Esther Brojtman, 91 ans, a raconté, jeudi 23 mai, à des élèves de 3e du collège Gérard-Philipe de Cergy (Val-d’Oise) comment elle a survécu à la Shoah. Un témoignage unique.
Elle n’avait jamais mis des mots sur son histoire. Esther Brojtman a brisé le silence jeudi 23 mai devant des élèves de 3e du collège Gérard-Philipe de Cergy (Val-d’Oise). Un témoignage unique rendu possible grâce à son fils, Lionel Brojtman, plus connu sous le nom de Tsvika. En accord avec le corps enseignant de l’établissement secondaire où il intervient en tant que conteur, le Cergyssois a invité sa mère, 91 ans, à dire comment elle a échappé à la Shoah.
« J’ai eu la chance de ne pas être déportée, c’est la première fois que je raconte mon histoire, je ne l’ai jamais racontée, je n’ai jamais voulu en reparler. »
« J’ai eu cette chance inouïe »
En 1942, Esther a 14 ans. Son père est interné à Pithiviers. Il sera ensuite déporté. Elle vit avec sa mère, sa sœur et son frère, une famille d’origine juive polonaise, à Paris, quartier Sébastopol. « On se cachait à chaque fois qu’il y avait une rafle. Souvent, je dissimulais mon étoile jaune pour ne pas être attrapée par la milice, c’était horrible. »
16 juillet 1942. Avec sa sœur âgée de 7 ans, elle est arrêtée. Direction le Vel d’Hiv. « Un homme nous a vues pleurer, il a eu pitié de nous et il a demandé qu’on nous ramène à la maison. J’ai eu cette chance inouïe. »
Elle et sa famille prennent aussitôt la clef des champs pour rejoindre la zone libre. « Nous nous sommes cachés dans la Sarthe chez des paysans. On travaillait en échange de la nourriture et du logis, c’est difficile pour moi de raconter tout ça… Je ne suis pas douée pour raconter. »
Aidée par son fils, Esther continuera à reconvoquer son histoire. Par bribes. Passant sur les moments les plus douloureux de son passé de rescapée. La guerre terminée, elle regagne Paris. Et reprend le cours de sa vie. Tant bien que mal. « Tous les jours, j’allais à l’hôtel Lutetia pour voir si parmi les déportés qui revenaient des camps se trouvait mon père. Je regardais, j’espérais toujours, mais il n’est malheureusement jamais revenu.» « Toute ma famille a été déportée, j’ai trop mal, lâche-t-elle dans un sanglot. Voilà ce que c’est la guerre, ça n’a jamais donné quelque chose de bon. Aujourd’hui, il y a une montée de l’antisémitisme, je ne comprends pas pourquoi. On devrait être unis, on est tous des humains. »
Cette histoire, elle ne l’avait jamais racontée. Pas même à son fils. « Tout ce que j’ai appris sur la Shoah, je l’ai appris à l’extérieur, confie Lionel. Il y avait un silence à la maison. » Pour les élèves de 3e de Gérard-Philipe, Esther a pour la première fois brisé un silence long de 77 ans. Devoir de mémoire oblige.