazal ?». Le mois suivant, le journal évoque ces Allemands «vivant dans la promiscuité la plus totale», des pharmaciens, avocats ou médecins «passant leur temps à explorer le pays, à faire des photos et des dessins». Des colons «sommairement vêtus» et «exécutant des chants en langue allemande». La mixité des apprentis agriculteurs, et les shorts des filles provoquent les commentaires des villageois, selon l’historien.

Si la plupart des «colons» installés en Haute-Garonne sont en effet des intellectuels, peu aguerris aux travaux manuels, leur agenda laisse peu de place à l’oisiveté. «La matinée était consacrée à la gymnastique et aux travaux agricoles. L’après-midi, ils passaient encore quatre à cinq heures à faire des travaux agricoles. Le soir, ils apprenaient l’hébreu», raconte le chercheur. Le travail de la vigne à Plaisance-du-Touch et celui de la terre à Montaigut-sur-Save ont des finalités précises.

«Ils devaient prouver qu’ils savaient être autosuffisants afin d’obtenir un visa», explique l’amateur éclairé. L’organisation réalisait en effet des bilans deux à trois fois par an en se rendant sur les lieux, pour informer les autorités britanniques des compétences des jeunes candidats à l’exil. L’expérience communautaire prendra fin au bout d’une année environ, probablement pour des raisons économiques à Plaisance-du-Touch, et en raison de difficultés législatives à Montaigut.

Suite à la fermeture de leur kibboutz, certains jeunes s’installeront dans un kibboutz du Gers, à côté d’Aignan. La plupart de ces pionniers parviendront à s’installer en Palestine. Contrairement à leurs proches restés en Europe, ils échapperont donc à la Shoah.

Source ladepeche