Dans les pas de Claude Lanzmann, en Haute-Loire, lieu de son enfance et son adolescence

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Monument national à la résistance et aux maquis de France.
Des rives de l’Allier, à La Bageasse, à la clairière du mont Mouchet, l’auteur de Shoah a passé une bonne partie de son enfance et de son adolescence en Haute-Loire. Partir en balade sur ses traces, c’est s’offrir une promenade mémorielle et bucolique à la fois

C’est un simple cahier d’écolier, un peu défraîchi par le temps. Pour qui n’a pas lu les pages du Têtard ou du Lièvre de Patagonie, cet objet qui dort parmi les trésors du musée de la Résistance Joseph-Lhomenède, à Frugières-le-Pin, est une véritable surprise. Des lignes qui répertorient les partisans rejoignant les maquis du mont Mouchet, à la lettre L, jaillissent les noms de deux frères devenus depuis fort célèbres.
Oui, Claude Lanzmann fut Brivadois. Un an après sa mort, nous vous proposons une promenade dans l’ouest de la Haute-Loire, dans ces lieux et ces villages qu’il a parcourus, tout jeune encore et pourtant déjà si profondément engagé.

1- Commencer par Brioude

C’est la première étape de ce périple et c’est logique : c’est parce que le père de Claude Lanzmann avait été soigné ici, après avoir été gazé à Verdun, qu’il y emmena ses enfants et sa compagne, en 1934. Pour le pèlerinage, il vous faudra vous rendre sur la plage de La Bageasse mais aussi dans la rue Jules-Maigne : « La santé de papa empirant, on quitta la rue de Rome pour Brioude, une sous-préfecture de la Haute-Loire, située en plein Massif Central, près d’une jolie rivière pleine de saumons qui sautaient alors joyeusement le barrage de La Bageasse. […] Papa avait été soigné dans la région en 1918. […] Ils avaient ouvert un magasin de mode “Paris nouveautés” dans la rue centrale de Brioude. L’appartement était situé au-dessus de la boutique. Rue Jules-Maigne », écrit Jacques Lanzmann. Avant de passer avenue de la Gare, où vécut la famille pendant l’Occupation, faites donc un crochet par l’exposition Miró, qui met en valeur ses liens avec les poètes. Claude Lanzmann a lui-même connu l’un d’eux : « J’ai vu écrire Paul Éluard, de sa belle calligraphie bleue comme ses yeux. »

2- Passer à Saint-Laurent-Chabreuges

Il vous faut ensuite vous rendre dans ce petit village qui jouxte Brioude pour apercevoir de loin les tourelles du château de Chabreuges. La demeure, inscrite aux Monuments historiques est privée et ne se visite pas. Mais elle vous permettra de mettre des images sur ces mots, tirés du Lièvre de Patagonie, où Claude Lanzmann décrit les lieux qui accueillirent les Résistants, avant de monter au maquis : « Un château féodal intact, magique, hanté, avec ses tours maîtresses, son donjon trapu, ses mâchicoulis, ses larges douves, cerné de forêts profondes et de prairies. »

3- Faire une halte à Vieille-Brioude

Son frère Jacques se souvient aussi de ce voyage : « En traversant Vieille-Brioude réveillée par l’événement, j’ai aperçu les grands-parents qui se tenaient sur le pas de la porte. Anna et Léon, nés l’un en Lettonie, l’autre en Biélorussie, applaudissaient en Auvergnats cette longue colonne de maquisards motorisés qui transportaient leur fils et leurs petits-fils, sang pogromisé et chair de victime, vers l’ultime étape de la francisation. »
La dernière trace tangible de Claude Lanzmann dans le Brivadois se trouve d’ailleurs dans le cimetière du village. Discrète et envahie d’herbes folles, vous y trouverez la tombe de ses grands-parents. Est-ce à cause du caractère de cette grand-mère que la sépulture se retrouve un peu à l’abandon ? Le petit Jacques, frère cadet de Claude, c’est certain, ne portait pas sa grand-mère (« grande fesseuse d’enfants ») paternelle dans son cœur : « Entre Anna et moi, ce fut toujours la guerre » écrit-il dans Le têtard. On y trouve cependant de petits cailloux déposés sur la pierre tombale, selon la coutume juive.
Le promeneur peut profiter de cet arrêt pour découvrir le musée du jardin et de la vigne, petit trésor entretenu par des passionnés bénévoles, ouvert tous les jours de 9 à 19 heures.

4- Filer à Frugières-le-Pin

Dans ce qui fut la maison natale du grand chef résistant du Brivadois, Joseph Lhomenède, son gendre a créé un musée de la Résistance qui regorge de petites (et grandes) merveilles. C’est là que l’on a découvert le fameux cahier qui porte le nom des deux frères. Maurice Capelani, qui est aussi le conservateur du musée, se fera un plaisir de vous faire revivre les grandes heures de la Résistance en Brivadois.

5- Monter au mont Mouchet

Si possible par les chemins de traverse, en montant lentement à l’assaut de la Margeride par la vallée de l’Allier puis en filant vers Ferrussac et Pinols, ou alors en mettant vos roues dans celles du camion qui transporta les frères Lanzmann et leur père, en passant par Chanteuges puis « la route de Pébrac », vers ce haut lieu de la Résistance où le cadet, notamment, allait découvrir l’horreur des combats. Dans la clairière du mont Mouchet, vous découvrirez le monument national à la résistance et aux maquis de France. Vous visiterez l’autre musée de la Résistance de l’arrondissement de Brioude et vous pourrez vous dégourdir les jambes en grimpant jusqu’au sommet. De quoi embrasser un merveilleux panorama et reprendre son souffle, après cette plongée dans ce passé terrifiant.

Pomme Labrousse

Source leveil