« Pitch in the dark », la méthode israélienne anti-discrimination

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Le concept  ? Présenter ses projets dans l’obscurité. Cette méthode, qui veut encourager une meilleure représentation des âges, sexes et origines, pourrait arriver en France.

« Pitch in the dark ». L’expérience n’a eu lieu pour l’instant qu’une seule fois, le 5 novembre, au théâtre Nalaga’at de Tel-Aviv, mais elle pourrait être amenée à se répéter très bientôt. L’idée  ? Faire « pitcher », c’est-à-dire demander à des entrepreneurs de présenter leur projet en un temps limité et dans l’obscurité, pour qu’ils ne soient pas l’objet de discriminations liées à leur apparence. On connaissait les restaurants où l’on mange dans le noir pour donner un plus libre cours à l’appréciation de la saveur des plats, voici venues les présentations dans l’obscurité pour que seul le fond du projet soit examiné.

« Accepter de sortir de notre zone de confort »

« Israël est un pays qui a fait le pari de l’innovation. Nous avons besoin que tous les talents puissent s’y exprimer, et également lever l’argent dont ils ont besoin », a expliqué Ornit Shinar, la responsable des investissements en capital-risque chez Citi Ventures, qui a mené cette expérience avec les établissements bancaires Visa et Intuit.

« Une entreprise s’améliore quand son encadrement est divers », poursuit Ornit Shinar qui regrette que les femmes et les Arabes soient sous-représentées dans les entreprises israéliennes. « J’aimerais voir dans la même entreprise quelqu’un qui est diplômé de l’Unité 8200 (une unité d’élite de Tsahal, spécialisée en cybercriminalité, NDLR), une femme, un Arabe, un spécialiste de l’économie ou encore quelqu’un avec un diplôme de philosophie. Aujourd’hui, on investit trop souvent dans ce que l’on connait déjà, pour se rassurer. Il faut accepter de sortir de notre zone de confort », a expliqué la capital-risqueuse à Calcalist.

Un Arabe de Jaffa, une personne issue d’un kibboutz, une autre d’un moshav

« C’est l’originalité et le modèle économique de l’idée qui doivent entrer en ligne de compte. Et en aucun cas, la couleur de peau, le sexe ou l’âge du porteur de projet », poursuit Lars Seynaeve, responsable de la communication de Citi pour la France et le Benelux, qui aimerait reproduire cette expérience en France. L’entrepreneur qui a remporté cette première édition, où ont concouru une vingtaine de start-up de fintech, de puissance de calcul et d’intelligence artificielle, s’appelle Ismail Kharoub. « Pas de biais, pas de préjudice, uniquement de la technologie » avait alors annoncé l’événement.

« Au moins, j’ai pu focaliser mon discours sur la technologie », a expliqué le cofondateur d’Avenews-GT, une start-up qui met en relation les agriculteurs et leurs clients via la blockchain. « C’était une expérience rafraîchissante. Je n’ai pas eu à me soucier de la marque de la chemise que je devais porter ni de savoir si ma montre était assez chère. J’ai pu me concentrer sur le fond pour répondre aux questions », a détaillé l’entrepreneur qui a expliqué que Avenews-GT était elle-même un modèle de collaboration entre des personnes de différentes origines. « Moi, arabe, né à Jaffa, je travaille avec une personne qui vient d’un kibboutz, et une autre qui a travaillé dans un moshav. »

« Pitch in the Dark » ne résout pas encore pas tout

Certes, même avec toutes les bonnes intentions du monde, « Pitch in the dark » ne résout pas tout. La voix peut bien sûr trahir le sexe d’un entrepreneur, ou encore son origine sociale géographique. Faudra-t-il recourir un jour à une voix artificielle  ? L’idée est d’enclencher un mouvement qui permette un jour de ne plus avoir à « pitcher » dans le noir. Il y a encore du travail. Selon une récente étude signée Lucy Lu Wang, Gabriel Stanovsky, Luca Weihs, ou encore Oren Etzioni de l’université Cornell et publiée sur Arxiv, il faudra attendre… 2100 pour qu’il y ait autant de femmes que d’hommes parmi les chercheurs et cadres en informatique. En attendant, il faudra sans doute corriger les biais des programmes en intelligence artificielle comme le souhaitent par exemple les chercheurs signataires de la déclaration de Montréal. Le serment Holberton-Turing, présenté par les chercheurs Aurélie Jean et Grégory Renard, montre l’importance de respecter trois grands principes : le respect de la vie et des sciences, l’inclusion et la transmission des connaissances. Bonne nouvelle, Ismaïl Kharoub, le gagnant du concours « Pitch in the dark » a décidé d’investir dans une école pour codeuses à Jaffa appelée Web 3.0.

Source lepoint