C’est assez extraordinaire : il est soupçonné d’avoir détourné des fonds de l’association de lutte contre la récidive qu’il avait fondée en 2010.
Un peu plus de deux ans après l’ouverture d’une enquête préliminaire pour abus de biens sociaux, le parquet de Paris a décidé, jeudi 21 mai, de renvoyer l’ancien homme d’affaires Pierre Botton devant le tribunal pour de multiples infractions financières. Il devra comparaître le 12 juillet et a été placé sous contrôle judiciaire d’ici là avec l’interdiction de gérer une société.
Pierre Botton, connu surtout pour l’affaire politico-financière qui porte son nom et qui lui avait valu en 1996 une condamnation à cinq ans de prison, est soupçonné d’avoir utilisé indûment l’argent de l’association Prisons du cœur, rebaptisée ensuite Ensemble contre la récidive, qu’il avait fondée après son séjour en détention pour soutenir la cause des prisonniers. Il est poursuivi pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux et blanchiment de fraude fiscale.
Autour de l’association qui avait fait l’objet d’une grande couverture médiatique et du soutien financier de nombreuses grandes entreprises, gravitaient en fait une série de sociétés dont plusieurs SARL et une SCI dirigées par le même Pierre Botton, qui aurait, par effet cascade d’imputations de dépenses, récupéré l’argent des subventions.
Des centaines de milliers d’euros détournés
Selon le procès-verbal de convocation devant le tribunal, dont Le Monde a pris connaissance, les exemples de fraude dénichés par Tracfin puis la brigade financière sont légion. La société Au centre des projets (anciennement nommée Au cœur des prisons), dont il était l’unique gérant et bénéficiaire, aurait récupéré « des fonds à hauteur de 54 à 61 % » des subventions reçues par l’association de soutien aux prisonniers sous couvert du paiement de prestations émises par la société Au cœur des prisons. En novembre 2014, M. Botton aurait, par ailleurs, présenté une facture de 515 619 euros à la Caisse des dépôts et consignations relatifs à une prestation de conseils alors que celle-ci avait déjà été payée par l’association.
Avec l’argent récupéré, Pierre Botton aurait essentiellement financé des dépenses personnelles plutôt éloignées des problématiques carcérales qu’il portait publiquement. Le parquet liste ainsi la prise en charge de travaux dans une villa cannoise à hauteur de 108 000 euros, la prise en charge du loyer de son domicile personnel, l’achat de vêtements, la prise en charge de pensions alimentaires versées pour ses filles, ou encore de voyages à l’étranger. Le montant des sommes détournées atteint plusieurs centaines de milliers d’euros. Interrogé en 2017 à l’occasion de l’ouverture de l’enquête, M. Botton avait dit : « Si jamais des fautes avaient été commises, je les assumerai. »
Quatorze ans après sa sortie de prison en 1996, Pierre Botton avait bénéficié d’une très large couverture médiatique lorsque, en 2010, il avait décidé de se confier sur son expérience carcérale et expliquait alors à quel point ce traumatisme lui avait donné l’envie de s’engager pour lutter contre la récidive et améliorer le sort des détenus – mais exclusivement les primo-délinquants condamnés à des peines de moins de cinq ans, hors crime de sang et sexuel. « Six cent deux jours de prison et sept maisons d’arrêt m’ont permis de trouver un sens à ma vie. Jusque-là, je n’avais qu’une valeur, l’argent ! J’étais en train de me perdre ! »expliquait-il ainsi à Paris Match en 2015.
La dimension politique en moins, les infractions pour lesquelles il est renvoyé aujourd’hui ne sont pas sans rappeler celles pour lesquelles il a été condamné en 1996. Dans son arrêt, la cour d’appel notait ainsi que M. Botton « a conçu à partir d’une base industrielle et commerciale existante, avec l’aide de tiers, un montage de sociétés qui lui a permis, par l’utilisation de prêts bancaires et par une facturation fictive systématique, de se constituer un patrimoine immobilier important, de mener un train de vie fastueux et d’entretenir des relations dans les milieux politiques et médiatiques, qu’il aimait fréquenter ».